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[verso-hebdo]
03-12-2015
La chronique
de Pierre Corcos
Animaux devant l'objectif
Assurément, le photographe ne peut pas plus leur demander de sourire que de poser pour lui ! Les saisir par effraction dans leur environnement naturel, ou alors les photographier comme en une mise en scène et dans un cadre artificiel, cela en revanche lui est possible... Les animaux devant l'objectif. Ils offrent toujours au regard humain leur nudité sans honte, et opposent aux yeux intrus leur splendide opacité.
A Paris, deux expositions de photographies sur les animaux nous ont rappelé l'indéchiffrable énigme de ces frères en instints et de ces étrangers en langage. La première de l'Américain George Shiras, né en 1859 en Pennsylvanie, sans doute le premier photographe du monde animal nocturne, et la deuxième exposition du lauréat du Prix de photographie 2014 Marc Ladreit de Lacharrière, Eric Pillot, qui s'est consacré aux parcs zoologiques de l'est des Etats-Unis, et à leurs hôtes forcés.

Le musée de la Chasse et de la Nature possède l'avantage supplémentaire d'offrir aux visiteurs, même les moins motivés par le thème, une scénographie et une ambiance particulières qui les charment, et d'élégants cabinets de curiosité favorisant le mystère. Or, au monde animal le mystère sied merveilleusement. Les photographies de George Shiras (jusqu'au 14 février) ajoutent l'épaisseur de la nuit au mystère animal. Ce juriste devenu politicien était passionné de chasse et de pêche : jusqu'à présent, rien d'extraordinaire... Sauf qu'en 1887 Shiras abandonne le fusil au profit de l'appareil photographique, et explore la nature pendant quarante ans jusqu'à devenir, bien avant la lettre, un « écologiste » luttant en faveur de la préservation des espèces. Il produit de nombreux articles illustrés, en particulier dans la prestigieuse revue National Geographic. Avec passion il se met à photographier de nuit la faune des forêts. « Les photographies nocturnes de Shiras, sur lesquelles se concentre l'exposition, doivent leur singularité à diverses techniques empruntées à la chasse et aux Indiens Ojibways, tel le jacklighting, qui consiste en une lente approche à bord d'un canoë, au cours de laquelle l'animal est captivé et immobilisé grâce à la lueur d'une flamme. Il est aussi le premier à installer des pièges photographiques en forêt. Obtenues grâce à des explosions de poudre de magnésium, ces images témoignent de la beauté saisissante d'une nature en danger », précise le texte de présentation. Cerfs, porcs-épics, daims, castors, chevreuils ahuris sous le flash. Et le fusain des buissons, des arbres, l'encre de la vaste nuit tout autour... L'animal, les yeux ronds et lumineux, arrêté net dans sa course, pris en flagrant délit de faim nocturne, de chasse ou d'amour. Parfois, telle est sa fugacité qu'on ne distingue qu'un flou gris entre deux arbres... L'exposition offre une projection sonorisée par les bruits secrets et fourmillants de la forêt, montrant aux visiteurs ces photographies en noir et blanc d'une étonnante fraîcheur d'inspiration. Auparavant, un stéréoscope à l'ancienne permettait de voir en relief certaines photos doublées. Mais, derrière un premier plan illuminé par le flash, la nuit et la vie cachée qui l'habite se creusent dans un arrière-monde impénétrable.
C'est ici comme une leçon toute simple de ce que sans doute génère toute beauté : un éblouissement d'évidence et une énigmatique ligne de fuite.

Jusqu'au 22 novembre, au Palais de l'Institut de France, les photographies d'Éric Pillot n'étaient pas en noir et blanc mais en couleurs, elles étaient prises de jour et non de nuit, avec des animaux qui ne fuient pas mais restent immobiles devant une toile peinte, censée représenter l'environnement naturel où ils évolueraient s'ils n'étaient pas prisonniers d'un zoo. Alors cette toile peinte fait penser à un décor de théâtre, et les animaux donnent l'impression de poser comme des acteurs... Immédiate est alors la tentation d'anthropomorphiser leurs attitudes. Debout, le suricate et le kangourou, les pattes avant baissées et jointes devant eux, viennent piteusement s'excuser d'on ne sait quel larcin. La crinière en bataille du lion et son air mécontent suggèrent qu'il s'est réveillé de fort méchante humeur. Avec son regard aussi pénétrant et fixe, le hibou doit certainement déchiffrer l'avenir... Opposant la netteté naturelle de l'animal au flou vaguement artistique du décor, croisant des verticales à des horizontales, Éric Pillot compose patiemment là où George Shiras vivement saisissait. Et ce qu'il met en scène donne lieu à quelques interprétations.
Ce fond de nature sauvage, indompté, devant lequel trône l'animal, évoque la wilderness des grands espaces américains, qui exaltait les premiers colons. Oui, mais il ne s'agit ici que d'une toile peinte comme un mauvais décor de théâtre... Fragments de nature conservée et reproduite pour touristes, gardés ironiquement par des animaux pour zoos !
Le visiteur ne peut s'empêcher alors d'évoquer la sixième extinction en masse des espèces animales, dont cette fois la responsabilité incombe à une espèce animale particulière, Homo sapiens... L'exposition In Situ d'Eric Pillot suggèrerait alors la mutilation globale de cette vie sauvage, dégradée par les hommes, enfermée dans des zoos, et l'artificialisation étroite de l'immense, profonde wilderness par un décor plat et limité.
Mais ces animaux, seconde interprétation, ne se réduisent pas à des objets du visible, du photographiable : à défaut de me parler, ils me fixent. Ils me scrutent. Et, si installé que je sois dans un humanisme arrogant et réducteur, leur muette interrogation ne peut manquer, peu ou prou, de me rappeler - savoir darwinien ou peut-être intuition immémoriale - L'Animal que donc je suis, pour reprendre le titre du dernier livre du philosophe Jacques Derrida, publié à titre posthume.
Pierre Corcos
03-12-2015
 
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Verso n°136

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