Dossier Esther Ségal
( extrait de Rédemption de Satan )
par Esther Ségal

L’homme de poussière

mis en ligne le 26/01/2010
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Voix off de femme.

Un souffle. Qui court sur le sable. Avec l'ardeur du
repentir.
Un souffle sans corps, comme un désert d'errance.
C'est Judas.
L'exilé des enfers et du paradis. Sans Dieu.
Libre.
Il court dans l'absence, compagnon du néant.
Rumeur divine et diabolique.
Sans terre, sans ciel, ni abîme. Un souffle livré à la
poussière.

Judas   (en peine)

- Je suis la vérité aveugle.
L’écho des tourments divins.
L’humble serviteur à l’ingrate destinée.
Ombre de Dieu et de l’humanité.
Le sacrifié de l’histoire et le sauveur du messie.

Où est ma terre promise ?
Traître que je croyais être et trahi que je suis !
Rien ne m’attend, ni la gloire, ni l’oubli, juste
l’exil éternel.

Frère, frère, pourquoi m’avoir abandonné ? Moi, qui était ton disciple préféré. Tant de chemins avons-nous parcourus ensemble. Pour toi, j’ai porté le manteau de l’abomination comme tu me l’as demandé. Dans le jardin de cette nuit du destin, nous nous sommes embrassés et quitter dans un unique adieu. Et c’est là, tout ce qu’il me reste maintenant… juste le néant… pour tombe.
- Si les hommes savaient…

- Le secret qui s’ouvre en moi tel un abîme. La solitude de la question, A-t-il approché Dieu? Est-il revenu comme il l’avait promis? Nul ne pourra me le dire… Je suis condamné à la disparition, au silence, moi, l’homme aux deux profils, ayant fuis la lumière pour la révéler.
Tandis que Judas se parlait à lui-même…, des milliers de points culminants, mobiles, érectiles surgissaient tels des canons de fusils braqués sur une cible invisible, des lignes…blanches comme des faisceaux lumineux, fuyant dans le crépuscule un ennemi sans nom. Puis des couleurs, vibratiles, habillant les formes indistinctes d’un vêtement surnaturel et auratique. Enfin un rythme… comme une pulsation, une mesure infatigable scandant l’espace et emportant avec elle dans un mouvement créateur et fusionnel, les points, les lignes et les couleurs.

Ce qui n’était d’abord, au côté de Judas, qu’un désert d’errance et d’abandon se transformait en une masse humaine aveugle avançant telle une armée sans gloire dans les entrailles de la ville. Tous, s’agitaient dans ce grand intestin gris et se déversaient par des milliers d’orifices comme des rats quittant un navire en perdition. La faïence aux couleurs hépatiques captait le reflet de leur fuite. Ils passaient et repassaient, piétinaient, s’arrêtaient, tombaient à côté de Judas sans le voir, clapotis infatigable d’une pluie de chaussures s’échouant sur un fleuve de bitume. Ils étaient là… malheureux, curieux, amants, touristes, criminels, hommes d’affaires, violeurs, se mélangeant dans une bouillie anonyme et grotesque.

 
action d'éclat