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L’univers fantasmagorique d’Esther Ségal

par Gérard-Georges Lemaire

15-01-2019

Monumenta

Monumenta

Monumenta

Monumenta

Ma première rencontre avec l’œuvre d’Esther Ségal a provoqué un véritable coup de foudre. J’étais littéralement émerveillé de ce que je voyais. Il m ‘arrive rarement d’être soulevé d’enthousiasme par des créations réalisées par de jeunes artistes. Cette fois-là, ce fut la rencontre avec quelque chose qui avait tant à faire avec ce qui m’occupait.

Il s’agissait de petits tableaux, d’un noir intense, de pures monochromes. A mieux y regarder, la surface est perforée de haut en bas par une pointe d’aiguille, mais de façon irrégulière. Ces minuscules perforations forment les lettres d’un alphabet imaginaire, qui pourrait se situer entre les caractères hébraïques et les caractères latins (mais là, rien n’est moins sûr). Quoi qu’il en soit, on dirait une page d’écriture Braille, mais qui ne serait plus sur fond blanc, mais sur fond noir (je m’interroge d’ailleurs sur la nécessité du papier blanc pour les aveugles). Ainsi l’artiste a jouer sur deux dimensions : la monochromie de la surface, toujours noire, et ces caractères noirs qui forment un léger relief et qui propose une langue écrite inconnue (et inconnaissable par définition). J’ai interrogé l’artiste sur ces intentions et voici ce qu’elle m’a répondu : “Cette idée m'est venue comme un cheminement dans les profondeurs de la photographie. L'origine de cet acte ou ascèse photographique est partie d'un constat... celui d'une image analogique “enfermante“, d’un mur d'apparence  à franchir. Pour continuer à avancer il fallait que je m'éloigne de toute ressemblance et j'ai pratiqué le flou comme détachement visuel et spirituel. Ce flou a donné une netteté paradoxalement, pointilliste, une "lettre point". J'en est déduit que c'était "l'écriture de lumière" dont nous parlait la définition de la photographie. J'ai donc décidé d'écrire, à mon tour, au point de lumière et j'ai pour cela / puisque la lumière écrivait au feu noir sur le subjectile blanc / inverser les rôles et écrit au feu blanc sur une feuille photographique noircie, ("mur de lumière noire" pour les peintres d'icône)  et c'est  ainsi qu'est apparue mon écriture de lumière.... Iconoclaste et essentielle. “

Après cette période intense, Esther Ségal a diversifié le champ de ses recherches tout en préservant au début le principe de ces minuscules perforations de la surface. Elle a appliqué ce procédé sur des photographies de paysages par exemple. La couleur est encore secondaire, mais le sujet est désormais apparent. Parfois son système d’écriture est encore visible dans une partie de la composition, parfois pas. Au fil des années qui suivent, elle n’a de laisse de multiplier les modalités de sa quête esthétique. Elle a imaginé des fragments d’anatomie avec des superpositions ou alors des métamorphoses des figures employées dans un registre fantastique. En 2005, elle crée la suite des Lames de fond (il y a vingt-deux lames), en tablant sur un jeu de mots entre les cartes du Tarot et la suggestion d’un univers sorti tout droit de l’inconscient. Pour ce faire, elle a recours à plusieurs techniques, du photomontages à la surimpression et incluant parfois de l’écriture et une couleur en plus du noir et blanc (le rouge, ou le bleu, ou encore le jaune). On a le sentiment que, sans jamais déroger aux règles qu’elle s’est imposées, elle n’a cessé d’élargir le champ de ses spéculations esthétiques, avec toujours cette tension grave entre la réalité et l’imaginaire, l’un et l’autre se contaminant en permanence.

Si la photographie demeure toujours son médium privilégié, elle entend en faire un usage qui ne saurait connaître aucune limite. Et, un beau jour, elle a décidé de réactualiser un vieux rêve des pionniers de la photographie qui ont voulu rivaliser avec les peintres. Si elle se veut une digne héritière du pictoralism qui a connu ses meilleurs jours jusqu’en 1920, elle ne veut pas entrer dans un conflit ouvert avec les peintres, d’autant plus que la peinture a depuis lors changé de nature ! Elle a plutôt ressenti le besoin de revenir plus loin dans le passé et de chercher ses sources dans la Renaissance, le maniérisme ou l’âge baroque (le classicisme en France). En agissant de la sorte, elle provoque un grand écart entre ces références (toujours implicites et équivoques) et ce qu’elle « dépeint ».

Comme les maîtres d’autrefois, elle s’emploie à ajuster ses compositions avec science et fait poser de vrais modèles. Le résultat est déconcertant : on a le sentiment, lorsqu’elle s’empare des thèmes mythologiques et religieux (surtout ceux qui sont issus du Nouveau Testament) – qu’elle n'hésite d’ailleurs pas à transformer selon ses propres conceptions -, qu’elle s’efforce de se tenir à égale distance de la reconstitution et du pastiche. En fait, il ne s’agit de rien de tout cela. Elle réinvente la peinture et lui donne une autre dimension, ne respectant ni les harmonies chromatiques ni les codes iconographiques (tout du moins, jusqu’à un certain point). Elle instaure l’ambiguïté d’une beauté de l’art à la fois célébrée et détournée. Elle invente une beauté biaisée, qui triomphe dans une sorte de déconstruction de ses éléments essentiels.

L’effet sur le spectateur qu’elle espère produire dans cette phase de sa quête intérieure est assez puissant et même envoutant : on est à la fois fasciné et dérouté. Elle engendre une situation esthétique qui s’affirme par des moyens très clairs et qui pourtant sème le trouble dans les esprits. Tout se joue dans un paradoxe épineux qui dépasse les problématiques récentes de la mort de l’art et la fin de la notion de beauté. Esther Ségal convoque simultanément deux genres de beauté : celle des siècles passés de notre culture et celle qu’elle désire imposer. Elles ne se contredisent peut-être pas, mais ne s’accordent pas tout à fait. L’art est-il encore illusion ? Dans son cas, c’est évident ; mais si l’on peut difficilement prendre la proie pour l’ombre, on ne peut s’empêcher d’être entrainé dans un tourbillon de pensées contradiction où deux modes de la beauté s’enchaînent l’une à l’autre et trace la voir d’un art qui parvient à conjuguer l’ancien et le moderne, tout en mettant en scène des tableaux où la représentation demeure une sorte d’énigme qui ne peut être interprétée, bien qu’elle se montre des plus séduisantes.


  Huang Yong Ping


Christophe Cartier au Musée Paul Delouvrier
du 6 au 28 Octobre 2012
Peintures 2007 - 2012
Auteurs: Estelle Pagès et Jean-Luc Chalumeau


Christophe Cartier / Gisèle Didi
D'une main peindre...
Préface de Jean-Pierre Maurel


Christophe Cartier

"Rêves, ou c'est la mort qui vient"
édité aux éditions du manuscrit.com