Yves Klein et Jean-Luc Godard Nous venons de découvrir que sur le lieu où Yves Klein a fait “Son saut dans le vide” en octobre 1960...
Yves Klein et Jean-Luc Godard
Yves Klein et Jean-Luc Godard
Yves Klein et Jean-Luc Godard
Nous venons de découvrir que sur le lieu où Yves Klein a fait “Son saut dans le vide” en octobre 1960, à Fontenay aux-Roses, a été élevé une chapelle dédiée à Sainte Rita de Cascia, inaugurée en novembre 1992.
Le récit que nous vous faisons ici est l’exact compte rendu de ce qui nous a amené, le 29 mai 1996, au 7 rue Gentil Bernard.

En janvier de cette année nous revoyons “A bout de souffle” de Jean-Luc Godard.
Peu de temps après, nous passons par hasard au carrefour du boulevard Raspail et de la rue Campagne Première. Nous nous y arrêtons, car il était plusieurs fois question de cette rue dans le film. C’est aussi là que le personnage joué par Jean-Paul Belmondo court tout le long de la rue avec un balle dans le dos pour s’écrouler au passage clouté.
Tony Frank a alors l’idée de faire une vidéo où il refilmerait la scène : Pierre Yves courrait de la même façon pour s’écrouler, au même endroit, dans la silhouette d’un corps étendu, dessinée au préalable à la craie sur la chaussée, comme une cible.

Cette idée ne nous satisfait pourtant pas. Nous ne réaliserons pas la vidéo en question.

Un matin, quelques jours après, Pierre Yves, repensant à la rue Campagne Première, prend le catalogue de l’exposition “Hors Limites” dans lequel il se souvenait avoir lu la légende d’une photo où il y était fait allusion (p 100, légende p 101). Il s’agit d’une réunion des nouveaux réalistes, rue Campagne Première chez Yves Klein.
Pierre Yves s'aperçoit alors qu’Yves Klein avait habité cette rue.
C’est à ce moment précis qu’il fait le lien entre la chute de Belmondo dans “A bout de souffle” et la photo de l’envol d’Yves Klein, “Le Saut dans le vide”.
Il rephotographie toute cette scène d’“A bout de souffle”, image par image et s’arrête sur celle où Belmondo-Yves Klein se pose à terre comme une feuille.
Nous décidons que cette photo fera partie de nos envois, travail entrepris en commun depuis l’automne 1995. S’agissant, dans nos esprits, de la mort de Belmondo-Yves Klein, Tony Frank veut que cet envoi soit en souvenir de la mort d’Yves Klein, le 6 juin 1962. Nous l’enverrons donc pour le 6 juin 1996—le 34ème anniversaire de la mort d’Yves Klein, à l’âge de 34 ans. Elle sera simplement accompagnée d’une légende : “Le 6 juin 1962, Yves Klein se pose. Yves Klein comes to rest June 6, 1962”.
Tony Frank décide aussi que nous posterons ce courrier de Fontenay-aux-Roses, où Yves Klein a pris son envol.

Le 29 mai 1996, nous nous rendons à Fontenay-aux-Roses pour poster nos envois. Une fois sur place, nous avons voulu voir l’endroit exact où il avait fait le saut, mais ayant oublié de regarder l’adresse dans le catalogue avant de partir (Yves Klein, Hayward Gallery, 1995), nous cherchons des renseignements auprès du Centre culturel et de la Bibliothèque municipale. Sans succès.
Pierre Yves, la photo du “Saut dans le vide” en tête, est pourtant persuadé que c’est dans une rue presque perpendiculaire à la voie ferrée qu’il a eu lieu, puisqu’on voit un bout de la gare à l’arrière-plan de la photo.
En revenant de la bibliothèque, nous empruntons une passerelle qui surplombe la voie ferrée. De là, Pierre Yves remarque une église moderne entre deux maisons. Nous nous y rendons. Pierre Yves, en se plaçant sur le trottoir devant l’église, et en se tournant vers la gare, reconnaît, là, l’arrière-plan de la photo.

L’entrée de l’église, aujourd’hui au 7 rue Gentil Bernard, est dans le prolongement du portail qui figure sur la photo du “Saut dans le vide”.

Nous rentrons dans l’église. Nous découvrons que c’est une chapelle dédiée à Sainte Rita de Cascia. Nous avons alors le souvenir qu’Yves Klein avait fait une offrande à Sainte Rita en Italie, offrande qui avait été découverte des années après sa mort.

En rentrant à Paris, troublé par cette coïncidence, Tony Frank lit dans le catalogue que le saut a bien eu lieu au 3 rue Gentil Bernard et vérifie auprès du secrétaire de la chapelle qu’il y avait deux maisons à cet emplacement, rasées il y a une trentaine d’années.
Par ailleurs, Tony Frank cherche à savoir si la famille ou les héritiers d’Yves Klein ont quelque chose à voir avec l’implantation de la chapelle sur le terrain où se situait la maison d’où Yves Klein a fait son saut. A Fontenay-aux-Roses, personne ne peut le renseigner à ce sujet.

Le 6 juin, il décide alors de contacter directement la famille d’Yves Klein. Il joint Madame Rotraut Klein-Moquay, à qui il pose la question et découvre qu’elle n’était pas au courant de l’existence de cette chapelle à cet endroit.

Nous tenons à dire que nous ne sommes en rien des spécialistes d’Yves Klein. C’est parce que nous sommes les candides dans cette histoire qu’il nous a semblé important d’en donner ici le détail, tant les conclusions que chacun pourra en tirer nous apparaissent bouleversantes.

Pierre Yves ne peut s'empêcher de penser, à la lecture du récit des derniers jours de la vie d’Yves Klein, lecture qu’il avoue n’avoir fait que très récemment dans le catalogue de la rétrospective 95, que c’est un véritable chemin de croix qu’a vécu, alors, Yves Klein et que c’est à bout de souffle, qu’il est mort.
Il nous paraît clair aujourd’hui que nous ne pouvions nous contenter d’envoyer notre ouvrage sans dire ce qu’il a mis à jour.
Ainsi nous sommes persuadé que l’échange que Tony Frank a eu avec Madame Rotraut Klein-Moquay le 6 juin était voulu par Yves Klein, tout comme la chapelle, tout comme tout ce qui nous amena à la découvrir.

Fait à Paris, le 15 juin 1996

Pierre Yves Clouin Tony Frank Paschall