Dossier Pierre Marie Lejeune
Pierre Marie Lejeune ou le dévoilement d'un monde
par Jean-Luc Chalumeau

Pierre Marie Lejeune a commencé à montrer son travail en 1981 : une œuvre qui se déploie sur trente années justifie que l'on cherche aujourd'hui à en prendre la mesure, que l'on tente de dire pourquoi elle nous communique, dans sa grande diversité apparente, une double impression de plénitude et de nécessité. Ces pièces le plus souvent faites d'acier associé à du verre, du cristal, de la lumière électrique, peuvent évidemment être dites sculptures, mais nommons-les pour l'instant des objets esthétiques, s'il est vrai que l'objet esthétique est celui où la matière ne demeure que si la forme ne se perd pas.

En effet, la dureté et le poli de cet acier patiné ou de ce verre lumineux ne convaincront le regard que s'ils sont parfaitement en place et assument visiblement leur fonction qui est d'abord de commander à la pesanteur en lui obéissant : telles sont typiquement des œuvres comme Porte Picto (2008) ou Kouesto (2007). Ici, le sensible apparaît par la forme, cette dernière étant ce par quoi le sensible contient une nécessité intérieure (et non pas extérieure comme celle qui gouverne le simple objet usuel, étant entendu que PML n'a jamais dédaigné de conférer une valeur d'usage à certaines de ses œuvres : sièges, fontaines ou lampes par exemple). Dans tout objet signé PML, l'unité du sensible comme matière, et de la forme, est indécomposable.

Par la forme, l'objet esthétique selon PML cesse d'exister comme moyen de reproduction d'un hypothétique objet « réel » : il existe par lui-même. Sa vérité ne réside jamais hors de lui, dans on ne sait quelle réalité dont il s'inspirerait, mais vraiment en lui. On pourrait parler de suffisance ontologique : celle que la forme donne au sensible en l'unifiant. En ce sens, il est possible d' affirmer que l'objet esthétique est « nature » pour bien le distinguer des objets exclusivement usuels auxquels il est sans doute nécessaire de confronter les œuvres de PML.

Dans la mesure, par exemple, où de nombreuses réalisations de PML intègrent la lumière électrique, une ambiguïté doit en effet tout de suite être dissipée. J'ai près de moi, sur le sol de mon bureau, une œuvre de cette sorte : elle m'éclaire, certes, mais je ne saurais la considérer comme une lampe à l'égal de celle qui est posée sur la table. Dans le cas de cette dernière, sa forme me dit qu'elle est fabriquée, mais ne me dit rien du fabricant. Dans le cas de la « lampe » de PML, la forme montre au contraire d'abord un auteur, et c'est là l'essentiel. L'objet esthétique seul m'instruit de ce qui est esthétique en lui, seul aussi il m'instruit de l'auteur. De même qu'il y a une vérité de l'objet livrée à la perception, irréductible à l'explication, de même il y a une vérité de l'auteur présente dans l'œuvre, irréductible à sa biographie.

mis en ligne le 12/07/2012
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