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ID : 156
N°Verso : 106
L'artiste du mois : Christian Renonciat
Titre : Christian Renonciat à Houston
Auteur(s) : par Jean-Luc Chalumeau
Date : 07/12/2017



Url : www.christianrenonciat.com

Christian Renonciat à Houston
par Jean-Luc Chalumeau

C’est ici que l’on pourrait nourrir une réflexion générale sur la création esthétique à laquelle se prêterait particulièrement bien l’œuvre de ce plasticien ayant lui-même une formation philosophique. Comment l’art, pour se produire, utilise-t-il l’artiste ? On rejoindrait un thème heideggerien bien connu, qui est d’ailleurs le thème de toute ontologie : comment l’être se révèle-t-il par l’homme, le Sein par le Dasein ? L’œuvre de Renonciat offrirait une remarquable approche d’une question essentielle. Qu’est-ce qui se révèle par l’art ? Si l’art inspire en quelque sorte aussi bien le spectateur que l’artiste, n’est-il pas au service de l’être et comme sa manifestation ?

Mais revenons à Renonciat au travail : nous voyons bien que dans son acte, la création ne s’appuie que sur elle-même, ou plutôt sur son propre produit, sur l’œuvre in process à mesure qu’elle se précise et entre dans l’existence. Il y a, dans cette fascinante élaboration, un passage du temps à l’espace (un « étalement du temps » dit l’artiste) qui se retrouve dans l’objet créé. Ce n’est pas par hasard que Renonciat a baptisé étendues une série de pièces récentes. Il rejoint là une idée empruntée à la notion de durée chez Bergson : chez lui le temps ne passe pas vraiment mais s’étale (s’étend) en espace. Le Carton étendu, écorché, placé près de lui quand je suis passé à l’atelier, en témoigne.

Christian Renonciat a élu ces dernières années quatre motifs principaux, dans lesquels son travail « se loge le mieux », ( de préférence à cinq ou six périodes chronologiques), bien que le sujet ait peu d’importance pour lui : le panneau de carton, la feuille de papier, la bâche en plastique et la couverture de laine. Il y a donc, du seul fait de son choix initial, un projet, une pensée qui préside au faire et le précède. D’où une question : cette pensée de l’œuvre « à faire » est-elle équivalente à la pensée de l’œuvre faite ? Ce projet, si ténu soit-il, doit tenir une promesse, il ordonne la réalisation d’une idée qui n’est rien d’autre que l’œuvre attendant d’être réalisée. Il y a bien pour Renonciat un en-soi de l’œuvre, un être qu’il s’est donné pour mission de promouvoir. Notons qu’il s’y emploie avec d’autant plus d’ardeur qu’il y a là pour lui une source de plaisir. Un plaisir de la caresse du morceau de bois élu qu’il ne faut pas confondre avec le désir en tant qu’il est projection temporelle. Renonciat, selon son expression légèrement teintée d’humour, « fait la planche », il flotte mentalement dans un temps qui ne s’écoule plus. Le voici à la disposition de son œuvre : ce n’est pas lui qui la veut, c’est bien elle qui se veut en lui. Il avait bien un projet, mais ce n’était finalement que le vouloir de l’œuvre en lui.

 

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