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Les artistes et les expos
Alice Hamon, une certaine qualité de présence
Les artistes et les expos Alice Hamon, une certaine qualité de présence par Jean-Luc Chalumeau
par Jean-Luc Chalumeau
Les artistes et les expos Alice Hamon, une certaine qualité de présence par Jean-Luc Chalumeau
Alice Hamon, Calade-Marseille, juin 2004. 550 x 700 cm. Tirage sur toile PVC.


"Le peintre construit, le photographe révèle” écrit Susan Sontag, qui ajoute un peu plus loin (dans son fameux essai Sur la photographie) : « par nature, une photo ne peut jamais transcender totalement son sujet, comme le peut un tableau. » Voilà sans doute pourquoi une plasticienne comme Alice Hamon se situe à la croisée de la photographie, de la peinture et de l’installation. Ses oeuvres construisent et révèlent, comme cette très grande photographie sur toile P.V.C. (5,5 x 7 mètres) placée au centre de l’exposition La ville dans l’art à l’Orangerie du Sénat en juin dernier. Sujet apparent : une calade marseillaise (c’est le titre). Un fragment du port vu depuis la terrasse d’une tour H.L.M.
Mais cette terrasse, photographiée en surplomb, occupe la moitié de la surface de l’oeuvre, et elle a été investie par des tracés géométriques dessinés à la craie par l’artiste. De telle sorte que voici transcendé le sujet apparent. On dirait qu’Alice Hamon a pensé aux leçons d’Edward Weston, un des pionniers de la photographie, qui prophétisait l’avènement d’une photographie subversive en tant qu’elle serait entreprise de dévoilement.
Il est bien vrai que le quartier populaire de Marseille choisi par Alice Hamon n’a rien de bien remarquable. Or elle est intervenue au coeur du paysage – en tout cas au coeur de l’image qu’elle en tire – pour le débarrasser de sa banalité et lui offrir un contraste, une charge émotive, qui changent tout. Pour les photographes il n’y a pas de supériorité esthétique entre l’effort d’embellir le monde et l’effort inverse de lui arracher son masque. C’est à cette double tâche que se consacre Alice Hamon avec virtuosité, ce dont témoigne la pièce spectaculaire envoyée à l’Orangerie du Sénat.
Un critère commun d’excellence entre peinture et photographie, enseignait Walter Benjamin, pourrait être la présence. La présence constituait pour lui un trait caractéristique de l’oeuvre d’art, mais il doutait qu’une photographie, dans la mesure où il s’agissait d’un objet reproduit mécaniquement, puisse avoir une présence véritable. À moins que la photographie ne soit que l’une des composantes d’un dispositif complexe, où le plasticien est intervenu en fonction d’un projet mûrement réfléchi. C’est évidemment le cas des travaux d’Alice Hamon, qui s’imposent précisément par leur exceptionnelle qualité de présence.
Susan Sontag a raison quand elle avance que la photographie, bien qu’elle ne soit pas, par elle-même, une forme d’art, a ce pouvoir particulier de transformer en oeuvre d’art tout ce qu’elle prend pour sujet. On pourrait même affirmer avec elle qu’aujourd’hui « tout art aspire à la condition de la photographie ». Ce que démontre Alice Hamon avec une efficacité exemplaire.


Régine Sarallier, Quiétude. 130 x 160 cm.
Régine Sarallier


Régine Sarallier, Quiétude. 130 x 160 cm.

La galerie Nicole Ferry présentera du 9 au 29 mars les peintures récentes de Régine Sarallier (57 quai des Grands Augustins, 75006 Paris).
Il y a toujours un mouvement prisonnier dans l’immobilité apparente des tableaux de Régine Sarallier, qui ne peut cependant se manifester que si la conscience du spectateur est en mesure de libérer le mouvement des éléments subtilement agencés qui le maintiennent en captivité. Nous qui percevons une mélodie comme une durée schématisée par le rythme, nous voici devant des oeuvres à cheval sur l’abstraction et la figuration au sein desquelles le temps intervient également, sans qu’il soit nécessaire que nous en ayons clairement conscience, mais que nous devons au moins vivre dans les méandres de l’imagination : celle de l’artiste qui nous la communique. Une belle démonstration de peinture «pure».

Erwim Trum

Il est dommage que l’exposition Erwim Trum, cet automne à la MJC de Nogent-sur-Marne, soit presque passée inaperçue. Né à Munich en 1928, mort en 2001 à Nîmes après avoir passé l’essentiel de sa vie à Metz, cet ancien engagé à la Légion étrangère devenu journaliste au Républicain Lorrain le jour et peintre la nuit, a bâti une oeuvre originale, touffue, cultivée, où passe le souffle d’une inspiration tourmentée. Trum était aussi un penseur qui s’exprimait par aphorismes, et l’on se demande si Cioran n’aurait pas fait des tableaux semblables s’il avait été peintre.
Jean-Luc Chalumeau
mis en ligne le 01/03/2006
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