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[verso-hebdo]
24-03-2022
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

L'Arc et le sabre, Imaginaire guerrier du Japon, Vincent Lefèvre & Aurélie Samuel, Mnaag / Réunion des musées nationaux - Grand Palais, 120 p., 16, 50 euro.

Cette exposition du musée Guimet mérite vraiment le détour ! Prévue depuis une bonne année, elle a pu enfin ouvrir ses portes. Elle évoque le monde samouraï. Mais les commissaires ont choisi d'adopter une perspective originale : ils n'ont pas voulu montrer tout ce qui a pu constituer l'existence de ces guerriers qui ont disparu au XIXe siècle, mais plutôt de quelle manière ils ont été représentés dans la peinture ou la xylographie et aussi dans la littérature. L'histoire des clans guerriers au Japon remonte à l'ère Kamakura (XIIe siècle). Ils vont avoir une importance de plus en plus importante avec les guerres féodales. Ils déclinent avec l'avènement de l'ère d'Edo (début du XVIIe siècle) avec la constitution d'un pouvoir central, pour ensuite disparaître au milieu du XIXe siècle. Toute une mythologie a entouré ces figures de plus en plus puissantes dans un contexte de conflits presque permanents.
Et comme lors de notre Moyen Age, Un code d'honneur, le Bushido, est élaboré (sans nul doute une invention postérieure) Une littérature met en valeur leur fidélité inébranlable à leur seigneur, comme c'est le cas dans le livre le plus célèbre, Les 47 Rônins de l'écrivain Jirô Osaragi (1897-1973). Il y narre l'histoire de ces samouraïs qui ont décidé de venger l'assassinat de leur seigneur dans un grand roman qui a un fondement historique au XVIIIe siècle qui a paru en 1929 et a obtenu un grand succès. Mais les samouraïs sont déjà célébrés dans la littérature ancienne, dès la fin du XIIe siècle, en particulier dans le Dit des Heiké, qui est une sorte de compilation de différentes histoires. Ces hommes de guerre étaient déjà considérés comme une classe à part entière. Au sein de l'exposition, on peut découvrir une longue série de gravures poly chromes exécutées par Utagawa Hiroshige entre 1830 et 1844 intitulées Le Trésor des vassaux fidèles.
On trouve aussi beaucoup de samouraïs illustres dans le théâtre kabuki que l'on peut voir aujourd'hui sur des gravures qui ont servi d'affiches pour des acteurs connus, en général réalisées par des artistes de grande valeur comme Utagawa Kunisada ou Toshusai Shakaru. Il s'agit le plus souvent de portraits, mais on peut aussi voir des moments clefs d'une scène comme l'a fait Katakawa Shun'ri à la fin du XVIIIe siècle. Les commissaires de cette exposition ont voulu insister sur le fait que les samouraïs sont vite devenus des lettrés. Leur position dans la société japonaise d'autrefois était loin d'être mineure. Leur déclin provoqué par la victoire d'un seigneur sur tous les autres et enfin par la reprise en main du pouvoir par l'empereur, a fait disparaître ces personnages de la scène historique, mais pas des légendes qui vont se retrouver dans la littérature - il suffit de songer à Yukio Mishima, qui s'est suicidé de façon traditionnelle lors d'un coup d'état manqué avec son armée personnelle, le théâtre moderne et aussi le cinéma (de Kenji Mizogushi à Akira Kurosawa, pour ne citer qu'eux). Les mangas ont aussi beaucoup exploité ces personnages dans un langage nouveau. Le parcours qui nous est proposé est aussi ponctué d'armes, d'armures, d'étriers et surtout de superbes photographies de groupe. Il pourra réjouir autant les néophytes que les spécialistes. Et le catalogue est une excellente introduction à cette catégorie d'hommes qui font encore rêvé par les temps qui courent.




Toucher la peinture comme la peinture vous touche, Ecrits et entretiens 1970-1998, Eugène Leroy, préface de Eric Darragon, photographies de Benjamin Karx, L'Atelier contemporain, 264 p., 25 euro.

Eugène Leroy (1910-2000) est issu d'un milieu modeste dont le père est mort à peine plus d'un an après sa naissance à Tourcoing. Il commence à dessiner et à peindre à l'âge de quinze ans quand sa mère lui offre une boîte de peinture. Il est alors attiré par les oeuvres du Greco, de Jordaens et de Goya. Il entre à l'Ecole des Beaux-arts de Lille en 1931, puis se rend à Paris où il étudie à l'Académie de la Grande-Chaumière. Il s'installe près de Roubaix où il devient professeur de latin. En 1936, il se rend à Amsterdam où il découvre La Fiancée juive de Rembrandt, mais s'intéresse aussi à la recherche de Mondrian. Il expose ses tableaux pour la première fois à Lille l'année suivante. Il est mobilisé en 1940 et revient à Roubaix après l'armistice où il continue à enseigner. Sa peinture se trouve un peu marge de ce que peut produire son époque autant dans le domaine figuratif que dans le domaine abstrait. Son insistance tenace sur la matérialité excessive de ses compositions ne saurait le rattacher qu'à Georges Rouault. C'est un homme très cultivé qui aime Proust autant que Joyce, Montaigne que Rabelais, Villon que Platon et il lit Bergson autant que Virgile. Mais son style très affirmé et si différent de ses pairs le situe au ban de la société artistique dominée par l'Ecole de Paris. Dans sa correspondance, à ses débuts, il explique où il entend se placer à la suite de Van Gogh et de Cézanne.
Il ne renie jamais les classiques, se faisant part exemple le commentateur de la Danaé du Titien en 1954. Il écrit sur la gravure et, au cours d'un entretien, il manifeste sa joie profonde de peintre. Il fait l'éloge de la matière en 1979 et explique en détail les raisons de cet engouement. La même année, il tente d'exposer ce qu'est sa propre histoire de l'art, qui va de Giotto à Francis Bacon. Il explique comment il perçoit Picasso et Matisse. Il termine en fournissant des indications sur sa manière de peindre. Dans un autre entretien, délivré en 1985, il insiste sur la notion de toucher qui est bien sûr très surprenant dans la perspective de l'art pictural. Il en profite pour revenir sur son passé et sur son évolution. Il souligne l'influence des artistes flamands et des impressionnistes, qui ont joué un grand rôle dans son histoire personnelle pendant les années vingt.
En 1991, il expose de quelle façon il a conçu une toile intitulée Rouge-rouge. Ce qui est intéressant ici, c'est que le peintre explique de manière très détaillée la fabrication de son ouvrage, ce qui prouve qu'il est tout autre qu'un créateur impulsif et désordonné. Il va même jusqu'à détailler certains aspects de sa démarche, comme la littérature ou le rôle de l'enfance. Et il achève son propos en citant Rimbaud. En 1990, il fournit encore des éclaircissements sur sa vie de la peinture, où le temps joue un rôle prépondérant. En 2007, le voilà qu'il s'emploie à s'explique sur la question des modèles. Il fait état de son modèle d'alors, Marina, qui joue un rôle plus prégnant qu'il n'y paraît de prime abord. En l'année 1994, il avait déjà évoqué la question de la couleur - il n'a guère besoin de celle du midi. S'il rend compte de la surcharge de la palette, il parle aussi de diverses influences littéraires ou picturales (dont Giorgione et bien entendu Rembrandt). Tous ces entretiens lui permettent de préciser sa pensée, qui est très fine et très élaborée. Ce livre nous donne d'Eugène Leroy une autre image, qui est des plus surprenantes et des plus passionnantes car ses travaux ne laissent pas supposer d'emblée un tel raffinement intellectuel et esthétique. C'est une magnifique introduction à ses spéculations et aussi la possibilité de découvrir ce qui fait de lui un grand maître du XXe siècle.
A ne pas négliger la belle série de photographies en noir et blanc d'Eugène Leroy dans son atelier, prises par Benjamin Katz, qui nous montre cet homme au physique peu avantageux mais au visage facétieux et souriant. IL est vrai qu'il n'est plus tout jeune à l'époque où elles ont été réalisées. On découvre son univers, qui n'a finalement qu'assez peu à voir avec son microcosme culturel et sa science la peinture. Cela apporte un aspect de cet homme simple à l'esprit véritablement raffiné.




Pierrot solaire, Zeno Bianu, Gallimard, 152 p., 18 euro.

Je l'ai déjà dit dans ces colonnes et ailleurs : je considère Zeno Bianu comme l'un des plus talentueux poète de sa génération dans notre pays. Il n'a pas seulement un don, il possède aussi une grande faculté d'être à la fois antique et moderne. Qu'est-ce que je veux dire par là ? Qu'il ne tente pas de retrouver l'esprit de la poésie ancienne (comme a pu le faire Fernando Pessoa avec ses nombreux hétéronymes), mais qu'il ne tente pas de forcer les limites de l'écriture en imaginant des transgressions sans bornes (ce qui a pu être l'un des aspects majeurs du surréalisme, par exemple). Il est à remarquer que dans ce recueil, Bianu n'utilise au début de son livre que le tercet (qui constitue les dernières strophes d'un quatrain). Mais ce choix n'engage pas le reste de l'ouvrage, qui a recours à d'autres formes. Intitulée « Poudre d'esprit et revenance des âmes » qui est cette partie initiale est une sorte de descente non dans les Enfers dantesques, mais dans les tréfonds d'une pensée enfermée dans un corps. C'est une exploration de ce qui constitue l'essence de l'être. La seconde partie (« Sur le versant exposé de l'être ») a une apparence tout à fait différente, mais elle poursuit le même objectif.
C'est un voyage halluciné dans ce territoire terrible qui est l'expression de ce qu'il est. Il en est de même pour la troisième partie, « Balises aux confins des mots ». Il y est question du rapport d'une femme et de son corps. Puis il introduit la notion du double et le périple se poursuit dans cette quête pleine d'angoisse. Ensuite vient la méditation de Prevel sur Antonin Artaud, qu'il a beaucoup aimé. La section suivante rappelle ce qu'est le rêve et qu'il insinue : un labyrinthe avec des portes. Ce qui suit prolonge ce voyage qui révèle la relation de l'individu et du monde tangible. Il pose mille questions et provoque mille inquiétudes « dans l'arrière-ciel de l'inconscient ».
C'est une avancée qui ne cesse de multiplier les doutes et les émois, faisant sans cesse surgir de nouveaux obstacles sur ce chemin ardu et douloureux. Il introduit des figures contemporaines, comme l'artiste Ernest Pignon-Ernest. Des musiciens sont aussi convoqués, émergeant d'un passé lointain ou récent, et qui résonnent toujours dans cette histoire introspective. On rencontre en cours de route Salomon et William Blake. La mémoire est désormais le fil d'Ariane de cette circumnavigation qui consume le voyageur imprudent. Tout se termine par une collection de haïku, qui ne ressemble pas vraiment à leurs modèles d'Extrême-Orient. C'est éblouissant et très prenant. C'est intense et bouleversant à la fois. Zeno Bianu nous fait don d'un recueil qui montre que la poésie peut se vivre en sachant user d'une écriture très pure mais sans être pour autant une triste récurrence de la poésie de ses pairs désormais dans les livres de classe.




Madame Straus, un amour de Proust, Lina Lachgar, Editions du Canoë, 96 p., 14 euro.

Après de parler de ce livre, je tiens à dire combien j'apprécie ce qu'écrit Lina Lachgar, bien sûr pour tout ce qu'elle écrit sur Marcel Proust, mais encore plus sur ce qu'elle a pu faire à propos de Max Jacob, en particulier Max Jacob dans tous ses états (Editions du Canoë). Dans cet ouvrage, elle fait le portrait d'une femme qui a joué un rôle dans l'existence de Proust et qui a été une femme qui a compté dans la haute société et la culture française de la Belle Epoque. Cette dame, née Geneviève Halévy, est devenue l'épouse et puis la veuve de Georges Bizet et ensuite, après un bref veuvage qui sans être joyeux, n'a pas été franchement triste et, en seconde noce, elle a été Madame Straus (Emile Straus était avocat, en premier lieu des Rothschild) à la surprise de sa famille.
Elle appartient à une famille qui a joué un rôle important en son temps. Elle a tenu un salon très prisé boulevard Haussman les samedis. C'est le peintre et écrivain Jacques-Emile Blanche qui y a introduit Proust. Ce dernier y a pu y observer la « bonne société » parisienne tout son saoul (A la recherche du temps perdu est une sorte de « Comédie humaine » à sa façon dépouillée du réalisme balzacien). Le tout jeune Marcel, encore en classe de rhétorique, tombe sous le charme de cette femme raffinée et cultivée, pleine d'esprit et remarquable pour ses bons mots. Elle représente son idéal féminin et l'auteur avance qu'il aurait même été épris d'elle-même charnellement. Ce qui est sûr, c'est que son absence lui difficile à supporter. Et il lui est demeuré attaché jusqu'à sa disparition. Il est fort probable qu'elle ait été le paradigme de la duchesse de Guermantes. Car ici, Lina Lachgar s'est efforcée de nouer la vérité d'une relation intime avec l'invention toute relation du grand roman de Proust. Ce qui signifie qu'il ne s'agit dans ces pages ni d'une biographie en coupe réglée, ni un personnage féminin fictif à la Henry James.
Bien des choses les ont liés, comme l'effroyable affaire Dreyfus, dont Proust a rendu compte dans la Recherche. Elle l'a aussi aidé quand il s'est lancé dans la traduction des écrits de John Ruskin. Assez étrangement, le livre s'achève par le suicide du fils de Madame Straus en 1922 (il s'est tiré une balle dans la bouche). Quoi qu'il en soit, ce livre se parcourt avec délice et dans bien peu de pages, on y apprend beaucoup de choses qui peuvent éclairer la personnalité de l'écrivain et aussi mettre en valeur cette dame du monde…
Gérard-Georges Lemaire
24-03-2022
 
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Verso n°136

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