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Les artistes et les expos
Claude Lévêque
Les artistes et les expos - Claude Lévêque par Timothée Chaillou
Par Timothée Chaillou
The Passenger
" Je regarde le monde, je m’en extrais, mais je ne le comprends pas ". Christian Rizzo
" Sous le gaz cru, j’allais à l’heure où l’enfant dort.
Des spectres maquillés traînaient leur jupon sale,
Les cafés se vidaient, un bal, par intervalle,
M’envoyait un poignant et sautillant accord. "
Jules Laforgue, Stupeur
Le grand sommeil / MAC/VAL / Vitry


Une cellule noire pour une vision blanche. 4 rangées de 9 lits de collectivités sont alignés, renversés et en suspension dans l’espace. Dans leur simple appareil ils ne sont qu’armatures. Il n’y a plus de sol pour les reposer et leur inclinaison les met sur le départ – vers un doute, des souvenirs. A-pesanteur du collectif. En bas à nos pieds, dans un parcours sinueux qui nous fait vivre l’espace, des hublots en plexiglas contiennent de nombreuses boules, ils sont des réceptacles et des capteurs d’images. Accrochées sur les montants des lits d’autres boules viennent en référant au passage rapide et empoisonné du temps (évoquant le calcul du boulier, et la rapidité du Pachinko). Des lampes de Wood activent cette installation, les lits et les boules étant recouverts de peinture blanche, ils flottent dans un bain révélateur. Le blanc arrive dans une longue nuit d’occultation. Ce dortoir est mis en orbite, les constellations de perles éblouissent et menacent. Expérience singulière d’émotions antagonistes. Un monde de rêves. Un lieu qui provoque, bouge et agrandit l’imaginaire.

Des lits vides pour une enfance nue. Ces armatures de lit mortuaire ou de début de vie n’ont rien à cacher. Plus de tracas de nuit, plus de monstres sous le lit, plus de pleurs avant de se coucher. Où sont partis ces matelas, oreillers, couettes, draps auxquels on apportait prières, secrets, rires ou sanglots ; eux qui savaient si bien les étouffer. L’accès au lieu du corps est impossible, il a disparu et rien n’en laisse trace. Le visiteur est engourdi, bercé par quelques rythmes en boucle d’une musique asiatique. Voilà que l’on redoute qu’un gardien de nuit fasse son entrée, ou que le clairon soit sonné. Peut-être sommes-nous arrivés trop tard la bataille a fait rage, les enfants insoumis, ont fini d’être sur la défensive, ils sont partis triomphants comme ceux de Zéro de conduite. Peutêtre assistons nous à un départ, une métamorphose, une chute en rappel au lit/vaisseau de Little Nemo. La nuit, pendant que vous dormez, je détruis le monde.



This night has open my eyes
" Ce que je voulais c’était créer un impact sur les visiteurs, provoquer des mises en
situation d’ordre sensoriel qui impliquent l’affect et les lieux communs de chacun. "
Claude Lévêque
La maison des mensonges / [mac] / Marseille


Cinq espaces parallèles forment des histoires au sein d’un récit fictionnel. Envahi par des bruits et des aires de lumière qui éprouvent le corps, le visiteur imagine un parcours à " la lisière de la magie vers l’inquiétude ".
Lumière blanche, bruit de feu, voilages blancs. Un couloir qui nous fait prendre de la hauteur. Une salle d’apparat, une allée vers le feu - la lumière promise. Féerie vaporeuse, à toucher du bout des doigts, dissipée par le son des braises. Le décor négocie sa place et soulève le voile pour s’inscrire dans la réalité. Lumière bleue, bruit de triangle, enjoliveurs. À l’enfilade, deux rangées sur chaque mur d’une collection d’enjoliveurs qui se font face. Boucliers, perles, métaphores du mensonge; ils vibrent au son d’un triangle qui rythme une fébrilité d’avant ou d’après combat. Rapport de force sous la fraîcheur d’un vide bleu. Déclencheur d’énergie.
Lumière rouge, bruit de circulation, clôture de jardin.
Les clôtures de jardins auquel on s’accrochait enfant pour surprendre la circulation ne sont plus à notre hauteur et seul le bruit reste persistant, imprimé. Elles sont en suspension piques tirés enjolivers nous. En joue. Dans ce plus simple effet, le danger est en attente. Lumière blanche, silence, lustres et éléments d’isolation.
Salle tampon, plus de bruit qui irrite nos oreilles. Les murs recouverts de mousse d’isolation phonique soulèvent le paradoxe de la sécurité du capitonnement et l’agression de ces pointes dirigées vers nous. Pas de confort sous ces simples lustres. Être étranger de son propre silence.
Lumière blanche, bruit de vaisselle cassée et objets métalliques, ampoules derrière des lattes de bois.
La lumière inscrit l’espace ; elle est le climat du doute. Les ampoules clignotent, grésillent, suspendent leur vérité. Inatteignables elles ne peuvent être réparées. Vaisselle cassée pour la fin d’une histoire héroïque, où la menace serait celle des choses à demi dites. Le corps s’en va chargé, larmes aux yeux.
Timothée Chaillou
mis en ligne le 08/01/2007
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