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Glorificat Pictura
par Jean-Luc Chalumeau

Dans un roman paru en 2000, Rezvani imaginait qu’un certain Bergamme s’est emparé du célèbre tableau de Courbet. Extrait : « Plus d’Origine du monde ! Plus de ces groupes conduits par de prétendus historiens de l’art leur expliquant que ‘ce tableau est le point d’aboutissement de toute la peinture ayant pour objet la représentation de la femme’, et qu’au-delà de cette Origine du monde il ne pourra enfin subsister qu’un art dégagé de tout sujet, et même plus d’art du tout : vidéos, installations… mais ce qu’on a nommé jusqu’à présent peinture, jamais plus…» Le roman de Rezvani s’inscrivait dans une poétique du désastre qui n’était pas sans fondements : les nouveaux moyens techniques utilisés par les « plasticiens » étaient ceux de la reproduction en série. Nous vivions une période inquiétante de désacralisation de l’unique et d’abandon des valeurs liées à l’individualité qui étaient éclairées alors de manière sinistre par les perspectives de clonage humain. Plusieurs expositions, comme Voilà, le monde dans la tête au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris se résumaient en des proclamations de la « mort de la peinture ». Huit ans après, il semble que le ciel s’éclaircit. Les peintres ont pris acte de l’arrivée des nouveaux modes d’expression. Souvent, ils les utilisent parallèlement à leurs moyens traditionnels, et si certains entendent se consacrer exclusivement à la peinture, c’est parce qu’ils ont la conviction qu’il y a des choses qui ne peuvent être exprimées que par elle. Il y a longtemps que la peinture ne prétend plus à une hégémonie, mais encore fallait-il qu’elle retrouve toute sa place dans le champ de l’art. Nous y sommes : grâce à des institutions qui n’ont plus peur d’aller à contre-courant, grâce à des galeristes comme Daniel Duchoze, voici de vrais peintres, de purs peintres, mis en lumière pour notre plus grand plaisir : Yves Crenn, Philippe Garel, Jean-Pierre Le Bozec, Denis Rivière, Vladimir Velickovic ne sont plus des résistants contraints au repli tactique. Ils passent à l’offensive, et nous démontrent que décidément nous ne pouvons pas nous passer de peinture. Glorificat Pictura !
Jean-Luc Chalumeau



Yves Crenn. Le Chêne.

« Le projet d’Yves Crenn est moins
la représentation en elle-même que cette
incarnation d’une présence à travers les formes
silencieuses des corps et des objets qu’ils
représentent… La fascination vient de l’intérieur ».
(L. Duhamel)


mis en ligne le 06/06/2008
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