Dossier Claude Jeanmart
Marc Sagaert s'entretient avec Claude Jeanmart : questionner l'humain
par Marc Sagaert et Claude Jeanmart
mis en ligne le 18/04/2012

Revenons à Kafka. Qu’est-ce qui vous séduit dans l’univers kafkaïen? L’absurde, l’étrange, le jeu des masques, ce que Musil appelait cette résonnance de petites infinités dans le vide, cette douceur amère non dénuée de poésie, qui peut être inquiétante et obscure et qui sait aussi se protéger du sourire au risque de l’effacer ?

Depuis mes années d’études à Paris, je suis très sensible au théâtre de l’absurde, que j’ai découvert avec Jarry et Ubu, avec Polanski et son premier film Deux hommes et une armoire, plus tard avec Kantor et La Classe Morte. Kafka a été une révélation tardive. C’est Gérard-Georges Lemaire qui me l’a fait connaître en me demandant un film, tiré de Description d’un Combat, pour une exposition. La découverte a été considérable : voilà un écrivain qui formulait ce que je ressentais souvent de la société humaine, un auteur tout à la fois redoutable de lucidité mais aussi tendre et fragile, parfois juge mais jamais bourreau. Ses textes ont un pouvoir d’évocation d’autant plus grand, que comme je le disais, ils ne sont jamais situés dans un lieu, ni à une époque : Une cage partie à la recherche d’un oiseau. Il m’a fallu un mois pour lire Le Château, tant j’avais besoin de sentir ce qui se passait, de prendre des notes, d’imaginer des images, et des récits. J’appréhendais le moment où le livre se terminerait. J’aurais voulu une histoire sans fin. Celle que propose Kafka est incroyable : le récit s’interrompt brusquement au milieu d’une phrase qu’allait prononcer la mère de Gerstäter. Fin brutale, comme l’arrêt de la vie.

Dans l’exposition organisée à la galerie Gilles Naudin en novembre et décembre 2011, vous avez présenté 14 polyptyques consacrés à de très courts textes écrits par Kafka, dans différents cahiers, issus de la prise de note de rêves, ou de fragments d’idées, destinés à être incorporés et développés dans des textes plus importants. Nous avons eu l’occasion d’en rendre compte dans Les Lettres Françaises et dans la revue mexicaine d’art contemporain Fahrenheit°. Kafka est à nouveau au cœur de votre travail, dans l’exposition que vous présentez en collaboration avec l’artiste catalan Jordi Cerda, depuis le 2 février dernier à l’Espais Bétulia à Badalon, près de Barcelone. Pouvez-vous nous dire comment est née cette coopération et de quelle manière ce Parallélisme vient enrichir votre travail ?

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