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Notre ami Gérald
Gérald Gassiot-Talabot ; Gérald Gassiot-Talabot ; Gérald Gassiot-Talabot
par Jean-Luc Chalumeau

Gérald Gassiot-Talabot est mort le 13 juin 2002, à l’âge de 73 ans, ayant accompli une double et brillante carrière. Editeur inventif (le concepteur du " Guide du routard ", c’est lui), critique d’art capable d’imprimer sa marque à l’Histoire (l’inventeur de la Figuration narrative, c’est lui), Gérald Gassiot-talabot fut co-fondateur d’OPUS International en 1967 pour continuer le combat qu’il menait depuis le début des années 60. Il s’agissait prioritairement de la défense de l’artiste engagé, qui devait préserver " le droit privilégié de regarder sans complaisance ce qui se fait sous ses yeux " (OPUS n° 3, octobre 1967). C’était écrit par Gérald à propos du fameux " Mural de La Havane ", après un voyage à Cuba, au moment où culminait le prestige de Fidel Castro et du Che parmi toutes les intelligentsia du monde. Mais Gérald discernait bien, déjà, les dangers de l’adhésion aveugle des artistes à tout mouvement politique, fût-il révolutionnaire : la fonction critique de l’art ne saurait rien épargner. Jamais il ne transigerait là-dessus.

Gérald Gassiot-Talabot ; Gérald Gassiot-Talabot ; Gérald Gassiot-TalabotLes combats esthétiques étaient rudes alors, et Gassiot-Talabot fut de ceux qui durent " organiser leurs actions jusqu’aux limites de la provocation. " Mais, écrivit-il plus tard, il y avait " l’état d’urgence, la nécessité de dire passionnément et fort ce qu’ils voulaient faire entendre à tout prix. "
Critique engagé menant la bataille à côté de ses frères les artistes engagés, Gérald fut ainsi le témoin, l’analyste et le révélateur d’une part importante de l’art de son temps, celle que les historiens de l’art appelleront désormais après lui la Figuration narrative.

Après quelques années, il prit du recul, acceptant même, au début des années 80, d’assumer des responsabilités au plus haut niveau de la hiérarchie administrative (il fut délégué-adjoint aux arts plastiques et inspecteur général de la création artistique au Ministère de la Culture). Ayant pris la direction d’OPUS en 1981, j’organisais des réunions de rédaction dans un restaurant proche de la Délégation, de manière à ce que Gérald, absorbé par des tâches quotidiennes écrasantes, ne perde pas contact avec la revue. Il venait avec plaisir prendre part à un travail qui ne correspondait cependant déjà plus à " l’action dans l’état d’urgence ", mais à une nouvelle phase historique qu’il avait appelée de ses vœux. Il encourageait en effet ceux qui plaçaient " sous la loupe ", selon ses mots, les " belles extravagances de l’engagement " et choisissent, trient et expliquent. Il créa pour sa part une chronique intitulée Odeur du temps, qu’il poursuivit régulièrement dans Verso lorsqu’il fallut prendre le relais d’OPUS, en 1996. C’est dans cette tribune que Gérald continuait à suivre l’actualité de l’art ces derniers temps, mais c’est là aussi qu’il montait de temps à autre au créneau, pour protester contre les falsifications de l’histoire dont il avait été l’acteur essentiel, falsifications et omissions commises par des auteurs de livres ou des commissaires d’expositions amnésiques ou carrément de mauvaise foi, qui avaient le don de rendre à Gérald la verve polémique de sa jeunesse.
Artistes, auteurs, critiques : nous sommes nombreux à beaucoup devoir à Gérald qui, sous des dehors réservés, cachait une grande générosité et attachait le plus grand prix à l’amitié et à la solidarité.
Verso a perdu un guide écouté et un irremplaçable ami. Verso saura rester fidèle à sa mémoire.
Jean-Luc Chalumeau
mis en ligne le 18/01/2003
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