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Chroniques des lettres
Chronique de l’an VII(1)
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Vert Paradis,
Max Rouquette, Anatolia
Éditions du Rocher.
Samuel Brussels est un éditeur surprenant. Il a fait de sa petite maison d’édition une précieuse bibliothèque pour grands amateurs de littérature. Son cosmopolitisme est réjouissant quand on observe l’égotisme qui règne à Paris. J’ai donc été surpris quand j’ai ouvert le livre traduit de l’occitan de Max Rouquette, Vert paradis. Il avait déjà publié plusieurs ouvrage du même auteur, disparu en 2003. Cela m’avait échappé. Nous voilà dans la pure ligne de Raboliot, dans du Giono sacralisant la terre et dans toute la mythologie de la grande culture campagnarde qui revient cette fois sous une forme " politiquement correcte". Ce livre est une sorte de grand répertoire des beautés de notre Midi (cévenol et camarguais), presque un musée avec emphase et lyrisme et une pointe de mysticisme. A mesure que je lisais, j’étais envahi par une sorte d’angoisse : derrière le ton bonhomme hérité des Lettres de mon moulin se cache une sacralisation de ce coin d’Occitanie qui ne semble pas avoir changé depuis mille ans : on n’y voit que des peupliers, des oiseaux, de vieilles gens et des ânes. Très vite cette atmosphère de veillée une fois que le chant des cigales s’est tu m’a indisposé. Van Gogh, lui, quand il a peint les environs d’Arles n’a pas oublié d’en représenter les premiers signes d’industrialisation…
Tu me fais mal avec ton coude,
Stéphan Lévy-Kuentz,
Éditions du Rocher.


Un titre frappant (Tu me fais mal avec ton coude) et une couverture amusante (une secrétaire délurée les jambes croisée de manière provocante) : la fiction de Stéphan Lévy-Kuentz ne peut qu’aiguiser la curiosité. Elle relate l’histoire de l’épouse d’un homme dont on ne sait presque rien sinon qu’il professe un fascisme virulent. Cette Ida Karloff observe cette femme qui vit avec cet individu tout à fait normal (c’est d’ailleurs la raison de sa névrose profonde) et, à travers ce regard indiscret, elle observe ce couple et donc cette relation bizarre d’où émerge peu à peu une nouvelle idée de la féminité. C’est un livre original et dérangeant qui fait remonter à la surface ce microcosme très trouble qui reflète et peut-être même anticipe le macrocosme politique d’une monde qui essaye d’oublier ses vieux démons tout en en créant de nouveaux.
La Scène primitive,
Charles Dobzynski, "Clepsydre",
La Différence.

Les Jours,
Serge Delaive, "Clepsydre",
La Différence.

Les Paludiques,
Mourad Djebel, "Clepsydre",
La Différence.

Figure rose,
Emmanuel Moses, " Poésie",
Flammarion.


La poésie d’expression française ? Elle se porte bien, merci. Sans doute éprouve-t-elle un peu de difficultés à trouver sa place entre la philosophie et une forme cachée de religion. Et elle s’interroge sans cesse sur elle, devenant toujours plus son propre sujet. C’est ce qu’on constate chez Charles Dobzinski : " Je ne sens rien crever de moi dans votre écriture/Je suis la page blanche et l’encre reste en vous. " D’aucuns comme Serge Delaive ne peuvent que constater sa décadence : " Désolé les amis mais elle est morte/la poésie depuis des lustres ". Cet auteur se gorge de nostalgie et se réfugie dans sa tour d’ivoire : " Je m’enterre dans le poème/Je fuis les éditeurs…" Jamais on a été aussi prolixe sur la fin d’un genre qui ne s’est jamais aussi bien porté dans l’édition ! Beaucoup plus baroque, associant le rêve et la vision de paysages intérieurs, Mourad Djebel, dans Les Paludiques, représente l’écriture poétique comme une belle et tragique illusion : " J’ai tra-vesti l’aphonie/En promesse de berceuses/ La mémoire en germoir/L’encre en alcool…" Bref, la mythologie du poétique remplace chez la majeure partie de nos écrivains la poésie proprement dite. Au milieu de toutes ces voix, celle d’Emmanuel Moses a-t-elle quelque chose de neuf à faire entendre ? Il associe des métaphores extrême-orientale (sans parodie les maître chinois ou japonais, Dieu soit loué) et l’esprit des fables (il en imite le ton et le caractère narratif). Le plus souvent il part d’un incident que la vie quotidienne lui propose et il le narre à sa manière. C’est parfois émouvant et parfois intense. C’est une voix.
Bourlinguer
Sicile,
Dominique Fernandez, Ferrante
Ferranti, Imprimerie nationale.


On se dispenserait parfois de la prose lyrique de Dominique Fernandez qui nous assène par exemple des phrases de ce genre : " Deux mille huit cents ans de beauté ininterrompue, de dures épreuves, de souffrances de catastrophes constituent un réservoir inépuisable d’émotions, de transes, d’extases constamment renouvelées." Au-delà de ce kitsch stylistique si cher à l’auteur, il faut reconnaître que cet album dédié à la Sicile est magnifiquement réalisé. Les photographies de Ferrante Ferranti nous font découvrir toutes les beautés de la Sicile arabo-normande ou de la Sicile baroque. Il y aurait eu bien sûr une manière plus subtile et plus profonde de représenter Palerme : je regrette par exemple que les architecture de Basile soit totalement absentes de cet ouvrage. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas bouder son plaisir et partir à la découverte de cette grande île avec jubilation.
Paris dans la littérature française après 1945,
Marie-Claire, Bancquart, " Les Essais",
Éditions de la Différence.


Marie-Claire Bancquart a écrit une très belle étude sur le Paris de l’après guerre. Le Paris qu’elle révèle est celui de Jacques Roubaud et de Jacques Réda, de Michel Butor et Claude Simon, de Jacques Prévert et d’Henri Calet. Nous sommes bien sûr dans un bien autre univers de celui des promenades de Breton, de Louis Aragon et de Philippe Soupault. Mais son travail permet de comprendre comment l’image de Paris s’est transformée dans la littérature à mesure qu’elle de transformait dans sa réalité urbaine. Voilà un livre qui mérite qu’on s’y arrête.
Marseille l’insolite,
M.F.K. Fisher, tr. Béatrice Vierne,
Anatolia/Éditions du Rocher.


Marseille, sous la plume de M.F.K. Fisher prend un relief et une saveur très particulière. Ce n’est pas un guide que l’écrivain américain nous propose, mais une vision de l’intérieur, en somme, son expérience propre de cette ville qu’il a connu à différents moments de sa vie depuis l’année 1929. Il tente de mettre en relief ce que la rend unique, inestimable, si singulière au-delà des apparences et surtout des clichés et des préjugés qui pèsent sur elle depuis si longtemps. Ce livre est une sorte de roman consacrée à ce grand port de la Méditerranée dont on ressort avec l’impression de la connaître sous le bout des doigts, comme si on y avait vécu de très longues années… Une vraie gageure!

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mis en ligne le 21/03/2007
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