avec le soutien éclat ou éclat
hotel de beaute
ID : 54
N°Verso : 66
Les Artistes et les Expos
Titre : Éloge de Simon Hantaï
Auteur(s) : par Gérard-Georges Lemaire
Date : 11/01/2013


Éloge de Simon Hantaï
par Gérard-Georges Lemaire

            Les tableaux présentés à la galerie Fournier sont tous de la même année 1964. Ils appartiennent à la série des Panses (il voulait l’appeler au départ « Suite Maman ! Maman ! », ou encore La Saucisse, on ignore pourquoi ! Mais la suite nous fournit une sorte d’explication) avec ce nom qui lui a été inspiré par Henri Michaux : « Tout, véritablement tout, est à recommencer par la base : par les cellules, de plantes, de moines, de proto-animaux : l’alphabet de la vie. […] La cellule peut encore sauver le monde, elle seule, saucisse cosmique sans laquelle on ne pourra plus se défendre. » Cette grande suite, prolifique, introduit une dimension essentielle : celle du pliage. La forme, qui est bien celle d’une sorte de grand sac, mais qui ne présente aucune référence organique, est composée grâce à des plissures qui juxtaposent les couleurs. Toutes les œuvres qui lui appartiennent sont conçues selon un principe identique. Tout désormais repose sur des variations. Mais ces variations ouvrent un champ esthétique à la fois maîtrisé et condensé, sans être l’otage d’un mode de répétition. C’est le germe de tout ce qu’il entreprend par la suite. D’où l’importance de cette présentation où un « sujet » subsiste, quand bien même il n’offre au regard qu’une forme somme toute abstraite si l’on ne connaît pas l’histoire et le titre. Cela ne signifie pas que cette panse soit indifférente : c’est le lieu de gestation d’un organisme amené à se développer. C’est aussi un ventre, une outre, un grand récipient aux contours irréguliers. Il s’oriente désormais vers une peinture qui ne signifie rien qu’elle-même en premier lieu et qui établit une relation à l’espace et au monde dans un second mouvement. Hantaï n’a jamais été un abstrait « pur » et il ne l’est pas là non plus. Mais le système de plis produit un ordre décoratif qui rappelle l’art de Matisse (seulement pour ce point précis). Le plaisir est ici pacifié, sublimé, et ne place le spectateur dans l’incertitude que lorsqu’il examine l’ouvrage dans le détail, avec le temps et la réflexion. Tout ce qui a été démonstratif et impulsif chez lui a disparu. Ce qui n’exclue pas la spontanéité et le jeu. Mais, déjà dans les Panses, il sait qu’il faut séduire par les sentiments et des harmonies afin qu’une telle forme esthétique puisse trouver grâce aux yeux des autres. La beauté est reconquise après des décennies de mauvais traitements ou d’explorations hasardeuses (qui ont eu leur beauté).

            Cette exposition nous a fournit le « sésame ouvre-toi » du mystère Simon Hantaï car ces œuvres ont été très peu vues et surtout de peu de monde.

 

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