Les artistes et les expos
Silva Béju
par Gérard-Georges Lemaire
Silva Beju est une artiste roumaine qui vit en France depuis le début des années soixante-dix. Son œuvre est singulière a plus d’un titre.

Déjà dans son pays natal, elle avait eu l’idée étrange, mais fascinante, d’enterrer ses sculptures. C’est pour elle un rite qui doit s’accomplir dans le secret et la solitude. Seuls quelques rares témoins peuvent assister à la scène. Elle n’a plus cessé dès lors de reproduire ce cérémonial, qui est aux antipodes de ce qu’ont pu faire des créateurs comme Daniel Spoerri par exemple ou comme l’événement récurrent qu’a institué depuis un certain nombre d’années Lucrezia De Domizio baronne Durini dans la Plantation Paradis, à Bolognano, en plein cœur des Abruzzes, là où Joseph Beuys a eu son atelier les dernières années de son existence : les artistes viennent ensevelir une pièce symbolique devant tous les autres participants de cette manifestation et seule une plaque gravée en cuivre atteste de ce geste. Silva Beju a d’ailleurs été invitée cette année à participer au IV Free International Forum de Bolognano.

Elle a été aussi originale dans le choix des matériaux qu’elle a utilisés. Elle a marqué une prédilection pour l’or et l’ardoise.

L’or est entré dans son univers plastique dès son arrivée en France, c’est-à-dire depuis 1972. Elle a réalisé des plaques carrées recouvertes d’or fin, qui sont striées de lignes ou marquées de points, selon un ordre déterminé par les constellations stellaires. Elle a utilisé ce procédé pour réaliser une grande frise pour décorer l’entrée une habitation populaire, voulant ainsi affirmer qu’on pouvait très bien faire des œuvres de grande valeur pour des demeures des plus modestes. Cette relation privilégiée avec l’or n’est pas comparable à ce qu’on pu faire avant elle des créateurs tels que Remo Bianco, Yves Klein ou Lucio Fontana : l’or est le point de départ absolu de sa méditation sur une surface « historiée » (mais abstraite pour le spectateur que nous sommes) et non le développement d’une pensée sur la monochromie. Ses plaques sont bel et bien des monochromes, mais ce ne sont pas des tableaux au sens propre du terme – ce sont des reliefs qui s’inscrivent dans une optique à la fois esthétique et métaphysique en dehors des spéculations de l’avant-garde (spéculations qu’elle a observées et admirées, mais qui sont loin de sa propre recherche). Toutefois, sa pensée n’est pas seulement conditionnée par une mystique – ou alors il faudrait qualifier de mystique toutes les productions de l’âme humaine). Elle a eu l’ambition de faire coïncider une quête formelle, intellectuelle avec une vision personnelle de l’univers telle que l’art peut la représenter.

mis en ligne le 06/10/2010
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