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DVD :
Du péplum à l’intime, ou vice-versa ?
DVD : Du péplum à l’intime, ou vice-versa ? par Guillaume Boisdehoux
Cléopâtre, 1963, Joseph L. Mankiewicz, 4h00
Les Gladiateurs, 1954, Delmer Daves, 1h37
La Tunique, 1953, Henry Koster, 2h08
La Chute de l’Empire Romain, 1964, Anthony Mann, 2h50
Les Derniers Jours de Pompei, 1959, M. Bonnard & S. Leone (!), 1h56
Titus, 1998, Julie Taymor, 1h57
Ben Hur, William Wyler
Caligula, 1979, Tinto Brass, 2h28

Le péplum dans Verso Arts et Lettres ! Qu’on me pardonne ce caprice vers une « vidéothèque idéale ». Les deux premiers coffrets ne sont pas chers, Caligula, oui, mais on n’est pas volé ! Dans Hollywood sur le Nil, Noël Coward raconte les aventures de producteurs hollywoodiens essayant, à chaque fois, de réunir plus de figurants que l’autre. Il y avait le fameux Cecil B. de Mille, bien entendu. Dans Le Shérif est en Prison (Blazing Saddles, western revu et corrigé par M. Brooks auquel je consacrerai une rubrique) le Waco Kid, virtuose du revolver, dit, avec peine, « J’ai tué plus d’hommes que Cecil B. de Mille ! ».

Coward évoque une scène dans laquelle il fallait faire avancer environs trois fois cinq mille figurants, tirant les grosses pierres devant faire les pyramides. Comment s’adresser à quinze mille « indigènes » ? Un assistant eût l’idée de faire apposer une trace de couleur sur le poignet gauche de chacun, les verts à gauche, les rouges au centre et les bleus à droite. Au moment où les gigantesques caméras (une par couleur primaire et en 70 mm Panavision, des monstres) se mettent en route, l’assistant lèvera des fanions visibles par tous et tout ira bien. Oui, mais les 15.000 figurants « regardèrent l’heure » en même temps.

On remarque, sauf dans Caligula, que les nombrils de toutes les dames de ces films à tunique et toges très succinctes sont INVISIBLES. Comment cela est-il possible ? Des milliers de kilomètres de pellicules ont été retouchés avec un aérographe, image par image. Pourquoi ? On ne connut la réponse que lorsque l’épouse de M. Hays, alors responsable de la commission de censure portant son nom, demanda le divorce au prétexte, entre autres, que son mari confondait le nombril avec…! Ceci est authentique, historique.

On comprend mieux la « culture américaine » à la lumière de ce fait, comme on comprendra mieux la politique missionnaire actuelle de l’inventeur du concept d’armes virtuelles de destruction massive dans, par exemple, la chromo racontant les débuts du christianisme « à la Hollywood » dans Les Derniers Jours de Pompei. Les habitants de Judée sont beaux et proprets, le Christ, blond, bien entendu, a une mise en plis impeccable, les miracles sont efficaces, ces païens de Romains, un peu grassouillets sont tous méchants, mais beaux…

Il manque à cette critique les deux seuls péplums valant vraiment la peine d’être vus et revus, «La Vie de Brian », des Monty Python, pas encore disponible, et «La Folle Histoire du Monde, première partie » (History of the World Part I), de Mel Brooks, dont j’attends avec impatience les sorties pour vous en reparler. En attendant, on se régalera de la course de chars de Ben Hur, bien entendu, et de l’excellence des bonus de ce DVD, de la comédie du couple en formation et éthylisme avancé Taylor – Burton dans Cléopâtre, des très beaux yeux de la très belle Sofia Loren dans La Chute de l’Empire Romain et d’inoubliables scènes où ces milliers de figurants font du cinéma ce qu’il doit, finalement, être, un rêve.

Quant à Caligula, on peut se poser la question de son « classement » dans une vidéothèque. Avec les « X » ou avec les péplums. Probablement un film à déconseiller aux jeunes enfants, il est à ma connaissance le seul film de ce genre, un genre à lui tout seul. Produit par le patron de Penthouse, Bob Guccione, réalisé par l’autoproclamé obsédé sexuel italien Tinto Brass et inspiré du livre de Gore Vidal qui fit mieux avant et depuis, il ne manque pas d’intérêt dans la description de ce que le pouvoir peut faire à l’homme. Il n’y a pas de limites au mal, et les exactions récemment découvertes d’un représentant de la justice dans une bonne ville pas loin de Paris, ou les rumeurs relatives à une autre bonne ville française du sud, rendent ce film, et le règne idiot et cruel de Caligula, bien tièdes. La réalité de la débauche à Rome ne vaut-elle pas mieux que l’hypocrisie bon teint de la France ou de l’Italie (Berlusconi !) aujourd’hui ? Bonne question, merci de l’avoir posée.



Les Contes Moreaux, Éric Rohmer.

À l’opposé de ce cinéma à très grand spectacle, « Les Six Contes moraux » de Éric Rohmer sont des films qui se lisent presque plus qu’il ne se regardent ! Dans Le Genou de Claire, la scène la plus torride est celle où Brialy, incarnant magnifiquement un séduisant quadragénaire qui aime les femmes, touche, enfin et pour quelque micro secondes, le fameux genou de la non moins fameuse Claire, qui ne l’est pas tellement.

Le plan d’ouverture de La Collectionneuse est un chef d’œuvre, la caméra caresse le corps de cette très jolie femme avec une délicatesse qui révèle, chez Rohmer, son amour sincère et authentique de la femme. Inutile de critiquer Ma Nuit Chez Maud, et j’ai le cafard en pensant à Jean-Louis Trintignant. Rohmer est un très grand cinéaste, une des plus belles illustrations de ce que cet art peut offrir, avec des moyens réduits, à la condition de ne pas en faire un produit de grande consommation. Des classiques incontournables.



Les Chaplin rénovés. MK2

La Ruée Vers l’Or, Les Feux de la Rampe et Les Temps Modernes montrent la détermination de MK2 de mener à terme cette entreprise de restauration, de restitution, des chefs d’œuvre de Chaplin, après Le Dictateur. On oublie que ces films ont été « réparés » image par image. Plus la moindre rayure, la moindre trace de poussière incrustée dans le support, l’image est belle, très belle, éclairée avec génie, les gris sont somptueux.

Dans les bonus de ces DVD, on remarquera l’extraordinaire reprise, sur celui des Temps Modernes, d’un film de propagande (c’est le terme de ses producteurs) du Ministère du Travail des États-Unis d’Amérique sur le travail des femmes. On sait que pour « passer » une publicité aux USA doit viser le niveau d’un enfant américain de 8 ans. Ici, c’est plus proche de la chèvre de 4 ans. Extraordinaire, il suffirait de changer la langue pour confondre avec un documentaire soviétique de la pire période du « B3P », (le Bon Petit Père des Peuples), en remplaçant « productivité » par « productivité », ce qui n’est pas difficile.

Chaplin, avec Les Temps Modernes, comme avec La Ruée Vers l’Or, faisait du documentaire social. Il n’y a que les Américains pour ne pas s’en être rendu compte ou, quand ce fut le cas, le mettre sur les listes noires du MacCarthysme.



Jazz DVDY Films

10 DVD et 10 CD pour 100 euros, soit une heure de film et autant de musique pour dix euros. J’ai acheté ce coffret avec la plus parfaite absence de culpabilité par rapport à d’autres dépenses ! C’est un cadeau et un cadeau magnifique. Qu’on soit, comme j’ose prétendre l’être, assez versé dans cette musique ou complètement ignorant du sujet, ces films ne peuvent que satisfaire tous les publics.

Il faut foncer et découvrir, ou redécouvrir, des artistes aussi immenses que Armstrong, Basie, Ray Charles, Sarah Vaughan, Charlie Parker, Thelonius Monk, John Coltrane, Billy Holiday et deux volumes « Histoire du jazz » et « Bluesland » qui font pardonner les oublis de Duke Ellington, Miles Davis, Dizzy Gillespie, Elle Fitzgerald et… j’arrête, cette liste serait sans fin. Magnifique, indispensable.



François-René Duchable, Intégrale des Concertos pour piano de Beethoven

Une personne dont l’amitié m’honore avait eu la bonne idée de m’inviter avec elle à un récital de Duchable. La salle était minable, dans une cité universitaire, les sièges redoutables, le public lamentable. L’artiste apparut dans un frac plus de la première fraîcheur. Dès les premières notes, toute cette médiocrité disparût, il ne resta que la musique, magnifique et bouleversante. Mais un curieux malaise subsista, un sentiment qui ne me quitta pas depuis : Duchable ne semblait pas heureux de jouer.

Ces derniers mois, il faut avoir été aveugle et sourd pour ne pas avoir entendu les déclarations de Duchable et assisté à sa spectaculaire mise à la retraite du « circuit » des concerts.
Duchable n’était pas heureux, j’avais raison et j’aimerais qu’il sache à quel point j’approuve son retrait d’une « scène » impitoyable pour le choix de « la vraie vie », comme il dit. Bravo, il fallait le faire. Avant de partir, il nous a offert ces magnifiques coffrets dans lesquels on peut suivre chaque note de ces concertos avec la partition, un travail pédagogique et un don de soi, un cadeau de musique vécue, travaillée, aimée comme seuls les génies savent aimer.
Merci Monsieur Duchable, merci.

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mis en ligne le 16/11/2003
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