Les artistes et les expos
Les masques et la plume de Bartus Bartolomes
par Gérard-Georges Lemaire

        Figurative ou non, mais plus figurative que non, l’œuvre de Bartus Bartolomes repose sur la conjonction de différentes procédures, ce qui la rend aussi singulière qu’unique.
        D’une part, il utilise des plans colorés, qui peuvent coïncider avec une forme précise ou non. Ces plans ont la fluidité du lavis ou de l’aquarelle. Ensuite, les dessins sont exécutés à l’aide de plusieurs techniques, allant du crayon à la plume et de la plume et au pinceau. Enfin, des mots ou des fragments de mots peuvent apparaître à la surface de la feuille. Le plus souvent, il s’agit du titre. Mais pas nécessairement.

        Ses dessins ont de particulier de n’obéir à aucune loi préétablie. Bien sûr, l’artiste possède son écriture propre, mais elle se manifeste sous des aspects différents. Attardons-nous sur ceux qui représentent des portraits imaginaires, comme Lula : on a l’impression que les contours du visage, les yeux, les lèvres, le contour de la tête ont été le fruit d’une graphie automatique lui ayant offert des éléments qui l’ont induit à imaginer cette tête particulière. Il y a sans nul doute chez lui un héritage de l’écriture automatique des surréalistes français des années vingt. Mais ce qui a été offert par le hasard objectif, il l’a ensuite contrôlé, mais seulement jusqu’à un certain point. Il veut conserver à l’ensemble un aspect libre et décousu. Il ne veut surtout pas revenir à un mode traditionnel. Son portrait doit demeurer une création spontanée et restée au plus près de ce qu’on son imaginaire a dicté à sa main.

        Mais qu’on ne s’y trompe pas : ses compositions ne sont ni enfantines, ni des avatars de l’Art brut défendu ardemment par Jean Dubuffet. Non, elles finissent toujours par constituer un sens et représenter des moments de son affect et de sa sensibilité qui soient recevables par le spectateur. En somme, il veut nous tenir dans une situation instable et ambiguë entre le rêve et la réalité -, le rêve ayant plus de poids que le réalisme. Il peut d’ailleurs très bien agencer un groupe de figures tout à fait distinctes comme dans Atomic Marine Test, où une femme se tient derrière un palmier et où la tête d’un homme chauve et barbu se dresse hors de l’eau devant un monstre doté d’une carapace. Il se révèle plus « primitif » (jusqu’à la caricature) dans une autre œuvre, Guernica in New York, où se découpe de figure totémique de noirs qui rappellent de loin les graffiti urbains. Dans tous les cas, l’humour est au rendez-vous. C’est ce que démontre North Corean Birth Rate a Moromamoro : le titre est drôle et énigmatique, la mise en place des figures étranges et le sujet délirant. Le profil du visage qui envahit l’espace et la petite sirène qui évolue au-dessous entrent dans une relation bizarre et burlesque.

        Dans Les Cornes du rhinocéros (publié par Campanotto Editore en 2011), ses papiers sont accompagnés de textes qui eux, sont franchement ésotériques : ce sont des fragments d’un récit d’une nature tout à fait surréaliste. En sorte qu’ils ont tendance à exagérer le versant bizarre de son continent plastique.

mis en ligne le 12/07/2012
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