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DVD
DVD par Guillaume Boisdehoux
Bowling for Columbine
Michael Moore
Seul un penseur mondain à décolleté et quelques autres mous du bulbe furent surpris de la réélection de Bush. Kerry, refusant comme Jospin en 2002 de s’adresser aux instincts les plus bas de l’électorat : la peur, la haine de l’autre, n’avait aucune chance. À voir le petit Nicolas avancer son christianisme mâtiné de communautarisme et de sécurité, on sait qu’il a tout compris. Pas d’idée, pas de concept, mais des promesses n’engageant que ceux qui y croient avant de les oublier, des slogans aussi creux que la poche des pauvres, des cadeaux aux riches, moins nombreux mais plus influents et plus fréquentables.
Des pauvres sentent mauvais,
bien que les Africains soient gais et applaudissent facilement (J.C.). Créons et entretenons la peur, peur de l’autre, peur de soi, la peur, moteur de l’économie libérale et de la consommation abrutie, meilleur score à l’Audimat, voilà LE programme. Ça a marché en 2002, on ne change pas une recette qui marche.
Ce film montre que la violence est sinon engendrée, au moins entretenue et exploitée par ceux qui ont intérêt à cultiver la peur, les entreprises, pour que leurs produits soient achetés, le lien est connu par tous les spécialistes du merchandising et du marketing et les hommes politiques, deux grands utilisateurs et complices des "médias".
Après la tuerie, par deux "ados" d’une douzaine de gosses dans leur école secondaire, Moore traite des armes à feu aux USA. Les chiffres sont effrayants dans ce film. Le nombre de morts par balle aux USA a baissé de 20 % en 10 ans, alors que celui des reportages aux "infos" sur les morts par balle a, dans le même temps, augmenté de 600 %. Comparons des pays comparables. Un petit tableau s’impose, pardon Alexis.

Le taux des USA est plus de 7 fois supérieur qu’au Canada, près de 9 fois plus qu’en France, 33 fois plus qu’au Royaume-Uni, 126 fois plus qu’au Japon. Moore a quitté l’université après un an et ne procède pas en illustrant une thèse écrite. Il imaginait un lien direct entre le nombre d’armes à feu et celui des meurtres commis avec. Il est surpris en découvrant que le Canada a autant d’armes à feu par foyer (7 millions pour 10 millions de foyers) que les USA. Sa théorie tombe à l’eau. Mais il cherche, et trouve. Le seul petit reproche à ce film est de ne pas assez exploiter sa découverte : le Canada, pays similaire aux USA, n’a pas de pauvres. Le traitement du chômage évite les ghettos. Windsor, jumelle de Detroit, a eu un assassinat par balle en trois ans, et c’était un Américain de Detroit ! À Toronto, on ne ferme pas ses portes, il l’a vérifié. Il nous fait redécouvrir que les BD les plus violentes viennent du Japon, rappelle à ce fumier de Charlton Heston que l’Allemagne n’a pas toujours été un pays très doux, pas plus que la Grande-Bretagne et la France. Il oublie la Suisse, mais… Moore a-t-il perdu contre Bush? Ses attaques du lobby des marchands de mort subite, de la désindustrialisation à marche forcée, des attaches entre les Bush et l’Arabie Saoudite et les Ben Laden, ses prix et son succès n’ont pas empêché la réélection de Bush. Les Américains l’ont "voulu", encore, alors que la pauvreté, que les morts, que… mais c’est comme ça. On a bien le Chi et on va avoir Sarkozy ! Mais c’est plus complexe que ça. Et c’est le mérite du film de Moore, loin du simplisme dont je l’accusais, à tort.


La Passion du Christ
Mel Gibson
TF1 Vidéo
Si je n’avais été contraint à une dure réduction d’espace, je vous aurais livré deux pages sur les guitares Gibson. "Deux heures après cette épreuve, ne vérifiant pas s’il existe assez de qualificatifs négatifs, ayant détruit le DVD devant témoin, ma colère passée, j’ai vu la saloperie de l’opération marketing : plus nombreux sont les amateurs de mauvais goût que de bon, de violence gratuite que d’éthique, de clichés éculés et racistes que de réflexions profondes sur soi et l’autre, et surtout il y a beaucoup plus d’antisémites que de juifs. Alors j’ai repris ma guitare, je ne sais plus si c’était la blonde ou la noire, les deux peut-être, j’avais besoin de réconfort, deux c’est mieux qu’une." Ce film devrait être détruit, il est ignoble.


Le Mécano de la General
Buster Keaton, MK2
Un monument du cinéma. Sans avoir vérifié les critiques à sa sortie, j’avais deviné qu’il avait été peu apprécié et fait un flop. Avis aux amateurs de gloire éphémère. MK2 a réalisé un travail magnifique de restauration, image par image, et met à notre disposition un authentique chef d’œuvre de mise en scène, une histoire magnifique, un spectacle dont la profondeur dépasse de très loin la force comique, pourtant présente de la première à la dernière image. Et un quasi-documentaire sur la Guerre de Sécession.


Coffret Nelly Kaplan
Quelle femme ! Si je travaillais à Charlie Hebdo, j’écrirais : "Quelle bonne femme !". Quand même, quelle bonne femme ! Et elle n’est pas que belle, et moi pas que beau. Elle est intelligente, spirituelle, talentueuse, respectueuse de son art et capable de torcher un film avec trois francs six sous. Elle finance ses films et si ça ne marche pas, n’accuse pas le "public-qui-n’était-pas-prêttu-vois-j’veux-dire-à-s’prendre-un-telmessage!".
Les vrais grands artistes connaissent leur art et son histoire. Ce coffret montre le respect, je ne crois pas Nelly (je peux vous appeler Nelly maintenant que je vous ai déclaré ma flemme?) capable de vénération pour quiconque, pour Abel Gance, dont elle a été la très jeune assistante. Gance, visionnaire, génial inventeur, était habité, les vrais artistes sont habités, les autres se louent, reçoit ici un hommage magnifique.
Revenons à toi, Nelly. (je te dis "tu", maintenant que notre amour est connu de tous !). Bien entendu, il faut revoir, pour ceux de nos lecteurs qui ne passent pas 3h45 par jour à se faire formater le cerveau pour un fabricant américain de boissons gazeuses depuis 30 ans, La Fiancée du Pirate! Du bonheur. Bernadette Laffont couche, moyennant rémunération, elle a bien raison et au moins elle affiche le prix AVANT, pas après, avec toute la population masculine d’un petit bourg de très petits-bourgeois qui, bien entendu, condamne son immoralité et se réunit, braguette à peine remontée, pour l’expulser ! Génial, magnifique, et ici encore, trois francs et six sous (0,5031 euros) ont suffi à faire ce film qui est un classique, un grand film. Bravo Nelly chérie. (tu permets…). L’enchantement croît, alors que les corbeaux coassent, que les grenouilles croassent et que les Serbo-Croates, avec les autres films du coffret. Papa les Petits Bateaux… (ça c’est un titre !), Il Faut Vivre Dangereusement, Plaisir d’Amour et Charles et Lucie. L’hommage à Abel Gance est anthologique, ce qui n’est pas un gros mot. Une "association parasite" m’a envahi depuis le début de la rédaction de ce papier. Je pense à Leni Riefenstahl, autre "grande dame du cinéma". Mais si Riefenstahl avait débarqué à moitié noyée et presque nue sur l’île déserte où, accompagné d’un chien et d’une chèvre depuis des mois, je tentais de bloquer le chien pour atteindre la biquette ("y’a pas de mehhh", comme disait M. Seguin à la sienne), je lui aurais demandé de me tenir le chien une demi-heure. Et pourtant, elle était belle, la Riefenstahl. Une "bonne Aryen" en quelque sorte. Adolf l’avait encensé. Il aurait brûlé Nelly. Voilà la différence, toute la différence. Merci encore Nelly chérie, tu m’as bien fait plaisir.


La Planète Bleue
BBC, commentaire Jacques Perrin Éditions Montparnasse
Ca, c’est du documentaire ! On sait que les mers recouvrent plus des deux tiers de notre plante, mais la lune nous est plus familière que les fonds des océans. LA PLANÈTE BLEUE est la plus belle découverte du monde marin qui m’ait été offerte.
Des espèces inconnues, vivant à des profondeurs jamais encore atteintes par l’homme (moins 4500 mètres, j’te dis pas le tuba !), des images stupéfiantes de réunions de manchots empereurs par la douce température de – 70° et sous des vents de 160 km/h, les jeux cruels des orques – âmes sensibles, s’abstenir -, les ballets des dauphins ou ceux, moins spectaculaires individuellement j’en conviens mais en groupe, je vous dis pas, des anchois, ou les danses majestueuses des baleines en voie d’extinction, un régal.
Attention, un enfant de famille monoparentalo-carriériste s’étonnera de ne pas voir l’espèce qu’il connaît si bien, le poisson rectangulaire aux écailles rappelant la sciure. Une omission dans ce film, bien que l’espèce ne soit pas en voie de disparition?
Cinq années de tournage, plus de 200 sites visités dans 40 pays, 7000 heures de rushes et des innovations techniques remarquables (sous-marins) ont été nécessaires pour ce film. Plateau de fruits de mer, ou boîte de sardines à l’huile (c’est si bon) recommandés après, selon moyen, mais pas pendant le film, ça tâche.


L’ange bleu
Joseph von Sternberg
Le dernier des hommes
Friedrich Wilhem Murnau, MK2
Encore cette fascinante et méritoire entreprise de restauration de chefs d’œuvre par MK2, à qui il faut rendre hommage, les films n’en ayant pas besoin, bien entendu. À classer dans "chefs d’œuvre éternels" et la petite Dietrich n’est pas vilaine !


Blissfully yours
Apichatpong Weerasethakul, MK2
Je crois avoir écrit, mais je ne me lis jamais tant ma modestie est immense, que le DVD permettait à la fois l’exploration des classiques et la découverte de "perles", dont des perles locales. Celle-ci, du réalisateur dont vous n’imaginez tout de même pas que je vais me taper la réécriture du nom (peut pas s’appeler Dupont comme tout l’monde!), fait partie de ces bijoux qui sont peut-être passés dans une petite salle du Ve ou VIe, quartiers de riches fainéants, à une heure où le peuple, moi, travaille, et que moi, le peuple, j’aurais ignoré sans l’envoi, après coup de téléphone, du service de presse de MK2. Bravo, je me suis régalé.

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Guillaume Boisdehoux
mis en ligne le 02/17/2004
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