Omerville,
                            fin novembre 2007 L’été, comme
                            l’an dernier, aura joué les prolongations.
                            Les arbres ont persévéré à conserver
                            leur verdure et les champs aussi : le blé d’hiver
                            et le colza pointent leur nez. L’automne est
                            enfin arrivé, dans la grisaille, les bruines
                            et les vents, mais aussi avec des ensoleillements
                            de splendeurs inoubliables et renouvelées
                            des paysages du Vexin. Un des signaux sûrs
                            de l’arrivée prochaine de l’hiver,
                            ce sont les vagues soudaines et soutenues du croassement
                            déchirant des corbeaux. Ces volatiles détestables,
                            croque-morts des étés, ensevelissent
                            ici le nôtre comme s’ils se réjouissaient
                            d’engendrer ainsi nos regrets. Nous allons
                            certes entrer en hibernation, mais ce sera, ne leur
                            en déplaise, que pour mieux vivre l’espérance
                            attentive du printemps. Une leçon de plus
                            que Dame nature procure ici en permanence. Dans cet
                            entre-deux saisonnier qui mène à l’hiver,
                            les promenades matinales ensoleillées sont
                            propices aux meilleurs comme aux plus insolites recueillements.
                            Des réflexions comparables me venaient à l’esprit
                            face aux dunes infinies cernant les oasis de rêve
                            du désert algérien. Je tentais déjà,
                            comme chacun de nous à vingt ans, de comprendre
                            le monde. Aujourd’hui, ici encore, mille sujets
                            viennent solliciter l’esprit concernant les
                            gens, les choses et le monde. Ce dernier, je le comprends
                            toujours plus mal, pour ne pas dire trop bien, sans
                            parler de tout ce qui va avec lui ! On dirait que
                            ce monde tordu veut ainsi nous encourager à le
                            quitter, comme si c’était nous qui avions
                            tort de ne plus être adapté à lui
                            et non l’inverse, ce qui s’impose pourtant
                            comme une évidence, au moins sur quelques
                            points déterminants ! 
                               
                                
                              LUMIÈRE AU PARC ET NUIT EN VILLE 
                              
                          Quand je surnageais à Paris, je pensais trop
                            souvent au titre donné par mon frère
                            en esprit, Jean-Edern Hallier, à un des livres
                            où, dans son style inoubliable, il faisait
                            avec génie bouillir ses tourments pour mieux
                            nous rappeler les nôtres et, à sa manière,
                            les apaiser : Chaque matin qui se lève est
                            une leçon de courage (Éditions libres
                            Hallier, Albin Michel, 1978). Ce matin, dans le domaine
                            tout proche de Villarceaux, le jardin italien Renaissance
                            de Ninon de Lenclos offre ses reflets dans les bassins
                            du parc, sous la lumière d’un plein
                            soleil d’automne. C’est une pure et indicible
                            leçon de bonheur. Elle est pourtant exprimée,
                            grâce au talent et à la maîtrise
                            parfaite des techniques de peinture de la jeune Catherine
                            Van Den Steen. Elle sait capter sur clichés
                            numériques les images qu’elle a retenues
                            pour mieux en offrir dans ses toiles une quintessence
                            en forme d’abstraction narrative et une dimension
                            esthétique créatrice d’émotion.
                            C’est le cas, qui illustre ici mon propos,
                            d’une des toiles qu’elle a exposées
                            récemment, avec un grand succès, au
                            Carreau artistique de Cergy et à la galerie
                            Guillaume de la rue de l’Arcade à Paris.
                            C’est d’ailleurs dans cette galerie,
                            il y a deux ans, que je l’avais découverte
                            ainsi que ses tableaux sur le Vexin. Ils avaient été conçus à Villarceaux,
                            où cette artiste, comme d’autres à la
                            villa Médicis de Rome, venait d’effectuer
                            un séjour, entre les deux châteaux XVIe
                            et XVIIIe du domaine, leurs parcs, leurs arbres et
                            le Vexin français alentour. Ce qu’elle
                            avait choisi interprété et créé m’a
                            d’autant plus touché que j’ai
                            appris, depuis plus de quarante ans, à bien
                            connaître puis à aimer, c’est-à-dire à comprendre
                            et apprivoiser cette région bénie des
                            dieux afin de mieux m’y conforter. J’ai
                            ressenti à quel point Catherine Van Den Steen
                            avait su percevoir, exprimer et transmettre l’attraction
                            exercée sur nous par les paysages mystérieux
                            du Vexin français, parfois presque mystiques,
                            sous les doigts des variations de la lumière
                            du jour et jusque derrière le rideau de ses
                            brumes matinales. C’est aussi à Villarceaux
                            que Catherine Van Den Steen amorça, dans le
                            cadre de l’association La Source, créée
                            et animée par Gérard Garouste, sa contribution
                            pour conduire vers la création des enfants
                            handicapés pour toutes sortes de raisons et
                            en réussissant à les apaiser, à les
                            guérir ou à leur redonner un meilleur équilibre.
                            Ils en tirent de grands et visibles bénéfices.
                            On le voit à travers l’exposition annuelle
                            de leurs oeuvres à Villarceaux, leur salon
                            d’automne à eux, comme à la dizaine
                            de créateurs contemporains qui inspirent,
                            animent et guident avec générosité leurs
                            efforts et la création collective de leurs
                            oeuvres respectives ainsi exposées (et achetées
                            !) 
                          Dans le Vexin français du grand ouest parisien,
                            quand on parle d’aller jouer les rats des villes,
                            c’est plutôt à Cergy qu’on
                            pense. Cergy, jouxtant et prolongeant Pontoise, fut,
                            dans le dernier tiers du siècle dernier une
                            des plus réussies des nombreuses villes nouvelles
                            d’Îlede- France. Elle continue de croître
                            ainsi que ses espaces de verdure et d’arbres
                            qui, à la belle saison, masquent le pire et
                            embellissent la médiocrité. Cergy est
                            devenue une ville, avec un centre, des quartiers,
                            le RER et des bus, des bâtiments d’université qui
                            ont de l’allure et jusqu’à des
                            banlieues socio culturellement codifiées.
                            Tout cela comporte des espaces de mieux en mieux
                            réussis, mais aussi un héritage difficile à gérer
                            d’erreurs et d’usures, de fissures et
                            de dislocations révélatrices des limites
                            comme du manque de clairvoyance et de moyens des
                            décideurs, sans parler du mauvais goût
                            des professionnels et des élus qui se mettent
                            en mouvement, en France, quand on se met à construire.
                            Cela va des architectes et des concepteurs aux administrateurs
                            et managers, en passant par les bétonneurs
                            de produits médiocres, les promoteurs immobiliers
                            et les lotisseurs de tout poil. En poète paysan
                            facétieux, quand je pense à Cergy ou
                            que je revois cette ville nouvelle en esprit, ma
                            mémoire ne peut pas s’empêcher
                            de célébrer l’adage d’Alphonse
                            Allais : Il faut construire les villes à la
                            campagne, l’air y est plus pur. Dans l’intervalle,
                            quand il m’arrive de m’y perdre pour
                            retrouver ma route – c’est le propre
                            des villes, surtout nouvelles, généralement
                            mal balisées pour les rats des champs dépourvus
                            de GPS – je tombe parfois sur des spectacles
                            urbains nocturnes qui deviennent beaux à force
                            d’être poignants, voire pathétiques.
                            Là encore, j’ai trouvé que Catherine
                            Van Den Steen avait su trouver et créer à Cergy
                            de magnifiques sites urbains vus au fil des saisons
                            et selon les heures du jour, mais aussi de la nuit.
                            L’un d’eux, qui m’a plu, m’aura
                            servi à illustrer, sur un mode nocturne approprié,
                            la chute d’une chronique abrégée,
                            l’espace nous manquant par exception dans cette
                        livraison de Verso.  |