Un petit coin de Bohème à Paris
Spectacle-cabaret en français : Fin du monde chez Gogo (histoires d’un cabaret de Prague)
par Frederika Smetanova

Dossier Tchèque


Ce spectacle est dédié à Roger Pic, notre ami, et à Mordechaï Lipszyc, mon grand-père qui, de là-haut, n’ont cessé de nous envoyer des clins d’œil.

" Aujourd’hui encore, toutes les nuits, à cinq heures, franz Kafka rentre chez lui rue Celetna coiffé d’un chapeau melon et vêtu de noir. Aujourd’hui encore, toutes les nuits, Jaroslav Hasek proclame dans une taverne à ses compagnons de bouteille que le radicalisme est nuisible et que seule l’obéissance permet d’atteindre le vrai progrès. Prague vit encore sous le signe de ces deux écrivains qui, mieux que quiconque, ont exprimé son inéluctable condamnation, les expédients de sa ruse, ses mensonges, son ironie carcérale. "
Angelo Ripellino (Ptaga Magica)

Fin du monde chez Gogo (Histoires d’un cabaret de Prague) renoue avec un genre très prisé dans la Mittle-Europa de l’entre-deux guerres : le cabaret satyrique ou poétique, interdit ensuite par le régime communiste. Ainsi, artistes tchèques et français se sont rencontrés autour de ce projet, à Prague, puis à Paris, pour créer un spectacle destiné à un large public, dans un esprit de fête et pour planter, durant un mois, un petit coin de Bohème à Paris, où musiques, concerts, bière, mais aussi lectures et rencontres accompagneront le spectacle, sous le chapiteau et au Musée du Montparnasse.
Fin du monde chez Gogo (Chez Gogo, Chez Goldschmied fut un établissement de nuit particulièrement prisé de la Vieille ville) s’inspire donc d’histoires et de musiques tour à tour drôles, touchantes ou inquiétantes, nées au cœur de la cité de Prague, cité du Golem créée par le Rabbi Löw pour protéger la communauté juive, mais aussi le ville du Brave Soldat Sveïk et des alchimistes, Prague où le rêve est parfois éveillé et où la légende se mêle au quotidien.

Dans les cabarets et les cafés connus : Arco, le café Montmartre, le Continetal se côtoyèrent tchèques, allemands et juifs, tels que Franz Kafka, Joseph Roth, Milena Jesenska, Franz Werfel, Jaroslav Hasek, Gustav Meyrink, durant la période qui suivit la chute de l’Empire austro-hongrois. Leur époque est marquée par les allées et venues de voyageurs dont on retrouve la trace et les témoignages de Berlin à Prague, de Prague à Vienne, de Moscou à Prague, de Prague à Paris comme si les temps et les destins s’entrecroisaient comme des aiguillages, dans un brouhaha de gares et de quais d’arrivées et de quais de départs, de gémissements de valises que l’on traîne derrière soi, entre deux coups de sifflets, d’une étape à l’autre… Tous s’efforcèrent de préserver la mémoire d’un monde étrangement vivant et fascinant, la mémoire d’une Prague en voie de disparition.

Ainsi, une nuit, une certaine nuit, c’est là que grands ou petits personnages se retrouvent. Viennent-ils seulement d’arriver ou sont-ils restés là comme des ombres oubliées par le temps ? Cette nuit, pourtant, n’est plus une nuit ordinaire. C’est une nuit postée en faction. Une nuit où le temps va se rompre.
Il reste des intuitions fugitives, des ombres dissimulées, des rêves inquiétants, des visions entrecroisées et ce besoin impérieux de raconter comme l’on prendrait en hâte, sous l’objectif, des dizaines de photos, de chanter ce monde dans toute sa naïveté, dans toute sa futilité, ce monde qui semble déjà chanceler…
De même que l’on raconte qu’un soldat allemand tomba mort en essayant de pénétrer dans le grenier de la synagogue Vieille-neuve où gisent les restes du Golem, est-on bien certain que l’âme de glaise de la créature créée par le Rabbi Löw ne continue pas de veiller malgré tout sur les restes de sa cité engloutie ?


(Chapiteau du Soleil bleu, parc de Choisy, 3 octobre -3 novembre. Conception, mise en scène : Frederika Smetanova et Micha Laznovsky)
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