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Les artistes et les expos
Le Syndrome de Broadway
Les artistes et les expos - Le Syndrome de Broadway par Raphaël Gatel
Par Raphaël Gatel
« Le Syndrome de Broadway » - une exposition du Commissariat Parc Saint Léger - Centre d’Art Contemporain du 1er juillet au 23 septembre 2007
Sur une proposition du Commissariat, « Le Syndrome de Broadway » réunit 17 artistes contemporains autour de la question de l’héritage du néoplasticisme. A la croisée de l’art plastique, de l’architecture et du design, cette esthétique abstraite établie en 1917 par Piet Mondrian et Theo Van Doesburg se caractérisait par un vocabulaire plastique novateur composé de lignes droite et d’aplats de couleurs primaires. Malgré son rayonnement international, sa vocation à encadrer la société n’a pas survécu au libéralisme d’après la seconde guerre mondiale et la modernité l’a entraîné dans sa chute. Intitulé en hommage au tableau « Boogie Woogie Broadway » par lequel Mondrian s’affranchit en 1943 des règles strictes de son formalisme plastique, « Le Syndrome de Broadway » dresse le portrait désabusé d’une esthétique vidée de sa substance.

L’exposition s’ouvre chronologiquement sur une série photographies de 1971 intitulée « On the road to a new Neo Plasticism » dans laquelle Bas Jan Ader apparaît allongé sur un tapis bleu de telle manière que sa silhouette noire dessine avec les objets rectangulaires jaunes et rouges qui l’encadrent les lignes abstraites d’une composition mondrienne. Plié à une discipline néoplasticiste dans une position ascensionnelle, le performeur néerlandais aurait pris les injonctions absolutistes de son prédécesseur au pied de la lettre et attendrait du modernisme qu’il réalise la transfiguration de son enveloppe charnelle. Mais rien ne se passe, et c’est sur le ton de la désillusion post-moderne que se lit l’ensemble des oeuvres de l’exposition. Lorsque Mathieu Mercier confronte en 2001 « Deux chaises », force est de constater que le siège conçu au début du siècle par le designer De Stijl Gerrit Rietveld est bien plus austère et sûrement moins confortable que la chaise de jardin standard en plastique blanc. Les balcons au design moderne de Ingrid Luche sortent des murs comme des prothèses inutiles qui encombrent l’espace au lieu de le libérer, et les grands volumes géométriques de Nicolas Guiot occupent tant et si bien les lieux qu’ils gênent la circulation et nous confortent dans l’idée que le modernisme n’était pas quelque chose de « pratique ».

Certains artistes semblent pourtant embrasser le rêve moderniste de transcender la forme en l’extirpant du réel. Lili Reynaud Dewar sublime la silhouette géométrique d’une voiture de sport en n’en gardant que la coupe. Séverine Hubard construit des sculptures abstraites aux formes pures et équilibrées en utilisant le bois de meubles qu’elle démolit. Mais l’aspect volontairement bricolé de leurs oeuvres jure avec le sérieux inflexible de la pensée moderniste. Comme Mondrian s’émerveillant à New York devant la rigueur d’une ville organisée selon des lignes géométriques semblables à ses compositions, l’artiste irlandaise Aisling O’beirn rend compte de la perception de la circulation en milieu urbain par un enchevêtrement bordélique de structures en acier et de panneaux rectangulaires rouges, jaunes et bleus. C’est avec le même cynisme qu’Olivier Babin et Bertrand Lavier pastichent l’esthétique néoplasticiste et s’amusent de la désuétude des valeurs modernes.

Accusant la perte du sens, les objets de béton aux formes modernes que photographie Raphaël Zarka gisent dans des zones désaffectées, comme de mystérieux artefacts exhumés. Le néoplasticisme portait l’ambition d’»atténuer le tragique dans la vie et dans l’art ». Le crépuscule de la modernité signifierait-il que nous sommes parvenus à nous défaire du tragique ou que nous baignons dedans plus que jamais ?
Raphaël Gatel
mis en ligne le 30/07/2007
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