Dossier Claude Jeanmart
Les jeunes filles de Kafka
par Jean-Claude Hauc
mis en ligne le 18/04/2012

        De 2008 à 2011, Claude Jeanmart a réalisé une série de photomontages numériques sur palettes graphiques intitulés Récits inachevés. Présentés le plus souvent sous forme de polyptiques, ces travaux se construisent à partir de fragments de récits empruntés à Kafka qui permettent à l’artiste de développer tout un univers plastique entre rêve, fantasme et réalité. Témoignant d’un remarquable sens de la composition et de la mise en page, les Récits inachevés multiplient les personnages évoqués par Kafka, brouillent les échelles et les perspectives, proposent des décors oniriques dans lesquels copulent toutes sortes d’éléments plastiques (fragments de photographies, graphisme rappelant la bande dessinée, documents divers, objets énigmatiques) dont l’agencement provoque l’insolite et une réelle inquiétante étrangeté.

        « La Prison », « Le Grand cheval », « La Sirène », « L’heure du thé », « La Tombe ». L’atmosphère des Récits inachevés retrouve l’évidence poétique et le pouvoir évocateur des fragments du texte de Kafka dont ils sont issus. Prolongement ou écho, ils n’illustrent pas, mais donnent à voir autrement les images que l’écriture suscite en nous.
Claude Jeanmart fait sien l’argument de Daniel Sibony selon lequel Kafka fréquenterait une sorte d’entre-deux de la langue qui nous donne « la sensation d’une différence radicale entre nous et notre origine, entre l’origine perdue et la fin qui nous échappe ». Ses photomontages sans référence à un espace réel ou une temporalité définie ont l’évidence des énigmes qui se jouent de toute interprétation. Ils sont également la preuve que l’artiste conserve toute sa liberté de création et nourrit son propre univers plastique.

        Structurellement, le journal intime déploie son texte entre une origine perdue et une fin qui nous échappe. Composé de fragments, il représente par excellence le domaine de l’inachevé. En choisissant ici de feuilleter une fois de plus le Journal de Kafka (1910-1923), je souhaite offrir à Claude Jeanmart un motif qui peut-être l’inspirera pour de nouvelles oeuvres. Celui de ces jeunes filles qui aiment à s’inviter sans prévenir au fil des pages du journal de l’auteur du Procès. Portraits peints sur le vif ou objets de rêverie. Plus d’une cinquantaine d’occurrences à partir desquelles je compose ce florilège :

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