Bibliothèque de l’amateur d’art

par Gérard-Georges Lemaire

mis en ligne le 12/07/2012

Muss, suivi de le Grand imbécile, Curzio Malaparte, traduit de l’italien par Carole Cavallera , La table ronde, 224 p., 18 €.
Quelques jours avec Hitler et Mussolini, Ranuccio Bianchi Bandinelli, traduit de l’italien par Dominique Vitoz, Carnets Nord, 96 p., 8 €.

Curzio Malaparte (Kurt-Erich Suckert de son vrai nom), on le sait, a eu une histoire contrastée et paradoxale avec le fascisme et son chef, Benito Mussolini. Exilé par prudence à Paris, il y écrit Technique du coup d’Etat qui lui a valu l’arrestation à son retour à Rome, puis la relégation. Il avait pourtant été le directeur de La Stampa et un soutien du régime ! Aucun de ces deux ouvrages n’a achevé sous le fascisme, ni même achevés. Malaparte, dans le premier d’entre eux, s’en prend plus à Hitler qu’à Mussolini : il comprend le danger qu’il représente alors que Mussolini, qui ne l’aime guère, n’a pas l’intuition de ce qu’il va rapidement entreprendre au-delà de la conquête du pouvoir. Malaparte n’était pas le seul à se méfier à se méfier de ce petit homme moustachu, mal habillé et sans panache : le comte Ciano, gendre de Mussolini, ambassadeur à Berlin puis ministre des Affaires étrangères raconte dans son journal combien Hitler lui était antipathique et que l’Italie ne devait en aucun cas conclure d’alliance avec lui. Chez l’écrivain, cette affaire très sérieuse et très grave se traduit par un mélange de satire irrésistible de drôlerie et des considérations politiques pour le moins avisées. Quand au second texte, le Grand imbécile, c’est l’ébauche d’un bilan. Comme beaucoup de ces grands intellectuels italiens attirés par le fascisme, désirent après coup exorcisé ce mal obscur, Mussolini a voulu, à l’instar de Gadda, qui rédige Eros et Priape (« Les derniers mots », Christian Bourgois éditeur) faire amende honorable avec ce texte brillant, mais hélas qui est resté dans ses tiroirs. En somme, nous pouvons découvrir ici deux livres inédits (et pour cause) du génial écrivain de Kaputt et de la Peau.

Professeur d’art et d’archéologie, l’auteur s’est retrouvé dans une situation singulière : Hitler est venu en visite officielle en Italie et 1938 pour renforcer l’alliance entre le Reich et l’Italie fasciste. Dans son Diaro d’un borghese, celui-ci raconte une semaine extraordinaire de sa vie. Il a pu se faire une idée des deux dictateurs. Il fait deux portraits sans concessions et nous faire connaître les réflexions des deux hommes devant les chefs-d’œuvre de Rome et de Florence. C’est parfois drôle et souvent inquiétant ! Bien sûr, c’est l’Histoire vue par le petit bout de la lorgnette. Mais c’est un beau document qui nous aident à comprendre le projet culturel poursuivit dans ces deux pays à la veille de la guerre qu’Italie a eu le plus grand tort d’entreprendre.

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Histoire véritable et autres fictions, Montesquieu, édition et présentation de Catherine Volpilhac & Philip Steward, Folio, 368 p., 6,20 €.

Comme cela arrive pour la plupart des grands auteurs du passé, on ne lit plus guère que les Lettres persanes de Montesquieu et, éventuellement, l’Esprit des lois. Le reste est abandonné aux spécialistes, c’est-à-dire au purgatoire de la littérature. Ce fut donc une excellente idée de rééditer dans une édition de poche l’Histoire véritable et des pièces de fiction écrit par le grand homme.

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La Note secrète, Marta Morazzoni, traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli, Actes Sud, 304 p., 22,50 €.

Nous voici dans un monastère de Bénédictines de Sainte Radegonde à Milan. Nous sommes au XIXe siècle (ce genre d’histoire ne veut arriver qu’en ce siècle qui est celui de Stendhal et de sa chartreuse !). Nous faisons connaissance de sœur Rosalba, qui deviendra mère abbesse, particulièrement douée pour le chant. Une jeune aristocrate entre dans ce couvent comme novice, la comtesse Paola Teresa. Un anglais, John Durant Breval a la possibilité de la voir car elle aussi a une voix exceptionnelle (« La voix était très différente, éclatante, argentine. Bleue ! », dit-il en l’entendant) et elle s’évanouit au beau milieu d’un chant choral. En deux mots, ils s’enfuient du monastère milanais et ils mènent une vie errante, avec toutes sortes de rebondissements plus romanesques les uns que les autres. Voilà donc un roman feuilleton made in Italy. Mais si le titre est séduisant, l’histoire est le fruit du plus mauvais feuilleton, version postmoderne.

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