Appréhender le travail de Maude Maris
à travers une galerie de 15 images.
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Dossier Maude Maris
Maude Maris, ou la question de la dissemblance
par Jean-Luc Chalumeau

Cette artiste hors normes se serait-elle installée dans la position de l’aveugle selon Descartes, qui touche les choses à l’aide de son bâton ? Les corps heurtés par ce bâton « n’envoient autre chose jusqu’à lui, sinon que, faisant mouvoir diversement son bâton selon les diverses qualités qui sont en eux, ils meuvent par même moyen les nerfs de sa main, et ensuite les endroits de son cerveau d’où viennent ces nerfs ; ce qui donne occasion à son âme de sentir tout autant de diverses qualités en ces corps, qu’il se trouve de variétés dans les mouvements qui sont causés par eux en son cerveau. » (Méditation II, chapitre VI) Une conséquence particulière de la métaphore de l’aveugle est que, ignorant du phénomène purement subjectif de la couleur, l’aveugle s’en trouve libéré pour atteindre à la vérité de la lumière. Regardez par exemple les Pyramides 1 et 2 , les Bateaux, la Rampe ou la Piscine : les nuances de bleu et de vert qui les habitent ne sont pas des couleurs (elles sont « suspectes » dit l’artiste) mais bien plutôt des modalités de la lumière qui a investi, non pas des représentations, mais de fascinantes allégories d’une idée, celle de la dissemblance.

En tout état de cause, Maude Maris, puisqu’elle n’est pas aveugle, n’a regardé les choses que comme des maquettes, de manière à avoir par rapport à elles le maximum de recul. Elle a engrangé ces maquettes dans un lieu caché de sa mémoire, à la manière des intellectuels de la Renaissance dont Daniel Arasse lui a fait découvrir les méthodes, et c’est à partir de ces matériaux qu’elle a travaillé. Sans jamais perdre de vue les Primitifs Italiens qui l’enchantent, elle a absorbé et dépassé les divers minimalismes de son temps pour aborder les rives d’un art qui en aurait fini avec l’obsession ancienne de la ressemblance, et qui donnerait toute sa place à la comparaison, autre manière de parler de la dissemblance et de s’approcher ainsi de l’énigme de la vision.

Jean-Luc Chalumeau

mis en ligne le 06/10/2010
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