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Les artistes et les expos
« Je l’ai appris de julio. Je suis galan…»
par Marc Sagaert

Julio Galán, un des plus importants artistes contemporains, « l’enfant terrible de la plastique mexicaine » fait l’objet d’une grande rétrospective de son oeuvre à l’Antiguo Colegio de San Ildefonso de Mexico. L’exposition, d’abord organisée au Musée d’art moderne (Marco) de Monterrey est orchestrée par Guillermo Sepulveda, critique d’art et ami de l’artiste. Cette première grande rétrospective du plasticien, mort prématurément d’une hémorragie cérébrale il y a un peu moins de deux ans et qui avait été choisi par le Centre Georges Pompidou pour représenter le Mexique pour l’exposition « les magiciens de la terre » en 1990, a pour titre « En pensant à toi ». 1000 m2 et 120 oeuvres, pour présenter les paysages symboliques de l’artiste qui offre à travers huiles sur toile, collages, pastels, céramiques, photographies, vidéos et objets de collection, son visage en miroir, les dialogues du corps et de la pensée sans cesse revisités. Tensions, peurs, obsessions, transgressions, jeux narcissiques et érotiques dérangent le regard qui ne peut cependant se soustraire à cette geste douloureuse et profondément attachante. Galán y explore avec fureur et extravagance les limites fragiles et éphémères de son identité.

Et c’est emmailloté dans l’enfance rebelle, adorée-bannie, qu’il livre son corps travesti, se débat dans ses ambigüités. L’artiste gagne comme au dé le double de lui-même à la plume d’argent, la peinture et son écriture et sa salvation, les cordons de l’esprit sa fantaisie, la cruauté sa mélancolie. Par les pieds, par la main, par les poings, par le sexe, le corps est à jamais lié, sensuellement capturé, religieusement ceinturé, par des bandages de chasteté que des coqs de combat viennent picorer. Oui l’artiste a de grands aînés et de brillants amis, Andy Warhol, Anselm Kiefer, Julian Schnabel, Francesco Clemente, Jackson Pollock, Sigmar Polke ou Jean-Michel Basquiat ; certes il aime mélanger les styles et les écoles, le néo mexicanisme, le postmodernisme, le surréalisme et le pop art américain, il sait aussi capter ses propres fulgurances, il a la figuration bien à lui et l’air « est son parfum favori ». Quand il disparaît seul en scène, la performance continue. En passant à l’éternité, la mort elle-même est morte, car elle a vécu plusieurs vies.

L’ours, le gorille et le chien, la tortue, les oiseaux, les poissons et les 400 poupées dansent leur dernière danse hallucinée. Au canon de ses teintes et aux mystères de ses magies « pour toi l’enfant s’est endormi ». « En pensant à toi », le corps s’est éloigné des contours de la rive et de ses climats. Le piano sans pianiste, le boxeur vaincu, la carte des adieux, la quête d’amour éperdue sont déguisés toujours et toujours sont nus. « Je sais voler. Et toi ? Je sais voler et tu ne peux pas/Je sais voler. Et toi ? Je l’ai appris de Julio/Je suis Galán. Et toi ? Je suis galant, et à toi/Je suis Galán et rien de plus. Alléluia ». (1)

(1) Julio Galán, J. Sinmiedo / JM CANO, trad. de Marc Sagaert


mis en ligne le 10/03/2009
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