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[verso-hebdo]
20-11-2014
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Figino ou de la finalité de la peinture, Gregorio Comanini, édition présentée et traduite par Marie-France Courriol, Hermann, 306 p., 25 euro

Cette édition du Figino de Gregorio Comanini (vers 1550 à Mantoue-1608), aussi invraisemblable que cela puisse paraître est la première qui paraît en français dans sa totalité. Il s'agit donc là un véritable événement. Il faut espérer qu'il va donner l'idée aux maisons d'édition de réimprimer ou carrément de traduire d'autres traités sur l'art de ce Cinquecento que nous connaissons vraiment si mal. La France a entrepris il y a quelques années une nouvelle estimation de son XVIIe siècle en peinture avec une importante série d'expositions. Il faut dire que nous n'avons que des visions fragmentaires des périodes dites maniéristes et baroques (ce qui, de surcroît peut prêter à bien des malentendus). Mais si nous avions la possibilité de consulter les ouvrages fondamentaux de ces deux siècles (le XVIIIe siècle est désormais mieux loti), peut-être serions-nous en mesure de mieux comprendre leurs soubassements théoriques et esthétiques. Le traité de Comanini, - auteur de textes religieux, mais aussi de poèmes spirituels, ami intime du Tasse -, est publié à Mantoue par l'éditeur Francesco Osanna.
L'action se déroule à Milan et il est composé sous la forme de dialogues entre trois figures historiques : don Ascanio Martinengo (né en 1541 à Brescia-1593), chanoine du Latran, fondateur de l'Accademia degli Animosi à Padoue ; Stefano Guazzo (né à Casale Monferato en 1530), entré au service des Gonzague, est le fondateur de l'Accademia della Conversazione en 1574 et participe à l'Accademia degli Affidadati à Pavie et est l'auteur des Dialoghi Piccoli (1586); Giovanni Ambrogio Figino (1553-1608) est un peintre très apprécié de son temps pour ses portraits et pour les oeuvres qu'il a réalisées pour le Dôme de Milan. Il tente une synthèse entre Raphael et Michel-Ange.
Le premier incarne la compétence en théologie, le second, la défense de la poésie contre la peinture, le troisième est l'artiste qui tente de concilier théologie, poésie et peinture. Ce livre est une mine d'érudition mais se lit avec une extrême facilité. Ses références sont innombrables, de la philosophie, de la littérature et de l'art de l'Antiquité jusqu'au Tasse et à l'Arioste, en passant par de nombreux hommes de culture du XVIe siècle. En fait, le débat tourne autour d'un conflit patent entre le plaisir et l'utile, entre la réalité des images dans la peinture et dans la poésie. Un de ses éléments de bases est l'opposition entre Platon, qui place l'art au troisième degré de la vérité, donc au plus bas de sa hiérarchie, alors qu'Aristote, conçoit dans son Ethique (livre X) l'art comme plaisir et connaissance.
Il faut savoir que l'auteur lit Platon à travers l'interprétation de Marsile Ficin et qu'Aristote connaît un regain d'intérêt à partir de 1536 grâce à la publication en grec de la Poétique, qui est aussitôt traduite en latin. Comanini rappelle quelles sont les règles de la rhétorique d'Aristote et de là tire la reconnaissance de la multiplicité des modes d'invention. De toute évidence, derrière ces questionnements se trouvent une autre question majeure qui est celle de la finalité des images dans les termes de la religion. Il s'en remet aux lectures de Martirengo, comme celle des écrits de saint Paul, du Traité des saintes images de Molanus (1570) et bien d'autres ouvrages savants. En somme, l'auteur s'efforce de trouver une possible synthèse entre le plaisir et l'utilité et à promouvoir un art qui soit au moins l'égal de la poésie. Le plus étrange n'est pas qu'on y fasse allusion à Michel-Ange pour définir ce qu'est l'allégorie, mais qu'on en appelle à Giuseppe Arcimboldo (Milan 1527-1593), que Guazzo surnomme l'« Egyptien érudit », qui est renté dans sa ville natale après avoir longuement travaillé pour Maximilien II à Vienne, puis pour Rodolphe II à Prague.
Pour Comanini, c'est cet artiste qui figure le mieux la notion de métaphore. Figino vante les qualités divertissantes de son compatriote, dont on vient à peine de découvrir les créations - et tous s'accordent pour en reconnaître les mérites -, et en fait le prototype du peintre d'invention de donc de celui qui conçoit des simulacres à la fois ressemblants et fantastiques (là, il songe à ce que dit Platon dans le Sophiste à propos de la ressemblance icastique et de la ressemblance imaginaire). Des poèmes entiers lui sont consacrés pour décrire Flore ou Vertunne. Les thèmes évoqués dans ces pages peuvent surprendre de nos jours et ce mélange de conversation entre personnes cultivées et de lectures de poèmes de l'un des trois intéressés ou de leurs auteurs préférés, tout cela entrecoupé de citations de livres anciens et moderne ou d'oeuvres célèbres, comme les fresques de Jules Romain à Mantoue, pour trancher sur le point nodal du pur plaisir qui peut et doit avoir son utilité. Car tel est le dessein poursuivi par Gregorio Comanini, par le biais de ces discussions subtiles. Somme toute, les règles adoptées au cours du concile de Trente sont respectées, mais bizarrement détournées pour que la jouissance de l'oeuvre d'art demeure l'un des pôles principaux de l'activité du peintre ou du sculpteur.
L'expression commune « joindre l'utile à l'agréable » trouve dans ce beau texte sa raison d'être par excellence. Mais, au-delà de la résolution de cette aporie avancée par l'Eglise, on assiste à la quête d'une plus grande indépendance de l'artiste et de la conquête d'un rang qu'il a bien du mal à assurer pleinement malgré les progrès de la Renaissance.




Mudwoman, Joyce Carol Oates, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Claude Seban, Points, 760 p., 8,30 euro

J'ai beaucoup lu les romans et les nouvelles de Joyce Carol Oates à la fin des années soixante-dix. Et je dois dire que jaimais ça, malgré son style un peu forcé et surtout son mode répétitif qui faisant ressembler un morceau de Steve Reich à une symphonie de Brahms. Joyce Carol Oates a du talent et du métier. Elle a publié un nombre impressionnant de livres et reçu presque tous les prix et distinctions imaginables dans son pays. Mais quand on lit son ambitieux Mudwoman, force est de constater que rien n'a vraiment changé. Toujours le même style, toujours la même prolixité, toujours la même lenteur dans le développement de l'intrigue et, plus que tout, le même caractère obsessionnel qui touche d'abord les figures féminines.
Elle nous brosse un univers névrosés en diable, qui paraît ne faire qu'enfler. Son héroïne, qui a fait un beau mariage et qui a grandi la seconde partie de son enfance dans un milieu aisé, choyée et recevant la meilleure éducation possible et elle redevient la Mudgirl, la « fille de la boue » qui avait été abandonné dans des marécages par ses horribles parents. La présidente d'une université prisée tire de son nom de femme mariée, Mudwoman, toutes sortes d'extrapolations rétroactives. Cela étant dit, l'auteur révèle tout son arsenal littéraire, une grande capacité à construire une histoire et un style, qui n'appartient qu'à elle. Pour moi, c'est un peu comme si Henry Miller était passé sur le divan d'un psychanalyste fou et se serait changé en femme. L'image est osée, mais j'entrevois un parallèle entre le bavardage de l'auteur de Jours tranquilles à Clichy et celui de Mudwoman. Il y a chez l'un comme chez l'autre une obsession de la sexualité qui libère les vannes de la langue. Trop de mots, trop d'introspection complaisante. Mais on ne peut s'empêcher de dire a u bout du compte : quel talent incroyable.




Bienvenue dans ce monde, Amanda Svensson, traduit du suédois par Esther Sermage, Actes Sud, 320 p., 22 euro

Il fallait bien que cela arrive un jour, que nous ayons l'équivalent dans le petit monde romanesque de quelque chose d'aussi impressionnant, kitsch et dépravé que les oeuvres d'un Jeff Koons ou d'un Keith Haring en art, et même, pour retourner dans notre minuscule hexagone, d'un Combas ou d'un Di Rosa. Beaucoup ont déjà tenté d'aller dans cette direction, mais, pour autant que je sache, il n'ont pas eu le courage d'aller jusqu'au bout de leurs désirs. Cela se limitait souvent à la manière de parler et de se comporter dans les banlieues.
Avec Amanda Svensson, cette fois, le pas est vraiment franchi : on a des personnages qui s'expriment dans une langue parallèle et ont tous une façon d'être qui peut sembler lunaire (ou pire). Ils portent en eux les germes de l'adolescent moderne, incompréhensible par essence et qui fait des choses que les parents ne peuvent absolument pas comprendre. Dans ce livre, trois personnages de ce genre se rencontre : Greta, une fille dont aucun garçon ne veut, qui a servi de muse à un petit groupe d'artistes déjantés, qui boit beaucoup et ne parvient pas à communiquer ; Claus, qui a une drôle de manière de parler et qui ne sait trop ce qu'il fait sur cette terre ; et enfin Simon, qu'on peut qualifier de vaguement autisme (d'autres diront tout bonnement timide et solitaire), qui fait de l'artwork et qui est passionné exclusivement par les Hauts de Hurlevent.
Greta et Simon tombent amoureux. Et, tout en menant une existence chaotique (on boit beaucoup dans des fêtes aux contours approximatifs), Greta et Simon s'aiment d'amour tendre. L'histoire, en soi, et d'une banalité absolue ! Le drame survient à la fin quand Claus décide mettre fin à ses jours car il sait qu'il a des problèmes qu'ont dirait (dans le langage actuel) relationnels. Bref, rien de neuf sous le ciel de Malmö, sinon une littérature qui veut être la mise en scène d'une génération. Ce n'est pas On the Road, ne vous mettez pas à rêver. C'est une espèce de monstre romanesque, qui doit beaucoup à la bande dessinée et aux poncifs. Que dire en conclusion ? Qu'Amanda Svensson est un mélange de romantisme et de cynisme et que ses personnages sont des fantômes des jeunes gens scolarisés. Elle est douée, c'est indéniable, mais elle n'a pas l'imaginaire d'une Kathy Acker. C'est une sorte de Barbara Stressant des cours de lycée...




Les proverbes de nos grands-mères, Daniel Lacotte « Le goût des mots », Points, 220 p., 12 euro

Dans la nouvelle collection « Le goût des mots », dirigée par Philippe Delerm dans Points (éditions du Seuil, sont paru plusieurs ouvrages qui ont tous pour mission pour nous faire mieux connaître notre langue. Vaste tâche, car il n'y a un seul Français capable de tout savoir sur sa propre langue, son étymologie et son histoire ! Mais c'est une belle et noble tâche, que je tiens à saluer ! Le premier titre paraît banal, puisqu'il s'agit des proverbes d'autrefois. Dans ce cas précis, la surprise est mince : nous en connaissons la signification. En revanche, nous ignorons souvent d'où ils proviennent. Souvent, c'est la sagesse populaire qui les a véhiculés jusqu'à nous. Mais il n'est pas rare que ce soit des écrivains qui les aient gravés dans le marbre où même inventés, souvent des fabulistes, comme Esope, Florian ou Jean de La Fontaine. Et puis on rencontre Cervantès, Boileau, Voltaire, Hugo et tant d'autres. En somme, nous voici conviés à réviser nos classiques et à comprendre aussi l'enchaînement de formules qui ont conduit à la création d'une nouvelle. C'est un livre drôle, qu'on peut parcourir au petit bonheur la chance, pour le seul plaisir et ce plaisir nous ramène sur les bancs de l'école. C'est écrit avec beaucoup d'esprit et de finesse, souvent avec un rien d'humour. Et c'est passionnant.




Oxymore, mon amour ! Jean-Louis Chiffet, « Le goût des mots », Points, 400 p., 7,95 euro

Il ne s'agit ni d'un dictionnaire classique, ni d'un glossaire, ni d'une encyclopédie, mais bien plutôt d'un voyage, un voyage à l'intérieur de la langue française. Et c'est tout aussi passionnant qu'un ouvrage de Jules Verne. La forme adoptée par l'auteur est bien celle d'un dictionnaire car les mots qu'il a choisi de traiter sont classés par ordre alphabétique. La comparaison s'arrête là. Il a choisi pour nous des mots rares et donc peu utilisés comme charientisme, gongorisme, isocolon, épitrochasme, et bien d'autres. Il convie aux festin quelques hommes de lettres réputés pour leur amour sans borne du langage : Vaugelas, Malherbe, Jean-Pierre Brisset, Emile Littré... Et puis il donne des explications sur les mots qui sont toujours au pluriel et les verbes qui font défaut à notre grammaire. Rien de systématique que ce recueil : nous naviguons d'un mot à l'autre dans un joyeux désordre qui nous révèle chaque fois quelque chose que nous ignorons. Pa exemple, l'histoire du zéro. Il traite aussi des problèmes de la traduction et de ceux de la versification (qu'on a un peu oublié, reconnaissons-le). A la fin, il nous propose des mots et des définitions : à nous de découvrir les bonnes. Ce livre ne fera pas seulement les délices des cruciverbistes. Tout à chacun y trouvera son plaisir et y retrouvera ses petits mots perdus, oubliés, sans parler des découvertes dont il se fera une joie. En somme, c'est un livre ludique qui enseigne sans donner le sentiment de le faire.




Les trésors de notre langue en 1001 expressions, « Le goût des mots », 572 p., 14,90 euro

La nouvelle collection de Philip Delerm nous réserve encore une belle surprise : un ouvrage relié qui comprend trois parties. La première, signée par Marianne Tillier, « Les plus belles expressions de nos régions », nous ramène à toutes ces expressions communes, dont certaines commencent à ne plus être trop utilisées. Pourquoi ? Parce que nos liens avec la France rurale se sont largement érodés. C'est donc avec un ravissement permanent qu'on renoue avec des manières de parler qu'on entendait à l'époque de l'école primaire après la guerre et qui ont fait long feu ! Un des aspects les plus importants de ce « catalogues » de phrases toutes faites ce qu'on en a parfois oublié l'origine ou même le sens précis.
L'auteur nous remet donc dans les bons rails ! La seconde partie de l'ouvrage, rédigée Pascale Lafitte-Certa, recense un bon nombre de dits régionaux. De la plupart, on a perdu la trace et on ignore d'où ils proviennent. Et puis, il en existe un certain nombre qui ne sont pas sorties de leurs régions natales. Elles sont souvent très imagées, savoureuses, cocasses la plupart du temps. C'est un petit trésor que la France s'est constitué. La dernière partie, rédigée par Gilles Tiller, est peut-être la plus intéressante car si nos connaissons bien ces expressions, nous ne savons pas quelle en a été la source véritable. Par exemple, qui sait que lorsqu'on dit qu'il a brûlé ce qu'il a adoré, cela vient du baptême de Clovis interprété par le célèbre couple de pédagogues Lagarde et Michard ? « Casser sa pipe » vient d'un poème de Tristan Derème. « Etre comme l'âne de Buridan » est un sophisme célèbre du philosophe médiéval Jean Buridan, qui postulait que l'âne devait choisir entre le seau de picotin et l'eau à boire. Là, il faut avouer que j'en suis resté chocolat ! On fait des découvertes merveilleuses sur tant d'expressions qu'on emploie encore et toujours mais qui ont perdu depuis belle lurette leurs ports d'attache historique. L'ensemble constitue une précieuse petite Bible pour tous les amateurs de la langue française.
Gérard-Georges Lemaire
20-11-2014
 
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