Monographie
LE MAÎTRE ET LA MARGUERITE ET LE TRANSPORT
       ARTISTIQUE DE LA TULIPE
              (Autant en emporte le vent...)
par Gérard-Georges Lemaire
mis en ligne le 18/04/2012

pages    1 / 2 / 3 / 4 / 5 / 6 / 7 / 8 / 9

              Son histoire prend un tour nouveau quand Lucrezia De Domizio Durini lui propose de décorer l’une des chambres du petit hôtel qui a été inauguré depuis peu sur l’île de la Certosa, au beau milieu de la lagune vénitienne. La question ne s’avère pas tout à fait facile car les chambres ne sont pas immenses et que les contraintes sont nombreuses. L’idée de ces « œuvres de chambre » a évolué considérablement puisqu’elle est partie de visages découpés placés dans une certaine perspective pour arriver à celui d’efflorescence.
              Ce fut alors que Youngju Oh s’est en effet employée à former des pétales, retirer couche près couche de cette argile qui exige d’elle de travailler ses courbes dans un sens bien précis. C’est une procédure lente et délicate, mais qui n’est pas dépourvue de sensualité. A ses yeux, il ne s’agissait pas à proprement parler de pétales, mais de fragments emportés par le vent et qui étaient tombés avec lenteur, avec douceur, sans le moindre bruit sur le sol et y avaient instauré une situation esthétique d’une rare intensité. Ces fragments étaient à l’origine blanc et jaune. Puis elle en fit bordés d’or et, enfin, complètement dorés.
              L’or a pris chez elle une importance cruciale. Elle a songé alors à son caractère mystérieux et mythique, qui est un miracle de la nature – un miracle qui possède la faculté de la transcender. Elle a songé aussi aux vêtements d’apparat de la famille royale de Corée, faits de fils d’or et rouges.
              Chacun de ces fragments, qu’il fût d’or ou non, lui faisait songer à un accouchement. Ils étaient bien plus que des objets : des êtres vivants qui venaient au jour après une pérégrination hasardeuse, portés par les éléments et apparaissant soudain en un lieu d’élection où ils manifestaient leur essence unique. En les créant, elle avait aussi pensé aux feuilles mortes qu’on balayait à l’automne et qu’on ramassait pour les empiler dans de grand sacs noirs.
              En somme, plusieurs références se sont enchaînées et enchevêtrées dans la conception de ces œuvres en céramique peinte. A cet enchaînement de sens qui s’est noué dans l’âme et le cœur de la créatrice, viennent s’ajouter toute la symbolique qui s’est attachée au cours des siècles passés à cette fleur si commune.

suite >
< retour
 
action d'éclat