La force exceptionnelle de l’art de ChantalPetit tient sans doute d’abord à sa dualité : l’artiste joue constamment sur deux registres : celui de l’élaboration la plus soignée et celui de la liberté la plus apparemment débridée (« Il y a des moments très peints et des moments très détendus » indique-t-elle modestement). C’est finalement toute l’histoire de l’art que ChantalPetit convoque dans une œuvre féconde, multiple, inventive, qui ne laisse jamais indifférent. Pour l’aborder, Verso accueille les regards complémentaires de Belinda Cannone et Bernard Noël sur le formidable ensemble intitulé « Le festin des dieux », puis le témoignage de Véronique Petit, soeur de l'artiste et enfin le commentaire de Jean-Christophe Bailly sur un aspect spécifique de la peinture de ChantalPetit : les Paysages, qui ont été présentés récemment à la Maison des Arts de Malakoff.
J.-L. C.
« Si j’improvise tout
      ce que je fais, avant, il a pu se passer quelques mois
“d’inquiétude préparatoire” pendant
      lesquels je n’arrive pas à
      vivre. La vraie vie, la vie véritablement
      vécue, c’est la peinture. »
      (ChantalPetit, Notes
    pour Art-Absolument)
      L’écrivain entre dans l’atelier du peintre. Il y est
    saisi par l’étrangeté de ce monde visuel : c’est
    un univers tout autre, qui témoigne d’un cerveau tout autre,
    d’une sensibilité mystérieuse dont il n’a pas les
    clés, il ne sait pas comment cette sensibilité se convertit
    en tableaux, quels chemins parcourent les impressions pour devenir cela,
    assemblages de peinture, formes et couleurs, idées visibles. Il sait
    comment sentent et pensent les écrivains ; quand il les lit,
    il peut souvent reconnaître ou deviner les processus intimes qui les
    ont conduits au texte qu’il a sous les yeux – il ignore comment
    pense et sent un peintre pour produire ses œuvres.
    
          Alors il regarde longuement les toiles et il essaie d’y voir plus clair,
    et en les décrivant de se rendre raison de ce qu’il a confusément
    perçu. Décrire pour voir.
          Il me semble que les quelques fois que j’ai écrit sur l’œuvre
    d’un peintre, c’était pour tenter de réduire cette
    distance entre son cerveau et le mien. Ici, avec ChantalPetit, écart
    maximal : intuition que ce peintre, en peignant, ne pense pas du tout
    avec des mots. Devant ses tableaux, je sens un autre pays mental, d’autres
    voies que celles que j’emprunte ou connais. D’où la fascination.