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[verso-hebdo]
10-03-2022
La chronique
de Pierre Corcos
Documentaires, argumentaires
Dans l'actuel conflit gravissime en Ukraine, les nombreuses images et interviews sur place que nous ont livrées les chaînes de télévision restent insuffisantes pour appréhender la situation, à la fois dans sa globalité et sa complexité. Elles reflètent juste des points de vue, immédiats, limités, les unes et les autres. Certaines s'avèrent emblématiques bien sûr. Mais encore faut-il, pour en juger, pouvoir saisir le sens à moyen et long terme de ces tragiques événements. Et c'est ici que les analyses variées des spécialistes et leurs échanges doivent prendre le relais... D'un autre côté, ces images fortes et ces bouleversantes interviews demeurent irremplaçables pour susciter l'émotion, la sympathie, secouer notre indifférence, voire nous mobiliser. Cette ambivalence des images et témoignages se retrouvera dans la plupart des documentaires. L'actualité du cinéma nous fournit deux exemples qui peuvent illustrer les puissances et limites du documentaire, au final production artistique puisqu'un point de vue, des critères esthétiques et axiologiques ont contribué à toute son élaboration.

Démarrant en novembre 2018 et prolongeant son investigation sur le long terme, Un peuple, du documentariste Emmanuel Gras (Bovines, Makala), nous immerge dans le mouvement des « gilets jaunes »... Le film va se focaliser sur la périphérie de Chartres, et le phénomène des ronds-points investis par les protagonistes de ce mouvement social. Mais il commence par de longs travellings sur des cités, des H.L.M. sans âme, comme pour suggérer une relation de cause structurelle à effet événementiel. Assez vite, Emmanuel Gras choisit de s'attarder sur quelques figures que nous retrouverons du début à la fin : par exemple un meneur et son charisme (mais aussi ses contradictions), une participante dont la variation des sentiments, de la ferveur participative au désespoir, pourrait nous signifier quelque chose de la lente usure du mouvement social. Le cinéaste s'intéresse à toutes les tentatives spontanées d'organisation, à la généreuse solidarité de ces « gilets jaunes », ainsi qu'à leur aspiration à une démocratie directe ; ce qui fait écho à la revendication du fameux R.I.C. (référendum d'initiative citoyenne). Du coup, la répression policière lors des manifestations parisiennes, que le film montre avec l'expressivité d'une caméra chaloupante, peut choquer ou révolter. Les conversations entre « gilets jaunes », très souvent des femmes, sont saisies de façon à nous faire totalement oublier la présence de la caméra et du micro perché. Mais pourquoi ces échanges-là plutôt que d'autres ? Qui sont ces personnes, sociologiquement parlant ? Leurs motivations sont-elles simples ? Sont-elles révélatrices de mutations sociales, culturelles ? On aurait eu alors envie d'entendre, en contrepoint, les analyses du géographe Christophe Guilluy (cf. Le temps des gens ordinaires - Flammarion 2020) ou de l'historien Pierre Vermeren (La France qui déclasse - Taillandier 2019), ou encore de l'économiste Thomas Piketty, etc. Mais en même temps, quelques images éloquentes, prises ça et là, nous font « participer » au mouvement, comme si nous étions debout là, parmi les « gilets jaunes ». Et quelques phrases, attrapées dans ces interviews discrètes, plus que n'importe quel argumentaire chiffré, s'impriment dans l'esprit du spectateur. Comme celle-ci : « On ne peut pas vivre avec 1200 balles et deux gosses ! ». Ainsi Un peuple ne démontre rien mais nous parle beaucoup.

Le documentaire de Valentine Oberti, du journal on line « Mediapart », et de Luc Hermann, Media Crash. Qui a tué le débat public ?, semble, lui, aux premiers contacts, plus démonstratif et argumenté. On nous y rappelle que 9 milliardaire possèdent 90% des médias en France. Et une économiste spécialisée, Julia Cagé (cf. son livre L'information est un bien public - Seuil 2021), puis les investigations systématiques, tatillonnes qui suivent placent ce documentaire dans la mouvance des enquêtes télévisuelles de « Cash Investigation » (Élise Lucette). On nous montre comment le milliardaire Bolloré, rachetant iTélé et le transformant en C News, en a fait un organe de propagande de droite ultraconservatrice et nationaliste, offrant cette tribune à un Eric Zemmour (ou à Pascal Praud), qu'il a très largement contribué à promouvoir. Comment le même Bolloré a « épuré » Europe 1, Canal +, C8... Comment des figures politiques (Schiappa) ont légitimé le démagogue Cyril Hanouna en devenant co- animateurs d'émissions. Le film nous montre le rôle d'Havas (qui appartient à Vivendi donc Bolloré) pour faire pression sur certains grands journaux (« Le Monde »), via la publicité. À toutes ces « procédures bâillons » s'ajouteront des écoutes, des infiltrations (le milliardaire Arnault utilisant les bons offices de Bernard Squarcini, ancien directeur du renseignement intérieur devenu... son consultant personnel, pour un espionnage du Journal « Fakir »). Le scandale Cahuzac est par ailleurs très bien démonté, etc. Toutes ces minutieuses enquêtes, si passionnantes soient-elles, fragmentent la question générale de la liberté de la presse. Elles ressemblent de plus à un plaidoyer pro domo, en l'occurrence pro Mediapart. Toujours les limites d'un documentaire en manque d'argumentaire... Il n'empêche, si partiels soient-ils, ces aperçus ont suffi à nous alerter : la mainmise des milliardaires sur les médias a dépassé le seuil d'alerte. Le film a bien joué son rôle d'avertisseur. À nous d'en savoir plus par ailleurs !
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
10-03-2022
 
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Verso n°136

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