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Chroniques des lettres
Chronique de l’An VII (2)
Chronique de l’An VII (2) par Gérard-Georges Lemaire
par Gérard-Georges Lemaire
Outils de travail
L’Art au XV ème siècle,
Stefano Zuffi
L’Art au XIXème siècle,
Gabriele Crepaldi
Guide des Arts, Hazan
Germain Viatte, ancien directeur du Musée national d’art moderne, a écrit une défense et illustration du Centre Georges Pompidou dont on fête les trente ans. Il faut tout de même se souvenir que ce projet avant-gardiste de musée transformable à volonté (en théorie) avec un système d’accès du public en tout point (les visiteurs avaient accès directement dans les bureaux de l’administration !). De plus, les œuvres pouvaient être amenées directement des réserves du sous-sol dans une salle à n’importe quel étage. Cette conception révolutionnaire digne des années 70 a fait long feu et le Centre a été un chantier permanent en fonction d’une vision de la muséologie ou d’une autre. Sa grande réussite a été la bibliothèque. En ce qui concerne les expositions, certaines connurent un succès énorme (Paris-New York, Paris-Moscou, Paris- Berlin, Vienne), d’autres furent des échecs cuisants (Face à l’histoire par exemple). En somme, il faudrait dresser un bilan très contrasté alors que le Centre est devenu une institution comme les autres, avec un prix d’entrée prohibitif, un restaurant hors de prix et un «marchandising» dévastateur.
Le passé (toujours réinventé)
Henri Michaux,
Alfred Pacquement, Gallimard.


L’ouvrage d’Alfred Pacquement sur Henri Michaux vient d’être réédité chez Gallimard. La question qui peut se poser est la suivante : quand l’aventure picturale du poète commence-t-elle ? En 1937, avec Le Prince de la nuit, ou plus tôt encore, dix ans plus tôt précisément avec son Alphabet – un alphabet qu’il réitère sous une autre forme en 1943 ? Quoi qu’il en soit, il officialise son engagement dans cette nouvelle poétique, qu’il ne cesse par la suite de lier à l’écriture. Il compose plusieurs ouvrages après la dernière guerre qui sont l’émanation même de cette connivence, comme Mouvements (1951), par exemple. L’analyse de Pacquement consiste à dégager les principaux ressorts de cette étrange mécanique qui vise le rapprochement et, peu à peu, inéluctablement, la quasi-fusion des deux modes d’expression. Elle nous fournit les éléments fondamentaux de cette singulière exploration de la physique des signes placés à l’enseigne d’une poésie protéiforme.
Cécile Reims
grave Hans Bellmer,
Pascal Quignard, Cercle d’Art.


Cécile Reims a rencontré Hans Bellmer en 1951. Mais ce n’est que quinze ans plus tard qu’une collaboration s’établit entre eux, quand elle fait la connaissance de l’édition Georges Visat. C’est elle qui a gravé Le Petit traité de morale, les illustrations pour Les Chants de Maldoror, Les Marionnettes, Les Anagrammes du corps. Bellmer meurt en 1975. Cécile Reims continue à graver ses dessins : une étrange collaboration posthume a ainsi vu le jour. Pascal Quignard a écrit des fragments à propos des dessins du grand artiste allemand qui a fait sa carrière en France, mais en fait dans une patrie abstraite et imaginaire qui est celle des marges du surréalisme. L’écrivain compare ses estampes à celle de Marcantonio Raimondi, qui a interprété Giulio Romano. Il lie étroitement la quête de ce passionné du dessin et de cette graveuse virtuose. Dans le mouvement de sa pensée, Quignard passe de l’un à l’autre, se penchant alternativement sur la feuille imprimée et sur la plaque de cuivre. Il rappelle qu’il n’est pas le premier à avoir été fasciné par cette connivence esthétique : André Pieyre de Mandiargues l’a relatée dans Processus. Et, en 1992, Annie Lebrun l’a dépeinte dans A des fins de désoccultation passionnée. Cécile Reims est également écrivain et, dans ce livre, elle raconte comment elle a pu réaliser cette étrange translation de l’œuvre de Bellmer grâce aux fers du métier.
Cantique de Matisse,
Michel Butor, Éditions Virgile.


Infatigable, Michel Butor vient d’écrire un Cantique de Matisse. Encore un essai sur Matisse, s’écrira-t-on, quel ennui ! Eh bien, non : l’auteur de La Modification a produit un suite de méditations poétiques très libres à partir de quelques compositions célèbres du peintre, l’Autoportrait de 1906, l’Atelier rouge de 1911, le Triptyque marocain de 1912, entre autres. C’est l’idée que se fait l’écrivain du voyage qui est ici décrit et chanté. Voilà un périple dont la peinture est le prétexte qui mérite d’être vécu et qui s’inscrit en fin de compte de la relation traditionnelle du peintre et de l’artiste telle qu’elle a été vécue au cours du siècle dernier.
Pour une anthropologie de l’espace,
Françoise Choay,
“La Couleur des idées”, Seuil


Dans ce dernier ouvrage, notre théoricienne part d’un constat affligeant sur la non pensée de l’espace urbain en fonction des nouvelles données économiques, politiques et sociales de notre monde. Les critiques qu’elle formule à propos des projets architecturaux réalisés à Paris depuis quelques décennies (le Louvre, la BNF, la Grande Arche de la Défense…) est aussi justes que pertinentes. Ce n’est pas tant la monumentalité qu’elle met en cause que l’usage et les fins assignées à ces nouveaux lieux. Plus largement, elle s’interroge sur le statut de la ville alors que l’ère électronique annoncée par W. S. Burroughs modifie de fond en comble notre mode de vie et notre manière d’envisager l’univers. Elle consacre aussi de nombreuses pages au passé, sur la notion de monument et ce qu’elle implique et sur le concept d’authenticité. Françoise Choay a une grande qualité : celle de la grande clarté d’esprit. Elle sait nous entraîner dans le cours de son raisonnement et nous faire comprendre pourquoi il n’y a plus d’utopie et pourquoi la question du patrimoine est aujourd’hui aussi épineuse.
La Décolonisation du tableau,
Patrick Vauday, «La couleur des idées», Seuil.


Quelle déception ! Le livre de Patrick Vauday nous annonce une discussion sur les rapports qu’auraient entretenus l’art et la politique dans la seconde partie du XIXe siècle. En réalité nous y découvrons des considérations assez banales sur la peinture de Delacroix et une analyse morne et convenue sur l’évolution de l’art de Gauguin. Je me suis arrêté sur la partie dédiée au japonisme. Une chose est sûre : on n’y découvrira rien d’original. Pire encore : pas une seule idée personnelle. L’auteur ne semble pas en mesure de comprendre en quoi la xylographie japonaise de l’ère d’Edo a joué un rôle aussi important dans l’histoire de l’impressionnisme. Dommage. Il a tout simplement omis le fait que les tenants de cet art nouveau avaient adopté les principes édictés par Baudelaire et voulaient donc être les peintres de la modernité. Leurs allusions directes aux estampes et aux autres formes esthétiques de l’Empire du soleil levant ne sont que des jeux. C’est leur manière d’aborder les thèmes urbains qui en sont profondément redevables. Oui, dommage.
LE PRÉSENT (IMPARFAIT)
Anachroniques,
Daniel Arase, “Art & artistes”, Gallimard.


Du regretté Daniel Arase a paru un merveilleux recueil d’essais baptisé Anachroniques. Si ses travaux sur la Renaissance italienne sont très connus, ses réflexions sur l’art moderne et contemporain le sont beaucoup moins. Difficile de bouder son plaisir quand il commente Mark Rothko et Max Beckmann. En ce qui concerne les créateurs de notre temps, on doit parfois s’interroger sur la pertinence de leurs œuvres et de l’analyse qu’y s’en suit (quand il parle de la «puissance de son art» à propos de Cindy Sherman, il est évident que son enthousiasme de néophyte l’emporte plus loin qu’il l’aurait imaginé). En revanche, les pages qu’il consacre à Anselm Kiefer (« De mémoire de tableaux ») méritent de figurer dans une anthologie de la littérature artistique. Arase avait non seulement une capacité d’analyse très aiguisée, mais aussi une faculté de distinguer toutes les facettes d’un geste créateur.
5 Voyageurs immobiles,
Marinette Cueco, Panama.


Marinette Cueco est un artiste hors norme. Impossible de la cataloguer. Sans doute sa posture n’est-elle pas facile à soutenir. Il n’en reste pas moins que sa méthode est aussi originale que séduisante. Sa dernière exposition au musée des Beaux-arts de Pau le prouve amplement. Et la publication qui en résulte présente ses herbiers qui pourraient entrer dans un cabinet de curiosités. Elle joue ici sur un double registre : le simulacre d’une classification de caractère scientifique et le pur jeu des formes et des couleurs des feuilles choisies. Ses planches prennent ainsi un sens particulier : elles engendrent une beauté reposant à la fois sur le même et l’autre, sur la réitération de ces spécimens séchés et soigneusement ordonnés sur une surface neutre. Leur reproduction procure un sentiment assez ambigu, puisque la réalité physique des végétaux se change ici en une illusion de peinture. Voilà une expérience menée avec beaucoup de grâce et de subtilité.
Fenêtre sur le chaos,
Cornelius Castoriadis,
“La couleur du temps”, Seuil.


De Cornelius Castoriadis, on connaissait les écrits de la revue Socialisme ou Barbarie et ses thèses sur l’implosion de l’URSS à laquelle presque personne ne prêtait crédit et qui pourtant se sont révélées prophétiques. Dans ces entretiens réunis sous le titre de Fenêtre sur le chaos, il tient des propos sur l’art, c’està- dire sur une question qui ne semblait pas au centre de ses préoccupations. Il se fait le défenseur de l’idée d’art comme « advenir du monde » qu’avait formulée Heidegger. Cela lui permet de dégager une vision du créateur moderne en prenant appui sur la figure emblématique d’Alberto Giacometti. Ces pages de philosophie mérite qu’on s’y attarde. Castoriadis n’a décidément pas fini de nous surprendre.
Peindre en oubliant la peinture,
Guy Malabry, Diabase.


Je ne sais rien de l’œuvre de Guy Malabry. Mais j’ai été séduit par son petit livre où il expose ses réflexions d’atelier et propose un long dialogue avec deux personnes. Peintre et graveur, il nous raconte comment lui est venu cette passion, quels sont les artistes anciens qui l’ont aidé à s’accomplir, de quelle façon il envisage son travail. A l’inverse d’une confession ou d’une autobiographie classique, l’auteur n’a retenu que ce qui établit un lien entre lui et le mode d’expression qu’il a choisi. Cela donne envie de découvrir ses créations.

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mis en ligne le 30/07/2007
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