Dossier Biennale de Venise 2011

Une Biennale à la dérive

par Gérard-Georges Lemaire

mis en ligne le 01/09/2011
Depuis sa création en 1895, la Biennale de Venise a connu bien des vicissitudes. Parvenue à sa 54e édition, cette vénérable institution, qui a été la première exposition à vocation internationale (elle avait développé les premières tentatives au cours des Expositions universelles depuis 1855), semble avoir touché le fond. Depuis longtemps ce naufrage était prédit et annoncé à corps et à cris. Mais cette fois, la messe est dite une bonne fois pour toutes.

Ce désastre, nous le devons à un seul homme : Vittorio Sgarbi. Encore assesseur aux Biens culturels de la ville de Venise il y a quelques mois, ce touche-à-tout de l’art mais aussi de la télévision, de l’édition et de la politique en Italie s’est vu confier par l’ancien ministre le soin de préparer le pavillon Italia. Ce pavillon n’est qu’une formule de rhétorique car le vrai pavillon de l’Italie sert depuis longtemps à présenter l’exposition internationale. C’est donc au bout de l’Arsenal que le pays invitant à trouvé refuge. L’idée de ce commissaire qui ne manque jamais d’idées saugrenues a été de contacter plusieurs centaines d’écrivains, de philosophes, d’architectes, de metteurs en scène, de musiciens, d’hommes politiques pour qu’ils signalent le nom d’un artiste à exposer. Le résultat est une confusion totale – on ignore d’ailleurs le nombre de personnalités et encore moins celui des artistes exposés ! Une liste provisoire donne environ 140 noms.
Il faut tout de même comprendre que la plupart de ces personnages plus ou moins illustres (Dominique Fernandez, Gillo Dorflès, Umberto Eco, Dario Fo, Giorgio Agemben, Ricardo Muti, figurent parmi les plus connus) sont dans leur immense majorité ignorant de l’art d’aujourd’hui (on retrouve même des artistes décédés, comme Carla Accardi !) et ont proposé des créateurs le plus souvent de bas étage si l’on fait exception de Kounellis et des quelques autres qui ont botté en touche comme Pistoletto et Cattelan. Le résultat est un méli-mélo accroché en tout sens de peintres croûteux et d’installateurs de troisième zone. Sgarbi a fait de longues déclarations incendiaires contre l’establishment artistique – un peu dans l’esprit de Jean Clair et de son Hiver de la culture. Soit. Mais ne peut accepter le diktat d’une élite autoproclamée ne signifie pas organiser une kermesse à neuneu. L’effet est sidérant : s’il avait voulu dégoûter la terre entière de l’art italien contemporain, Sgarbi ne s’y serait pas mieux pris. Et pour rajouter encore à cette confusion, notre commissaire endiablé a donné un titre ambigu à cette manifestation : « L’arte non è cosa nostra », ce qui peut se traduire par « l’art n’est pas notre affaire » (ce qui peut surprendre) ou par « L’art n’appartient pas à Cosa Nostra » (cette seconde solution est renforcée par une exposition documentaire sur la mafia sicilienne, dont on ne comprend pas très bien la présence en dehors du fait que Sgarbi est maire d’un petit village en Sicile…).
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action d'éclat

I S.O.S.