Dossier Pierre Marie Lejeune
Pierre Marie Lejeune ou le dévoilement d'un monde
par Jean-Luc Chalumeau

Que l'on me comprenne bien : PML est à l'évidence, d'une part, un artiste fondamentalement contemporain par ses formes neuves et par l'audace de ses procédés techniques incluant la lumière électrique. Mais il est aussi, d'autre part, l'héritier direct des grandes avant-gardes modernistes du début du XXe siècle qui abolirent toute idée de narration ou d'illusion pour ne plus offrir au regard que l'objet esthétique en soi.

C'est ainsi que la Console Omega (2008) n'est pas vraiment une console : cette pièce en acier recouvert de peinture epoxy gris dessinant le signe omega, fétiche de l'artiste, habité par un miroir-verre feuilleté éclaté illuminé par du courant électrique 220 volts, ne s'adresse ni à la volonté du spectateur pour l'avertir, ni à son intelligence pour l'instruire. Elle ne montre qu'elle-même, et n'évoque rien du réel, pas même ce qu'on appelle habituellement une console, sinon secondairement. Car elle ne prétend nullement imiter le réel : si elle s'en inspire, de ce réel, c'est pour se mesurer à lui et le refaire. En signifiant, l'objet esthétique signé Pierre Marie Lejeune n'est jamais au service du monde, mais au principe d'un monde qui lui est propre. Ce monde de l'objet esthétique, nous le nommons par celui de son auteur, soulignant de ce fait la présence d'un style, c'est-à-dire une manière singulière de traiter le sujet, de faire servir le sensible à une certaine qualité d'expression.

Nous comprenons peu à peu que le monde de PML est à l'évidence exprimé, non pas représenté. Il ne s'agit pas d'un monde d'objets clairement identifiables. Dans chacune de ses œuvres, ce monde est intérieur à l'objet : en même temps qu'il semble le proposer, l'objet esthétique s'exclut du réel et se convertit en sa propre substance, ne retenant du monde « réel » que son armature spatio-temporelle. Chaque œuvre se refuse à l'imitation, constitue une création originale et, de ce fait, peut être dite expressive car c'est un monde exprimé qui l'aimante. D'où peuvent bien venir des pièces étranges comme les Appuis (130, 2007 ou Bleu, 2008) ? Il nous est indiqué que la première structure d'acier patiné est associée à du bois et à 4 verres par où filtre une lumière électrique. Il nous est précisé que, dans la seconde, la lumière passe par trois diodes électroluminescentes bleues et trois verres « sur le dessus qui descendent sur le devant ». À ceux qui s'interrogent, l'artiste répond implicitement qu'il s'en remet à leur entendement pour ordonner les éléments proposés. Ces œuvres portent en elles le principe de leur unité, une unité qui est à la fois l'unité perçue de l'apparence (cette dernière est rigoureusement composée) et l'unité sensible d'un monde émané d'elle, où le « représenté » signifie lui-même cette totalité et se convertit en monde. Nous savons déjà d'où vient cette unité par laquelle l'exprimé prend figure de monde : il s'agit de la conscience de l'artiste, puisqu'il n'y a d'expression que d'une subjectivité. Nous identifions le monde de l'objet esthétique et le monde de l'auteur, de telle sorte que l'auteur tel que l'œuvre le révèle est bien le garant de ce que l'œuvre révèle.

mis en ligne le 12/07/2012
pages 1 / 2 / 3 / 4 / 5
< retour
suite >
 
action d'éclat
photographie art peinture