Les artistes et les expos

Garouste le Père-turbé

par Jean-Paul Gavard-Perret

Les artistes et les expos _ Daryl Zang : outrement voir ou le silence du corps féminin par Jean-Paul Gavard-Perret
www.zangstudios.com
mis en ligne le 18/04/2012

On peut appeler ce pari un geste de remise symbolique. Il replace ou plutôt déplace le je, l’image, le jeu. Soudain il n’existe plus de planche de salut mais une approche successive d’approximations qui demandent au spectateur une disponibilité et un relâchement de ses réflexes acquis. C’est pourquoi l’indifférence est impossible puisque l'artiste nous fait entrer dans un travail de reconstruction là où notre regard n’est plus ajusté à ce qu’il voit par rapport à ce qu’il a appris à voir dans le portrait féminin et le nu. Daryl Zang donne à contempler ce qui va au delà du “ réel dénudé ” dont parlait Minkovski. Il s’agit de le dépasser en se réappropriant des genres codés de manière personnelle et subjective.

Au sein même de la nudité et d’une certaine forme d’érotisme surgit quelque chose de plus profond : une vision "naïve" et sourde qui ne se limite plus à faire carburer le fantasme mais qui ouvre à une forme de mystique (plus que de rêverie)particulière et in time qui pourrait définir une essence non seulement féminine mais humaine. Le fondamental n’est plus le statut de l’image au sein de l’économie libidinale mais ce qu’elle remet en cause au niveau des sensations, des émotions et des associations qu’elle provoque. L’esthétique de Daryl Zang peut donc être qualifiée de chirurgicale. Elle coupe l'obscénité de l'exhibition purement charnelle. Et d’une certaine manière la nudité elle-même fait écran. La créatrice obtient ce que Marguerite Duras avait rêvé : « l’image où l’Autrefois rencontre le Maintenant, en une fulguration, pour former une constellation neuve ».

Daryl Zang réinvente le nu, le portrait, l’autoportrait afin d’en faire une activité de l’Imaginaire, mais d’un imaginaire particulier : celui qui repousse les images au lieu de les faire germer. Que sont alors les peintures sinon des circonstances et des expériences perceptives particulièrement rares puisqu’il s’agit à la fois d’expériences élémentaires au sens “ watsonien ” du terme (“ Bon sang, mais c’est, bien sûr ! ) et des expériences les plus complexes ? La créatrice en conséquence pose les problèmes fondamentaux du voir un nu. Renonçant au corps joué, s’éloignant parfois du visage - même si l’artiste avoue avoir du mal à se détacher de la figure - la peintre américaine entretient une relation double avec l’image puisque celle-ci représente du corps mais aussi sa métaphore en partant toujours d’une expérience traumatique (heureuse ou malheureuse), d’un témoignage direct et quotidien (vécu ou emprunté mais dans la mesure où elle peut le faire sien).

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