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Entretien Claire Nédellec / Alain Gutharc
Galerie Alain Gutharc
47 rue de Lappe
75011 Paris
01 47 00 32 10
FX C. extrait de Nuancier, installation video.
Bientot FX C. sera présent dans la galerie virtuelle de visuelimage.com : attitude
courtesy by Alain Gutharc
Claire Nédellec : Comment définiriez-vous le " métier " de galeriste ?
Alain Guthar : Je ne peux parler que de ma propre expérience ; quand on parle de galeries , il faut savoir qu’il y en a énormément . Ce qu’on appelle " galeries ", ce sont aussi bien celles de l’avenue Matignon, celles du boulevard St Germain, et celles qui se consacrent à l’art contemporain . Entre les premières citées et les autres, cela n’a rien à voir . Je travaille avec de jeunes artistes, avec l’art qui est en train de se faire . D’autres travaillent avec le second marché, c’est à dire des artistes morts, avec des oeuvres que l’on achète et que l’on revend …
En ce qui me concerne, on peut se référer à l’association Mode d’emploi qui regroupe une trentaine de galeries qui fonctionnent dans le même état d’esprit : présenter des œuvres d’aujourd’hui et le faire dans la continuité . Le travail de galeriste, ce n’est pas une expo, c’est aussi l’accompagnement dans le temps : le suivi, l’édition, les foires, les ventes …
Dans ce cas-là, on travaille avec peu d’artistes - une dizaine - ; puis il y a les rencontres, les opportunités …

C.N : Pour affiner un peu cette introduction, la question serait peut-être, comment devient-on galeriste ?
A.G : Je ne sais pas si on devient galeriste, mais si vous voulez connaître mon histoire, ou plutôt avoir quelques repères, c’est, à l’âge de douze ans mon regard sur les impressionnistes au Jeu de Paume et surtout à 16 ans, en 1972, la découverte, un peu par hasard, de l’expo au Grand Palais 12 ans d’art contemporain en France. C’est là que je découvre Yves Klein, Jean-Pierre Raynaud, Ben, Boltanski … Surtout Yves Klein, j’étais fasciné par les monochromes bleus ; je me demandais pourquoi un truc tout bleu pouvait être aussi fascinant et comment, en parlant avec quelqu’un, je pouvais être crédible face à cet enthousiasme … Cela m’a donné envie de comprendre un peu plus … J’ai fait des études qui n’ont rien à voir , ou peut-être tout à voir avec cela … j’ai un DESS de psycho-clinique et j’ai toujours pensé que la psychanalyse m’intéressait de la même manière que l’art .

C.N : On peut essayer de préciser ce parallélisme… ce qui vous intéressait était-ce lié à la transmission, à l’interprétation d’une oeuvre d’art ?
A.G : Pas l’interprétation , plus la transmission et le fait que dans l’art, il y ait cette immédiateté : être devant quelque chose avec quelqu’un .

C.N : Mais c’est un peu un leurre cette immédiateté, car il faut parfois du temps pour que l’œuvre ou du moins l’image de l’objet que l’on a devant les yeux se " dépose ", il faut bien que tout cela s’enrobe dans du sens ?
A.G : Oui, mais même cette illusion d’immédiateté, cela peut-être très bien avec quelqu’un ! Mais ce n’est pas que cela qui justifie le travail de galeriste qui peut-être aussi pesant au quotidien puisque l’art contemporain, comme tout ce qui est en train de se faire, ce n’est pas facile à diffuser. Il faut une dose d’inconscience -pas du courage- mais de l’inconscience, oui.
Dans les années 80, j’ai fait des expositions dans des appartements prêtés ( je n’avais pas de lieu ), j’ai écrit pour les artistes, puis j’ai rencontré Dany Ballin qui est devenue mon associée de 1986 à 1991 . Elle est partie en 1992 à une période difficile pour le marché de l’art . J’ai essayé de continuer, les artistes se sont renouvelés depuis cette période.

Bernard Quesniaux
courtesy by Alain Gutharc
C.N : Actuellement vous représentez des artistes comme Delphine Kreuter, Bernard Quesniaux, Agnès Propeck, Bartoloméo, FX C. … Comment s’opèrent ces affinités ?
A.G : C’est une question que l’on me pose souvent . Il n’y a pas une seule réponse.
C’est comme dans la vie, c’est la rencontre avec des gens. Toutes les manières sont bonnes, je vois beaucoup de dossiers ( j’essaie d’avoir 2 ou 3 rendez-vous par semaine consacrés à cela ), mais ce n’est pas forcément comme cela que cela se passe, c’est plus entre les artistes eux-mêmes. FX C. que je présente actuellement, c’est par Delphine Kreuter que je l’ai rencontré … C’est ainsi que se forge peut-être l’identité d’une galerie .
C’est, je crois surtout la personnalité de l’individu qui m’intéresse. Une première expo, c’est un pari, moi sur l’artiste et l’artiste sur moi .

C.N : Et le pari financier ?
A.G : C’est plus qu’un pari !.. Il y a eu différentes époques . En ce moment c’est plutôt mieux.
Je suis venu ici ( NDLR 47 rue de Lappe - Paris 11éme ) en 1986 car ce n’était pas cher et il n’y avait que Claire Burrus . La fin des années 80 a été euphorique et après, tout s’est arrêté .
Je ne sais d’ailleurs pas comment on " tient " dans ces cas là …des petits miracles au jour le jour. Depuis un an ou deux cela va mieux parce que le contexte économique est meilleur, Peut-être aussi une reconnaissance. Heureusement que dans les années 92-95, les institutions ont pris le relais, FRAC et FNAC ( NDLR Fonds Régional d’art contemporain / Fonds national d’art contemporain ).

C.N : C’est assez rare qu’un galeriste défende les institutions …
A.G : On ne peut pas cracher dans la soupe, cela m’a aidé, l’aide aux premières expositions et les achats du FNAC. Le FRAC Limousin a acheté des œuvres de Bartoloméo et celui d’Ile de France des peintures de Bernard Quesniaux

C.N : Qu’auriez-vous à dire sur le marché des nouvelles technologies ?
A.G : Pascal Monteil par exemple est l’un des artistes qui fait un travail uniquement sur écran. J’étais plutôt réticent …et encore une fois c’est la rencontre avec quelqu’un qui a déclenché mon intérêt parce qu’a priori les nouvelles images ne m’intéressent pas. C’est l’image en elle même qui m’attire. Tout cela est encore balbutiant et moi aussi je balbutie. Sans doute cela va drainer un nouveau public. Il y a des rencontres possibles, cela circule, peut-être moins de ruptures dans le public
Delphine Kreuter
Bartoloméo
courtesy by Alain Gutharc
C.N : Et la notion " d’auteur " qui est en train de bouger, peut-être de se dissoudre ?
A.G : Tout à fait … Cela peut être positif, il faut apprendre à gérer cela . D’un point de vue marchand, comment travailler ? Cela a déjà commencé avec la vidéo . Moi, je vends de la vidéo …au départ c’était un peu compliqué. Pour Bartoloméo, par exemple, il ne voulait pas numéroter, je le comprenais très bien : une vidéo, c’est un multiple, il n’y a pas besoin de la limiter …mais c’est invivable. Actuellement, on fait comme tout le monde : cinq exemplaires numérotés, signés dont un en Umatic ou Bétacam , sorte de master et le reste en VHS . Mais beaucoup d’artistes jouent très bien sur cette notion d’auteur. Ce n’est pas très nouveau, Picasso et Braque signaient parfois l’un pour l’autre …

C.N : Comment se présente la FIAC pour vous cette année ?
A.G : Je l’ai faite une dizaine de fois. Je trouve que l’emplacement Porte de Versailles, c’est plutôt mieux que le côté pseudo-chic du Quai Branly. A Paris, on vit dans le mythe du Grand Palais où la FIAC était l’évènement mondain. Partout ailleurs, dans le monde ce sont pourtant sur des lieux de " foires " que se passent ces grands rassemblements. Bâle, Chicago, Berlin... Cette année ce sont des one man show obligatoires . Je ne suis pas sûr que cela reflète bien le travail d’une galerie. Je présente cette année Delphine Kreuter. On verra bien !

C.N : Alors rendez-vous à la FIAC …

Propos recueillis à Paris le 28 septembre 2000 .

Claire Nédellec / Alain Gutharc
mis en ligne le 01/10/2000
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