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ID : 52
N°Verso : 66
Les Artistes et les Expos
Titre : Tatline / art et monde nouveau
Auteur(s) : par Giancarlo Pagliasso
Date : 11/01/2013



« Tatline, New Art for a New World ».Museum Tinguely, Bâle, jusqu'au14octobre 2012. Catalogue  Hatje Cantz, 240 p., 45 CHF.

Tatline / art et monde nouveau
par Giancarlo Pagliasso

En 1913, il prépare les costumes e tles décors pour Une vie pour le tsar, un opéra de Mikhaïl Glinka, mais c’est avec ses recherches pour Le Hollandais volant de Richard Wagner que l’artiste est parvenu à traduire sur la scène ses investigations expressives de l’espace dynamique obtenu par les contre-reliefs. Cela lui permet d’atteindre le sommet de son travail théâtral avec la décoration totale, où il figure aussi comme acteur, la grande saga Zangezi de son ami le poète futuriste Vladimir Khlebnikov mort l’année précédente. Le metapoème visionnaire tentait d’exprimer l’utopie de Khlebnikov à partir d’ « un langage global basé sur le sens symbolique des lettres » [3], où les phonèmes et les combinaisons de sons assument comme matière signifiante une consistance physique presque tangible. Tatline, admirateur du poète dont il se sentait proche, fut invité à traduire « le matériel poétique et linguistique dans la matérialité tangible des arts plastiques » [4] à partir du moment où il considérait les deux sphères d’expression comme différentes manifestations du même univers énergétique.
            Le dernier projet important de Tatline conçu entre 1829 et 1932 a été exposé dans une grande rétrospective qui lui était consacrée en Union soviétique. Il s’agissait du Letatlin. Dans l’exposition, en plus des photographies et des dessins originaux et d’un morceau de l’aile, on peut voir la reconstruction faite par Jürgen Steger en &991. C’était une sorte de machine volante sous forme de sculpture, rappelant Léonard de Vinci, son nom associant le verbe letat (voler en russe) avec son propre nom. L’objet synthétise au mieux la valeur fonctionnaliste que l’auteur a assignée à l’art avec son désir utopique de réappropriation sociale [5]. Il considérait cette dernière comme une exigence humaine primordiale apparue au cours de l’évolution : l’expérience du vol libre. Peut-être plus que jamais, le Letatlin exprime cette fusion harmonieuse des matériaux, d’espace et de construction, au fondement de la poétique de Tatline comme volonté prométhéenne de matérialiser le rêve (métaphysique) d’unité accomplie entre l’homme et la nature dans le ciel limpide que la Révolution d’octobre avait fait espérer à ses débuts.

Traduit de l’italien par Gérard-Georges Lemaire

[3]Cf. Yevgraf Rikatop, « The Theater as Stage of the New World », idem, p. 194.

[4]Ibid., p. 196.
[5]Dans la note de l'exposition de 1932, il note : « J'ai choisi la machine volante comme un objet pour la construction artistique car c'est la forme matérielle dynamique la plus compliquée qui peut entrer dans la vie quotidienne des masses soviétiques comme un ustensile de grande diffusion. », in Roland Wetzel, « Lettatlin, an Utopian Work ? », ibid.., p. 146.

 

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