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Chronique de l’an V
Chronique de l’an V par Gérard-Georges Lemaire
Par Gérard-Georges Lemaire
I Des goût et des couleurs

AUTRÈS TEMPS, AUTRÈS MURS


Poésies, Michel-Ange,
édition bilingue traduite et présentée par Yves Hersant & Nuccio Ordine, Bibliothèque italienne, Les Belles Lettrès.
La poésie de Michel-Ange est indissociable de son œœuvre de sculpteur et de peintre. Et les raisons en sont multiples. Les thèmes qu'il aborde peuvent très bien se rapporter aux affres de la création et il n'hésite pas à se mettre en scène en train de peiner sur les échafaudages de la chapelle Sixtine quand il peint Le Jugement dernier. Cette nouvelle édition présentée par Les Belles Lettrès est remarquable, par le soin apporte à l'édition et par la qualité des traductions. L'artiste pouvait être extravagant dans la construction de ses textes, mais son langage demeurait simple et direct. Je m'étonne même de la facilite que j'ai a lire ces poèmes dans cet italien du XVIe siècle (je ne dirai pas la même de certains poètes du XIXe siècle !) Cet imposant corpus peut - et doit -être lu comme un autobiographie de l'auteur de la Piéta. lève au sein de la famille Médicis à Florence, sa poésie est de la même valeur que celle de Laurent le Magnifique, ce qui n'est pas surprenant car il doit son éducation à la puissante famille qui gouvernait Florence. Et elle est encore capable de nous toucher, de nous émouvoir, de faire vibrer en nous des sentiments et ces passions qu'il traduit par l'affrontement incessant de la glace et du feu. C'est un véritable bijou littéraire de la fin de la Renaissance.


Le Métier de peintre au Grand Siècle,
Antoine Schnapper, Bibliothèque des histoires, Gallimard.
Antoine Schnapper à montrer dans cette excellente étude en quoi le métier de peintre a profondément évolue au cours du XVIIe siècle en France. Il fait une considérable analyse de caractère sociologique. La maîtrise qui régissait jusqu'alors la vie des artistes va vu au milieu de ce siècle son pouvoir s'effriter en particulier à cause de la création de l'Académie royale de peinture et sculpture sous l'impulsion de Colbert. Dans cette perspective, il étudie aussi l'évolution des revenus des peintrès et des sculpteurs qui est relativement notable. Le seul problème est que la lecture de ces chiffres obtenus au terme d'une enquête très fine et très scrupuleuse est rendue difficile au cours manque de correspondance avec les cours actuels et par ailleurs, de l'inflation qui s'est manifestée sous Louis XIV. Mais en dehors de ces questions qui rendent les précieuses données réunies par l'auteur d'une interprétation parfois fastidieuse, ce livre constitue une mine d'informations inestimables. S'il n'existe pas alors un marché de l'art comme nous l'entendons, d'énormes disparités existaient entre la commande publique et la commande privée, et la valeur d'un tableau variait selon un grand nombre de critères, l'auteur, bien sur, la dimension, le genre, etc. Mais ce qui est sûr, c'est que les tableaux anciens pouvaient atteindre des sommes importantes alors que seules les œœuvres commanditées par le roi etaient payées rubis sur l'ongle. Ce livre austère a le mérite insigne de nous introduire à la vie et l'économie du milieu de l'art du Grand Siècle avec la plus grande précision, ce qui est non seulement utile pour comprendre comment a évolue le statut de l'artiste, mais aussi passionnant pour mesurer cette métamorphose a l'aune d'une aspiration remontant à la Renaissance.


Rodin,
Raphaël Masson/Veronique Mattiusi, Flammarion
Auguste Rodin est l'un de ces artistes formidables et écrasant que le XIXe siècle nous a laissé en héritage - un héritage pléthorique et donc encombrant. La littérature qui s'attache a ses jours et a son œœuvre est à la mesure de sa démesure : elle est énorme. La nouvelle monographie que vient de produire le musée Rodin (l'un des plus visites de Paris) n'apporte rien d'essentiellement nouveau pour la connaissance de ce sculpteur.
C'est un compendium assez honorable de ce qu'on doit savoir sur lui avec, à la fin, un chapitre intéressant sur l'histoire du musée. On ne sait trop à qui s'adresse une telle publication - aux touristes fortunes? aux inconditionnels de ce monstre sacre? en tout cas ni a ceux qui veulent s'initier a son art (à cause de son prix élevé), ni aux spécialistes qui disposent déjà de toutes ces informations. Mais il ne fait tout de même pas partie des ouvrages inutiles qui sortent pour les fêtes. Bref, on ne sait en fin de compte trop quoi penser.


Turner, l'incendie de la peinture,
Olivier Meslay, Découvertes, Gallimard.
On a voulu faire de Joseph Mallord William Turner le précurseur des impressionnistes et en plus particulièrement de Claude Monet. Le peintre londonien - ce dont on ne se rend plus compte - a tenu une place éminente dans la sphère de l'art anglais du début du XXe siècle. John Ruskin en fait, son héros dans son grand livre, Modern Painters (1840-1862).
Rapidement reconnu et célèbre, Turner devient un artiste riche et pouvant donc entreprendre de nombreux voyages sur le continent européen, surtout en Italie. Sa production est prolifique.
Mais comme le fait apparaître Olivier Meslay, il est demeure un homme énigmatique, impénétrable, s'entourant de peu d'amis et se consacrant au célibat avec obstination. Son étude permet non seulement de se débarrasser de nombreux préjuges sur cet artiste qui n'a pas fait que peindre des paysages complètement noyés dans la brume et qui a eu de curieuses ambitions géographiques comme décrire le cours des grands fleuves.


Matisse et la couleur des tissus,
Gallimard.
C'est un sujet si évident, et pourtant aucun ouvrage n'avait encore paru pour étudier de pres la relation très intime et très singulière d'Henri Matisse avec les tissus imprimés. La dimension décorative de son œœuvre picturale repose en grande partie sur cet extraordinaire emploi des tapisseries, des tapis, des nappes et des tissus d'ameublement. On sait que très tôt l'artiste a eu attrait spécial pour les productions décoratives de l'Islam, même avant son voyage en Afrique du Nord. Le nombre de dessins et de toiles ou ce penchant prononcé se révèle est considérable au point de constitue l'une des pierres angulaires de sa recherche plastique. Et quand on contemple les merveilleux collages de gouache colorée sur papier et les papiers gouaches et découpes de l'immédiate après guerre, on constate à quelle point cette source d'inspiration, loin de se tarir, a été une ultime impulsion dans son existence. Matisse collectionnait d'ailleurs des étoffes précieuses et ses origines nordiques (il vient d'un pays où ses parents etaient tisserands) ne sont pas indifférents en la matière car son il a été exerce dès l'enfance. Cet ouvrage est en fait le catalogue d'une exposition présentée au musée Matisse de Le Cateau-Cambresis. Loin d'être anecdotique ou secondaire, cette réflexion sur cet aspect de la démarche plastique de l'auteur de la Figure décorative sur fond ornemental (1926) - un titre qui en dit long sur ses intentions - est incontestablement le nud central de sa quête intérieure.


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mis en ligne le 02/11/2004
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