Les artistes et les expos


Jean-Luc Verna & his drawing boys

par François de Gwalarn

Vous ne connaissez pas encore Jean Luc Verna ? Petite présentation arbitraire : né en 1966 à Nice, cet artiste complet couvre à peu près tout le répertoire des arts –danse, mise en scène chorégraphique, musique, cinéma, photographie, dessin, sculpture d’ici peu- et revendique des influences allant de la peinture et des mythes de la renaissance jusqu’à la culture punk et new-wave. Passons sur son corps bodybuildé, piercé, tatoué, travestit à maintes occasions, visage maquillé quotidiennement, véritables prémices de l’oeuvre annoncée.

Formulation de base : l’art et la vie de Verna se fondent pour ne former qu’un. Cliché ? Comment le dire autrement ? A la différence de maints artistes affirmés en une catégorie et s’essayant tour à tour à de différents médiums sans conviction, Verna transcende les multiples arts auxquels il s’essaie. La raison ? L’artiste reste intègre, entier, égal à lui-même, sans concessions.

Egal à lui-même aussi lorsque proposition faite d’exposer à l’espace GHP de Toulouse, loin de rêver d’une énième exposition monographique, il prend le risque d’inviter sept artistes émergeant afin de les réunir dans une exposition consacrée à son art premier : le dessin. Sept traitements différents du socle de base de tous les arts, dont l’instigateur est d’ailleurs professeur à la villa Arson de Nice.

Le terme de « dualité » résume en grande partie le travail de l’artiste. La première fois que j’ai découvert son travail, sans le connaître, sans appréhension, sans connaissances particulières de son oeuvre, j’ai été tout de suite séduit par quelque chose qui m’échappait. Un lien de causalité entre le fond et la forme, une dialectique entre la douceur du trait et la violence des thèmes, l’opposition d’un art résolument contemporain et de références aucunement dissimulées au baroque et au monde fantasmagorique. A cela s’ajoutait une quintessence des sens, sensibilité exacerbée, libre, non dissimulée, derrière laquelle on ne pouvait que sentir un artiste sinon bien dans sa peau, du moins assumant son oeuvre de part en part, sans faux-semblant, avec une vigueur nous rappelant que l’art est tout autant une affaire de «vie ou de mort » qu’un miroir reflétant les affres et indigences de l’âme humaine. L’exposition ne me laissa pas indifférent, me questionnant des nuits et des nuits entières sur cette filiation parfaite, raisonnée et entendue entre notre monde contemporain et les questionnements mystico religieux des siècles d’or passés. Verna, en concluais-je, est la preuve que technique (du dessin) et raisonnement (contemporain) peuvent cohabiter en bonne intelligence, loin des polémiques affublant l’art actuel, depuis de trop nombreuse années, soit de vide total concernant le fond, soit de graves lacunes concernant la forme.

« -Vous n’êtes pas un peu beaucoup maquillé- Non. », titre quasi exclusif de toutes ses expositions passées, résume le fond du travail de Verna : maquiller et embellir le visible pour nous confondre qui plus est dans les méandres de son univers impalpable. Une plongée dans les eaux radieuses de l’histoire de l’art, pour nous apprendre que notre époque contemporaine regorge elle aussi de joyaux d’esthétisme et de philosophie dont nous pourrions jouir, à la condition que l’on se donne les moyens de passer outre les simagrées dont elle s’affuble.

Pour cette exposition « Janet & the iceberg », nous retrouvons, entre autre Frederic Salaz, qui manie un dessin sans fioriture, aussi net, épuré et tranchant qu’il est critique vis-à-vis du monde de l’art contemporain et de ses attitudes, Loic le Pivert, présentant un extrait d’une série de dessins quotidiens, intitulés sobrement « La pratique de la procrastination », relayant une vision décalée de notre monde, entre faux semblant, manière d’être(-perçut) et réalité de notre solitude quotidienne, et Karim Ghelloussi, qui mêle esthétique baroque et interrogations actuelles sous la forme exclusive d’un dessin bicolore.

François de Gwalarn

Janet & the iceberg, Jean-Luc Verna invite Hippolyte Hentgen, Julien Tiberi, Frederic Sallaz, Jonathan Cejudo, Karim Ghelloussi et Loic Le Pivert
Espace GHP,
descente de la halle aux poissons, 31000 Toulouse
Jusqu’au 15 mai 2010

Les artistes et les expos : Jean-Luc Verna & his drawing boys par François de Gwalarn
Dessin triste,
2008, transfert sur papier rehaussé
de crayon de couleur,
48,9 x 33,9 cm

Les artistes et les expos : Jean-Luc Verna & his drawing boys par François de Gwalarn
Le loup à 9 queues,
transfert sur papier rehaussé
de crayon de couleur et de pierre noire,
56 x 41 cm
mis en ligne le 11/05/2010
 
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