Les artistes et les expos
Robert Groborne entre les lignes
par Gérard-Georges Lemaire
      Quand j’ai connu Robert Groborne, il y a quelques lustres de cela, il travaillait au Centre Georges Pompidou et faisait des œuvres monochromes blanches. Quand je l’ai rencontré de nouveau, après une longue coupure temporelle, il avait pris sa retraite et faisait toujours des œuvres monochromes, mais noires cette fois. C’est bien sûr une ellipse tout ce qu’il y a de plus littéraire. Mais elle n’est pas tout à fait fausse.

      Mais le terme « monochrome » est quelque peu trompeur. Il est vrai que la plupart de ses créations, du papier au bronze, en passant par les panneaux, ont été placées à l’enseigne d noir. Mais dès qu’on les observe de plus près, force est d’admettre que le noir est une sorte d’absolu dans son univers, une clef de sol, mais que ses œuvres jouent sur différents registres chromatiques. Sans doute ne vont-ils que du bistre au gris jusqu’à des nuances multiples qui, de toute manière, demeurent assez sombres. Leurs variations engendrent néanmoins de subtiles déclinaisons chromatiques. Celles-ci insinuent non seulement des variations sensibles, mais engendrent aussi des lignes et des plans qui annulent cette tendance à l’abolition complète de toute différence du plan du tableau ou du volume de la sculpture.

      Si l’œil s’attarde encore un moment sur l’une ou l’autre des productions de son esprit, force est de constater que son abstraction est elle aussi relative. Il est évident qu’aucune forme du réel n’y apparaît. Cependant, des lignes délimitent des espaces qui ont un sens – par exemple, des arcs ou des arcades. En somme, nous avons affaire avec un espace construit. Et il l’est doublement. Je m’explique : la plupart d’entre elles sont « sculptées » dans l’épaisseur de la matière. Robert Groborne retire des strates du papier, modules des formes en pyramides, élimine le contour rigoureusement géométrique de la feuille. Ces procédés me rappellent des expériences menées par Jean Degottex. Elles sont conduites ici dans une autre direction. Ces soustractions et ces excavations ne sont pas là pour révéler la vérité du matériau et en retirer des effets formels particuliers. Elles ont bien pour objet une révélation, qui est strictement intérieure. En procédant de la sorte, il « dessine » des lieux utopiques, qui sont aussi des lieux de poésie.


mis en ligne le 14/01/2011
pages 1 / 2
suite >
 
action d'éclat