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[verso-hebdo]
05-03-2015
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

L'Art incendiaire, la représentation des feux d'artifice en Europe au début des Temps modernes, Kevin Salatino, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Alexandre Nguyen Duc Nuhân, Macula, 168 p., 24 euro

Cette étude n'épuise pas le sujet et de loin. Son ambition est de déchiffrer les significations des fêtes pyrotechniques de la fin du XVIe siècle jusqu'à la fin du XVIIIe. Qu'on n'aille donc pas y chercher une histoire en coupe réglée de ce fastueux ingrédient devenu quasiment incontournable des grandes festivités royales ou princières. Kevin Salatino s'est proposé de nous expliquer comment ces fêtes de lumières et de sons se sont développées selon des codes symboliques très précis. En premier lieu, il nous fait comprendre qu'il ne s'agissait pas exclusivement de ravir l'oeil des spectateurs, mais de lui narrer un récit. Ce récit avait d'abord à voir avec le pouvoir et son resplendissement. Et cela en fonction de circonstances elles-mêmes bien précises. Ensuite, il y a plusieurs manières de l'envisager selon les techniques employées. Souvent, des armatures étaient utilisées et elles pouvaient représenter une architecture signifiante. Enfin, des histoires dans l'histoire pouvaient être mises en scène. Il évoque, par exemple, le « sublime érotique ». A ce propos, toute la discussion sur le sublime à propos de ces ancêtres du spectacle pyrotechnique est vraiment très intéressante car elle relativise le concept de sublime tel qu'on l'entendait alors et aussi son évolution. Ces pages sont richement illustrées et montre que toute une petite (mais non négligeable au point que de grands artistes s'y sont employés, comme Piranèse) industrie a été liée à ces événements. Ce que souligne l'auteur est que les gravures produites ne nous révèlent pas forcément une soirée merveilleuse avec des fusées et des feux de Bengale, car elles ont été faites avant qu'elles n'aient lieu. Il est même arrivé qu'elles aient été annulées ou qu'elles aient échoué ! En tout cas, concise et néanmoins très exhaustive, cette analyse de l' « art incendiaire «  comme on l'appelait alors donne les outils utiles pour intégrer ces jeux avec le feu dans les cérémonies, les commémorations, le théâtre et la vie publique d'une ville. Il a partie liée avec l'architecture, les jardins, la scène ou encore des inventions éphémères. Elle est aussi conçue par rapports aux autres éléments naturels. Bref, cette manière de considérer le problème doit conduire à une révision de notre perception des grandes fêtes qui parviennent à leur summum au cours du Grand Siècle car ces feux d'artifice font partie d'un ensemble de choses dont nous devons apprendre le langage spécifique.




L'Image et la langue, Diderot à l'épreuve du langage dans les Salons, Elise Pavy-Guilbert, Classiques Garnier, 474 p., 49 euro

On a beaucoup glosé sur les Salons de Denis Diderot. Ce qui rend très originale le point de vue de l'auteur, c'est d'avoir étudié de très près la spécificité littéraire de ce genre dont il est de facto l'inventeur dans la sphère littéraire. Il y a eu avant lu des auteurs notoires qui ont traité avec discernement de ce qu'on va appeler plus tard « l'Exposition » pour mettre en valeur l'importance qu'elle a pu avoir dans le Paris des siècles passés jusqu'à sa disparition en 1881. Mais il est le premier à lui donner une forme qui n'est plus seulement destinée aux amateurs d'art, mais à ses pairs comme au public le plus large possible étant donné que cet événement attirait des foules considérables. Bien sûr, l'entreprise est amusante et presque paradoxale car ces écrits ont parus dans La Correspondance littéraire de Grimm qui était une revue manuscrite et donc fabriquée à très peu d'exemplaires destinés aux grandes cours européennes. Diderot a sans doute voulu séduire ce public choisi. Mais au-delà de cela, il a discerné une manière bien à lui de traiter les arguments concernant l'art de son temps qui pût toucher une audience bien plus large. Et là, il a du s'ingénier à trouver des biais subtiles pour captiver le lecteur. De plus, il a usé de stratagèmes pour faire entendre les critiques qu'il adressait à ses confrères sans jamais les citer. De là, par exemple, l'usage du « on dit » ou de citations sans auteurs désignés. Ces Salons sont un véritable laboratoire d'écriture, où il imagine tous modes pour rendre son récit non seulement agréable et limpide, mais aussi pour pouvoir convaincre. Elise Pavy-Guilbert étudie par exemple le langage des passions que l'auteur des Bijoux indiscrets a souhaité rendre tangible. C'est très finement analysé. Et force nous est de nous replonger dans la lecture des Salons selon son optique pour en comprendre les ressorts assez complexes qui montrent à quel point il a voulu s'essayer à une forme de discours à la fois très élaboré et très accessible. Toute la finesse, mais aussi la malignité de Diderot se trouvent dans ces pages où il entend faire passer une « philosophie » de la chose artistique. En examinant les moyens mis en oeuvre, on comprend aussi les idées qu'il a voulu avancer avec force, qui ont trait à la peinture, mais aussi à la représentation et à la morale que peut véhiculer une oeuvre. Et je dois saluer l'incroyable travail accompli ici par l'auteur pour rendre avec sagacité les pièces de ce puzzle. Il s'agit bien sûr d'une exploration très pointue, mais qui ne cesse jamais de nous apporter des éclairages saisissant sur la démarche théorique de Diderot dans cette confrontation entre les lettres et les arts..




Adam en Eden, Carlos Fuentes, traduit de l'espagnol (Mexique) par Vanessa Capiel, Gallimard, 240 p., 19,50 euro

Sa carrière d'homme de lettres commence avec la création 1955 de la Revue mexicaine de littérature en compagnie d'Octavio Paz mexicaine de littérature et par celle des éditions Siglo XXI. Il commence par écriture des nouvelles et il publie son premier roman, la Plus limpide région, en 1958. Toute son oeuvre est marquée par son engagement politique. Il a voulu le plus souvent parler de l'histoire actuelle de son pays et dénoncer les inégalités sociales et les tares de la société. Ce dernier roman, paru posthume, Adam en Eden, est une oeuvre qui n'est sans doute pas la plus accomplie. Mais, avec beaucoup d'ironie et d'humour, il s'est mis en tête de montrer à quel point l'univers qui était le sien se révélait corrompu et complètement vicié par le trafic de la drogue. Deux personnages s'affrontent dans ce roman familial qui est placé à l'enseigne de la dérision et du grotesque : Adam Gorozpe et Andam Gòngora, deux figures symétriques, comme des jumeaux qui s'affrontent. L'un a choisi de résister aux cartels, l'autre, qui devrait représenter l'ordre, la loi, la justice, la vertu, est en fait un être qui s'est accommodé de tous les vices pour en tirer et du pouvoir et de l'argent. Le livre est écrit d'une manière peu académique et est une sorte de film burlesque où les choses les plus sordides et les plus graves surviennent dans l'allégresse d'une fête carnavalesque. Je ne crois pas que c'est le meilleur Fuentes. Mais il n'en reste pas moins que la lecture de ce roman est plaisante et dresse du Mexique actuel un bilan plutôt amer. Il ne fait aucune concession et son écriture débridée permet de faire passer les questions les plus douloureuses et les plus critiques dans une joyeuse sarabande qui transforme tous les protagonistes de son histoire en ces marionnettes hilares de la traditionnelle fête des morts !




Voyages dans la modernité, deux Ottomans à Paris et à Londres au XIXe siècle, traduit du turc et présenté par Gül Mete-Yuva, Actes Sud, 272 p., 25 euro

Le voyage en Orient est devenu un genre littéraire au sens plein au XIXe siècle (car il ne faut pas oublier Il milione de Marco Polo !) avec les ouvrages de Chateaubriand, de Gérard de Nerval, de Théophile Gautier, de Lamartine et de quelques autres, sans compter les Orientales de Victor Hugo. Mais on ne s'est jamais beaucoup soucié de ce que les Orientaux pensaient de l'Occident. A partir du XVIIIe siècle, plusieurs voyageurs turcs ou égyptiens ont raconté leur périple en France ou dans d'autres pays européens. Ce volume rassemble deux récits. Le premier, Hayrullah Efendi est celui d'un fils d'une grande famille, qui a fourni les médecins du Sérail. Lui-même homme de science, il a une oeuvre copieuse dans ce domaine. Il fait un récit détaillé de la vie parisienne et s'intéresse à tout, à la vie quotidienne dans la capitale française, à ses grandes institutions, à son administration et aux signes manifestes de la modernité. La seule chose qui ne passionne guère (dommage pour nous !) est le musée du Louvre, qu'il parcourt au pas de charge. C'est écrit d'une manière vivante et agréable. Il n'a pas de préjugés ou de jugements à l'emporte-pièce. Il observe tout ce qu'il découvre avec attention et intérêt. Il semble d'ailleurs prendre modèle sur se précurseurs français, qui traite chaque sujet de manière détaillée. Quant au journaliste anonyme qui est allé à Londres à l'occasion de l'exposition universelle, il fait un reportage très soigné, en essayant de ne rien omettre. Sciences et techniques, mais aussi le commerce et les échanges sociaux, dans les deux cas sont mis en avant, tout comme l'art de vivre des Français et des Anglais. Mais la culture est assez peu traitée en dehors des bibliothèques. L'art et la littérature, le théâtre et les divertissements sont omis. Quoi qu'il en soit, ces deux ouvrages sont extrêmement bien faits et nous montre comment on nous voyait depuis la sublime Porte. Avec un oeil curieux, passionné, et aussi en examinant de très près ce qui pourrait servir les intérêt d'un Empire déjà déclinant.




Impressions et paysages, Federico Garcia Lorca, traduit de l'espagnol par Claude Couffon, « L'imaginaire », Gallimard, 252 p., 8,50 euro

Vous avez entre les mains le premier livre de Federico Garcia Lorca, publié à compte d'auteur en 1918. Une oeuvre de débutant ? Pas du tout. Ce voyage en Espagne n'a pas bien sûr la force et le souffle d'un auteur expérimenté, mais il a des qualités énormes dans sa concision et son lyrisme. L'auteur a su rendre des paysages avec intensité et à brosser des lieux avec une originalité et un lyrisme sans excès. Il y a une vision. Ce voyage d'étude lui a permis de comprendre ce qu'il pouvait en retenir et surtout nous en restituer l'essentiel. Quand on le suit dans le grand monastère de Silos, il ne nous propose pas une visite guidée, mais plutôt une traduction des lieux au gré d'une déambulation passionnée. On en découvre l'essence. Et cela est vrai des autres endroits où il nous conduit et des paysages qui se présentent à lui. C'est écrit avec une grande simplicité, mais c'est vivant, parfois agrémenté de dialogues, avec des images fulgurantes et des descriptions très posées et délicieuses. Le poète pointe son nez de temps à autre. De la Castille au Leon, Garcia Lorca du haut de ses dix-neuf ans se révèle déjà un grand écrivain. On aurait visité Grenade en sa compagnie ! A l'époque, personne n'y a pris garde. Ce n'est qu'après son exécution qu'on a redécouvert ce petit livre si précieux.




Mon voyage en Amérique, Blaise Cendrars, « L'imaginaire », Gallimard, 126 p., 6,90 euro

Drôle de livre de voyage ! On peut dire d'entrée de jeux que le débutant qu'il était à l'époque (nous sommes en 1911) n'a pas cherché à imiter ses grands aînés dans ce domaine. Tout au contraire. D'ailleurs, il ne tient pas vraiment le journal de son voyage. Ce sont des notes d'idées et de formules souvent inspirées. Non, il ne pourrait pas entrer dans une anthologie du genre, sinon comme un vilain petit canard. Mais quelle verve, quelle invention, quelle maestria dans l'emploi des mots ! Il y a déjà l'extraordinaire écriture de Cendrars dans ce petit journal. Il n'a pas su mettre en forme le tout. Mais chacune des phrases notées dans ce carnet a son poids et sa curiosité intrinsèque. L'aspirant écrivain a déjà cette fantaisie poétique qui surprend à tous les coups et ce sens vif de l'image qui frappe et éblouit. L'Amérique ne l'intéresse guère et la vie à bord n'est évoquée qu'à de rares reprises. Les escales sont signalées si cela lui chante, mais pas nécessairement commentées. Non, il parle de ce qui a pu compter à ses yeux et qui a laissé un signe dans son esprit. Cela, il nous en fait part. Et on devine déjà celui qui va mélanger savamment autobiographie et mystification. Peu lui chaud de faire voyager son lecteur. Il ne veut lui confier que ses pensées les plus saillantes et fortes. Le reste n'existe pas. Et aussi, il aime le mettre dans une situation de porte-à-faux. Enfin, il parle des auteurs qu'il lit et qu'il apprécie. Nous découvrons Cendrars avant Cendrars. Le retour est assez décevant, mais ses dessins sur la page de gauche sont intéressants car il montrent ceux à qui le rêve américain n'a pas vraiment plu ou qui n'ont pas vu la chance leur sourire !




Histoires assassines, Benard Quiriny, Rivages, 240 p., 18 euro

Bernard Quiriny excelle dans le genre de la nouvelle. Son histoire éditoriale le prouve. Et il est brillant dans le récit bref qui se termine par une chute souvent curieuse. Dans ce recueil, il met en scène des cas étranges de personnes étranges et pourtant de ces personnes qu'on croise tous les jours. Il s'amuse à faire dévier la vision des choses et met ainsi en relief toute l'étrangeté de la vie la plus banale. Parfois il se montre particulièrement caustique, en particulier dans « Deux conférenciers » et ses « Correctifs ». Là, il tourne en dérisions l'excès d'ego des musiciens, des universitaires, des écrivains (« Batelby » est une histoire bien faire pour rire des aspirants hommes de lettres). C'est vraiment d'une drôlerie irrésistible car la charge fait mouche avec cet humour débonnaire (ce n'est pas Octave Mirbeau ! Plutôt un lointain descendant de Queneau et de Prévert) et néanmoins cinglant, mais sans aucune méchanceté. Bernard Quiriny a de l'esprit, mais d'une manière qui lui est propre. Pour faire rire, il faut que quelqu'un ou quelque chose soit la « victime » de l'hilarité générale. Henri Bergson, dans son célèbre essai, évoquait la chute. Non, rien de très amusant, a priori, et pourtant la chute d'un individu provoque souvent le rire. Eh bien, l'auteur nous place dans cette situation : les personnages qu'il campe sont parfois à plaindre. Mais leurs attitudes ou leurs déclarations les placent en porte-à-faux et ils en deviennent comiques. C'est un livre à emporter en voyage ou à lire avant d'aller travailler si l'on doit subir un long trajet.




La Brûlure suivi de Marie-Salope, Gisèle Bienne, « un endroit où aller », 400 p., Actes Sud, 22 euro

Comme je n'avais pas lu Marie-Salope à l'époque de sa sortie, j'ai débuté cet ouvrage par le second roman, qui est en réalité le premier. En effet, il avait paru en 1976. Depuis Gisèle Bienne a écrit beaucoup d'autres romans. Mais elle a décidé de revenir sur ses pas et d'écrire un nouvel ouvrage où elle retourne sur les traces de cette Marie-Salope. Le titre est, à mes yeux, une sorte de piège. On aurait pu croire qu'elle y aurait parlé d'une traînée ou, à la limite, d'une pauvre fille mal traitée, un peu comme chez François Mauriac et ses médiocres épigones. Non, rien de tel. C'est l'histoire d'une adolescence dans la campagne, et c'est le récit qu'a pu en faire une gamine qui aime la solitude et se plaît à tout observer avec le plus grand soin, sans manquer le moindre détail. C'est un bon livre, écrit avec une belle plume, sans fioriture, sans effets de style faits pour impressionner le lecteur. Ce n'est pourtant pas une écriture sèche et rêche. Au contraire, il s'en dégage même une certaine poésie, mais aussi simple et dépouillé que ce monde rural. Elle se montrait aussi très douée pour le dialogue qui permettait de connaître le caractère de son héroïne et des membres de son entourage à un rythme endiablé contrastant avec ses descriptions très posées. Dans la Brûlure, elle revient sur ces mêmes lieux, bien des années plus tard, et elle revoit ce monde qu'elle avait laissé derrière elle dans ce premier livre avec un tout autre regard. Cette fois, elle joue sur plusieurs registres, les souvenirs, les rêves, les reconstructions hasardeuses de la mémoire se mêlent à la réalité à laquelle elle est confrontée. Ce monde est douloureux car le temps a fait son oeuvre, sur sa conscience et sur les êtres. C'est un livre attachant et élaboré avec beaucoup de soin.
Gérard-Georges Lemaire
05-03-2015
 
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du 6 au 28 Octobre 2012
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Christophe Cartier / Gisèle Didi
D'une main peindre...
Préface de Jean-Pierre Maurel


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"Rêves, ou c'est la mort qui vient"
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