Bonnes feuilles
Jean-Luc Chalumeau publie ces jours-ci un nouveau livre, Chefs-d’œuvre méconnus des musées de France (éditions du Chêne).
On cite beaucoup, en revanche, et l’on reproduit davantage encore, certaines peintures parce qu’elles sont signées par des grands noms, même si leurs qualités intrinsèques sont très discutables. Elles n’entrent pas dans notre sujet, et elles en sont même les parfaits contre-exemples : ne mentionnons pour mémoire que le malheureux grand tableau du Titien sur le thème de Tarquin et Lucrèce, au musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Non seulement il n’apparaît pas comme un bon tableau du maître Vénitien mais, ayant été détérioré, il a fait l’objet de repeints abusifs et de restaurations ratées qui justifieraient son enfouissement dans l’obscurité des réserves. Il n’en est rien, malheureusement, et c’est ce tableau qui est mis en valeur par l’accrochage (non loin d’un Rubens de série sans doute réalisé par des assistants), en vertu du seul prestige de la signature. Le but de ce livre est d’aider les visiteurs à passer outre ce genre de mise en scène et à se diriger vers deux ou trois véritables chefs-d’œuvre conformes à la définition rappelée ci-dessus, mais plus modestement signés Lavinia Fontana, Pierre de Cortone ou Giambattista Pittoni, lesquels, à eux seuls, justifieraient la visite du lieu, et qui cependant demeurent méconnus.

Notons enfin que, s’il est normal que les collections des musées de France soient riches en œuvres exécutées par des artistes français, ce n’est que par les événements de l’Histoire que s’explique l’importance relative, écrasante, de la peinture italienne. Elle a, en effet, été privilégiée par nos monarques depuis la Renaissance, et c’est principalement en Italie que les armées de la République comme celles de Napoléon sont venues ensuite se servir. Il n’en a pas été de même pour ce qui concerne les pays du Nord ou l’ Espagne, dont des œuvres représentatives manquent malgré les remarquables efforts des conservateurs pour combler certaines lacunes.

Voici donc, à partir des incomparables collections des musées de France, qui dans leur ensemble et pour ce qui concerne la peinture européenne, sont sans aucun doute les plus riches au monde, un livre de cent images accompagnées d’autant de commentaires. Ici, je ne résiste pas au plaisir d’ évoquer un souvenir d’enfance. Celui de l’inimitable voix de Sacha Guitry, chaque lundi et jeudi soir à la Radio-Diffusion Française, commentant ses « cent merveilles ». Je m’étais fait offrir le livret illustré (en noir et blanc) qui accompagnait les émissions. Je l’ai toujours. L’auteur l’introduisait en ces termes : « Il s’agirait de réunir en un livre idéal cent merveilles choisies avec discernement – toutes ravissantes à voir, diverses, inattendues, que nous pourrions feuilleter ensemble – et qui seraient de nature à évoquer des souvenirs, à raconter mille anecdotes, à ne médire de personne – en méditant sur bien des points. »

mis en ligne le 06/10/2010
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