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DVD
DVD par Guillaume Boisdehoux
par Guillaume Boisdehoux
Frida,
film de Juliet Taymor _ DVD Miramax TF1 Vidéo

On ne peut pas tout savoir, même si on en crève d’envie ! Je ne connaissais pas ce film, j’ai reçu l’excellent « teaser » presse, et j’ai eu envie de le voir. J’ai reçu le film, le DVD du bonus, un CD de la bande originale et la biographie de Hayden Herrera (Le Livre de Poche 14573). Le meilleur dossier de presse que je connaisse à ce jour.

Résultat : j’ai regardé deux fois le film, autant les bonus, le disque est sur la stéréo pendant que j’écris ces lignes et le livre est avec les quelques livres de chevet qui ne me quittent pas. Et pourtant, je préfère la musique brésilienne à la mexicaine, la photographie à la peinture, et je n’avais pas aimé le film TITUS, de la même réalisatrice, Julie Taymor.

Pour ceux qui, avec moi, ne connaissent pas tout, Frida Kahlo fut la femme (une des femmes mais la plus importante) de Diego Rivera, cet immense peintre mexicain de la première moitié du XX e siècle. Elle fut aussi une artiste peintre dont l’oeuvre, aujourd’hui, est considérée comme très importante alors qu’elle n’eût de son vivant qu’une exposition importante dans son pays, peu de temps avant de mourir. Elle fut aussi une personne d’une liberté totale, aimant hommes et femmes, parvenant à exister en tant que personne, femme et peintre aux côtés d’un monstre tel que Rivera, rare à l’époque, politiquement engagée sans jamais le laisser avoir, un sacré personnage.

Le film est « gravé » en moi. L’actrice principale, Salma Hayek, qui a eu la très bonne idée de co-produire le film, est troublante de ressemblance avec la vraie Frida Kahlo. Sa beauté est extraordinaire, son jeu remarquable, même si les raccourcis nécessaires à la réalisation d’un film qui retrace une vie font paraître peu vraisemblable le rétablissement de l’héroïne après des mois d’immobilisation dans le plâtre. Mais c’est du cinéma, et c’est ce qui est beau. Alfred Molina devient Diego Rivera, et Ashley Judd est Tina Modotti, la merveilleuse photographe italienne dont le destin est proche de celui de Frida, son amant étant l’immense Weston. Ils vivaient tous alors à Mexico, et l’ambiance, à la fois politique et révolutionnaire de cette ville à l’époque est si riche ! On pense à la France de ces années, où Frida fait d’ailleurs un séjour, avec les surréalistes, Picasso, qui admirait Rivera, à la présence d’un idéal qui, s’il allait décevoir, était néanmoins le moteur d’une création inouïe. On est loin de l’inspiration Poitou – Charente et du sexagénaire bêlant avec sa guitare électrique, pas branchée heureusement, il ne sait pas en jouer !

Quand on voit ce Mexique et ce qu’il est devenu, une sorte d’immense banlieue de son tout puissant et prédateur voisin du Nord, un bidonville dont le parti principal s’appelle Parti Révolutionnaire Institutionnel (tout un programme), qui exporte quelques millions de travailleurs saisonniers par an dans les USA, pour les rapatrier ensuite et les faire travailler dans les usines des ces mêmes USA juste au sud du mur de la honte élevé par Clinton et agrandi par Bush !

J’ai en mémoire une conversation avec un ami au Brésil qui me disait : « la malédiction de l’Amérique Latine c’est les USA». Rien de plus vrai, rien de plus cruellement rappelé par ce film : là où les USA passent, la culture trépasse. Il ne reste rien de ce Mexique, les burgers et sodas brunâtres ont gagné. Comme lorsqu’ils ont réduit à l’état de folklore commercialement rentable les avatars de culture ramenés par leurs immigrants, ils ont tué ce qui aurait pu être le fertile métissage de réels talents Nord Américains avec des Latinos, comme on les appelle. Pensons à Weston et à son séjour au Mexique.

Connaissant Weston, j’ai retrouvé dans le film les visages des grands artistes de l’époque de ce bouillant Mexique : Jose Clemente Orozco, Victoria Marin, Guadalupe (Lupe) de Rivera, Diego de Rivera bien entendu devant une de ses fresques, et Tina Modotti, aimée, amante, modèle et inspiratrice de Weston. Si Weston n’a pas photographié Trotski, c’est qu’il l’a manqué de peu. Mais Frida ne l’a pas manqué. Elle l’a hébergé, alors que son amour pour Diego traversait une de ces crises « à la Mexicaine » et l’a aimé, ce vieux Léon, assez pour le laisser partir vers un autre refuge quand Mme Trotski s’est aperçu de la chose.

Et il y a le formidable, l’inoubliable combat de Frida contre la douleur. Son bus est écrasé par un tramway, elle est laissée pour presque morte. Entièrement bloquée dans un plâtre, elle peint, puis elle se relève, en boitant et va contraindre le déjà immense Rivera à descendre de son échafaudage pour qu’il voie ses toiles, en lui criant : « Panzon », un équivalent de « le gros »… Quel culot, quelle bonne femme, quelle artiste et quel film !

Les bonus sont bons, fouillés et riches, qu’on en juge : trois heures, dont un documentaire de 52 minutes sur la « vraie » Frida Kahlo, un entretien de 35 minutes avec Salma Hayek, la « fausse » Frida, qui devient, bien entendu, la vraie. Et cette musique, elle vous entre dans la peau pour ne plus en sortir, ensorcelante, rappelant les images si belles. L’opérateur, dans son entretien, souhaite qu’on ne fasse pas attention à la photo du film ! Désolé, cette photo est si belle que les « oh ! » fusent, c’est inévitable. Il y a ce mélange de peinture traditionnelle, avec les couleurs du Mexique, inimitables, le noir et blanc des photos de New York qui remplace avantageusement un tournage sur place, hors budget, l’évocation chamarrée du Paris des années 30 et de la sculpturale Joséphine Baker qu’aime Frida, des effets spéciaux très beaux qui donnent au spectateur la vision de la mort frôlée par Frida à l’hôpital, l’excellence du cadrage qui mêle peinture et cinéma.



La Panthère Rose
Coffret 5 films, Blake Edwards _ MGM Home Vidéo

En fouinant chez mon fournisseur habituel de livres, disques et DVD, pas celui que possède un milliardaire mégalomane, à la recherche d’une sortie de Mel Brooks, par exemple, je tombe sur le coffret de La Panthère Rose (The Pink Panther), du cher Blake Edwards avec l’inoubliable Peter Sellers. Sans même regarder le prix, je me précipitai vers la caisse, riant déjà. Avec ces films, que j’avais découverts alors que je vivais à New York, parce qu’en France ils ne furent pas un grand succès, me sont revenus quelques-uns des plus grands fous rires de ma vie.

J’aurais donné beaucoup plus pour ne voir qu’une ou deux scènes, dont celle où le Chief Inspector Clouzeau, voulant écraser une mouche qui survole un magnifique piano, détruit complètement celui-ci, ce qui vaut l’échange suivant (je traduis, c’est moins bon qu’en V.O. bien sûr !) : « Mais c’est un magnifique Steinway ! » « C’était ! » (But it’s a beautiful Steinway ! - Not anymore!) ». Le comique de Edwards et Sellers est inimitable, unique. Est-il universel ? Tous ceux qui y sont sensibles éclatent de rire dès le premier mot de la première réplique échangée. Je ne serais pas étonné qu’il existe des clubs de fans, avec des sites Horror Picture Show, déguisés comme les acteurs, doublant ceux-ci devant l’écran, apportant les costumes du film, les jets d’eau et le riz à lancer ! Le coffret est très beau, les bonus très intéressants, il manque, mais il est là, avec nous pour toujours, le cher, très cher ($ + £) ai-je cru comprendre, Peter Sellers.

P.S. : dans le souci, toujours rappelé avec grande fermeté à l’équipe de Verso Arts et Lettres par son directeur de la rédaction aux légendaires conférences de rédaction matutinales lors desquelles nous devons rester debout, et sur un seul pied, le gauche, de n’offrir que des informations vérifiées, afin de ne pas devoir rédiger des errata qui nécessiteraient le doublement de la périodicité de notre revue, je suis allé sur internet et ai tapé, avec le moteur de recherche Google, les mots « Pink Panther ». Il y a bien des fan clubs des films, des dessins animés de la bestiole dérivée du générique et de Peter Sellers, présenté comme le plus grand acteur comique de tous les temps, of course.



As the crow flies
Bô Gaultier de Kermoal _ Documentaire Bleu-Claire Productions

Appeler ce film un documentaire est presque un abus de langage. J’ai assisté à son unique projection parisienne, à l’Harlequin, il y a quelques mois et le DVD est paru, en supplément du très beau magazine Western. La diffusion en presse du DVD permet au film d’être vu par plus de personnes que quelques privilégiés. C’est là une des vocations de ce support.

Quant au film lui-même, de quoi s’agit-il ? Vous savez peut-être qu’il existe un parc d’abrutissement à l’Est de Paris, portant le nom d’un défunt créateur de dessins animés débilitants, par ailleurs chasseur de sorcières, ami d’un sénateur chef de bande fascisante, agent du FBI et de la CIA, et allié d’un des Présidents les plus pourris que les USA ont connu, Nixon. Dans ce parc à la vocation « déculturante » affichée, les spectacles sont nombreux et tous réalisés avec ce fameux professionnalisme de l’entertainment-business et dont la devise est : « plus c’est nul, mieux c’est fait ». Dans ces spectacles, il y a une vraie fausse attaque de diligence par les Indiens, qui ayant l’audace d’habiter sur place depuis des milliers d’années et de déranger les élites démocratiques (tendance Colt et / ou Winchester) qui débarquèrent au XVIII e siècle, furent prompte-
trer à des gosses suralimentés et en voie d’obésité, si ce n’est déjà fait, des VRAIS Indiens qui attaquent la diligence. « Qu’à cela ne tienne, Steve » (comme ils ne disent pas là-bas) ! Allons chercher des vrais Indiens, vivant entre la drogue et l’alcool dans des réserves (nom poétique pour camp ou zoo à humains) dans les fameuses « immenses - étendues - désertiques - dont - la - beauté - coupe - le - souffle - surtout - si - c’est - en - couleurs - comme - du - kodachrome - tu - vois - ce - que - je - veux - dire - coco ». Après un casting digne de Hollywood, on va en envoyer deux « travailler » à Paris. Bon, pas exactement Paris, c’est un ancien champ de betteraves assez loin dans l’Est de Paris. Et rien n’y rappelle qu’on est en France, même pas le VRAI château de la Belle au Bois Dormant qui, pas en carton lui, est en train de s’écrouler à une vingtaine de kilomètres.

Ce film est l’histoire de ces deux pauvres gars, qui abandonnent tout, dont femme et enfants pour l’un, pour faire le con sur un cheval dans un minable sous-cirque en plastique, pour un salaire de misère, sans protection sociale, mais c’est mieux que les subventions des réserves. À la projection, ils y étaient, les Indiens. Présent aussi était le « blanc » du parc d’abrutissement. Armé de toutes ses fausses dents blanches de manager propret, débile et sûr de son employeur, à défaut de l’être de lui-même, il cherchait à serrer autant de mains que possible, comme l’autre du VIII e arrondis-
sement qui nous offre le film « La Fracture Sociale II, le Retour », scénarisé cette fois par le Baron de Mes Deffes, en guise de politique. Je me détournai quand il vint vers moi, TRÈS ostensiblement. J’eus une petite discussion avec un des Indiens, celui qui était rentré aux USA. Il n’en pouvait plus de ce parc, de sa pourriture, de sa bonne conscience, il était écoeuré et voulait rentrer dans sa réserve. « C’est la merde, mais la mienne », me dit-il. Je le comprends.
J’ai félicité Bô pour la qualité du film, et surtout pour avoir fait croire à ces abrutis du parc que le film les mettait en valeur ! Retourner la force de l’autre contre lui ! Bravo. Je ne suis pas mécontent de n’avoir pas cité une seule fois le nom du parc en question.

Les coffrets “Collector”.

Comme d’autres « moyens de transmission de la culture », le DVD a sacrifié à la mode du « collector », la même galette de vent un disque de bonus séparé, un livret. Ces « collectors » sont quelquefois numérotés.

La Chevauchée Fantastique (Stagecoach) - John Ford
La Charge Héroïque (She Wore a Yellow Ribbon) - John Ford
Le Mouchard - John Ford
Top Hat - Fred Astaire / Ginger Rogers
La Féline / Vaudou / L’homme Léopard
Citizen Kane - Orson Welles
Le Seigneur des Amberson - Orson Welles
La Captive aux Yeux Clairs - Howard Hawks
L’Impossible Monsieur Bébé - Howard Hawks
Soupçons - Alfred Hitchcock
Nous avons gagné ce soir - Robert Wise
Montparnasse Vidéo (RKO)
(Édition Collector)

Dans le cas des films ci-dessus, tous publiés par Montparnasse Vidéo qui poursuit son travail de garde patrimonial, le coffret est presque un indispensable et humble hommage offert par l’éditeur au réalisateur de ces films mythiques ! On ne balance pas deux John Ford avec John Wayne dans des pochettes en plastique. On y met un beau livret, qui donne de très bons renseignements sur le film, le réalisateur, les acteurs, c’est bien fait.
Faut-il « critiquer » ces films ? non. Ce sont des classiques de haut niveau, représentant un cinéma. Les temps changent, c’est bien, mais ce qui semble éternel est le regard fasciné d’un enfant qui découvre le Western avec John Wayne! Avais-je le même regard au même âge? Probablement. Et peu importe si ces films ne font qu’aller dans le sens d’une révision historique, ils nous ont fait rêver, et ils feront peut-être, il faut le souhaiter, rêver les enfants d’aujourd’hui, s’ils ont la chance d’échapper un instant à Harry Potter, Pokemon ou autre connerie du genre quelques instants ! John Wayne, c’est « moins pire » que Digimon.

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mis en ligne le 16/11/2003
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