Les artistes et les expos

Valérie Pavia :
fantômes que fantômes ou les miroirs secrets

par Jean-Paul Gavard-Perret

Le bleu devient le moyen de libérer la vidéo de ses standards d’expression primaire « réaliste » pour parvenir à une vraie communication à travers sa « matière ». N’oublions pas en effet que selon Baudelaire « l’action est la soeur du rêve ». Chez Valérie Pavia les deux se joignent et font des émotions la seule source valable pour la connaissance des vérités universelles. La tâche de l'artiste revient donc à transcrire ses expériences internes par une vidéographie sismographique. Elle permet même dans la monochromie toute une possibilité de jeux de lumière qui provoquent l'ouverture de forces souterraines. Se discerne une forme de « syncrétisme » contre une explication rationnelle, scientifique du monde. Le bleu en ses correspondances mystiques et sensuelles donne une harmonie plus profonde à la vision du monde. Nous sommes en présence d'un paradoxe. A travers lui et même lorsque l’artiste n’est pas l’actrice de ses propres films elle demeure omniprésente. Chaque vidéo devient l’"interface" entre elle-même et l'autre dans un échange de forces aussi aquatiques qu’aériennes.

mis en ligne le 26/01/2010
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Quitter l’autoportrait purement narratif et descriptif permet à Valérie Pavia de se mesurer au réel comme au rêve. On ne sait s'il existe une vidéo « féminine » mais celle de l’artiste garde des accents sensoriels qui n'appartiennent qu'à elle. Le bleu fait de son visage un spectacle étrange qui abrite des morceaux d’angoisse et de douceur. Emanant de la pénombre féminine il porte jusqu’à la transparence une épaisseur de mémoire et peut-être la nostalgie de l’Un. L’autoportrait devient une opération d’amour. Mais elle n’a rien de narcissique. Le rapport qu’entretient l’artiste avec le bleu reste en conséquence un rapport à elle-même et au passé. S’agit-il d’une sorte de nostalgie d'un ordre spirituel dont l'essence serait de rester inaccessible ou en tout cas inaccompli ? On peut aussi faire l'hypothèse qu’une telle quête peut se comprendre comme un mouvement de retour par le bleu vers la mère et son règne. On pourrait alors appeler ce bleu « outre mère »…

Les vidéos de Valérie Pavia laissent les spectateurs démunis en proie à une angoisse comme à une sérénité. Elles possèdent la valeur d'un acte de foi existentiel. La mère, parce qu'elle est un éternel passé, n’en constitue plus pour autant un éternel présent parfaitement clos, sans échappatoire possible. L’artiste ne cesse d’ouvrir. Elle réabsorbe le monde en une féminité élémentaire et une sensualité extrême liées à l’aspiration mystique. Son bleu devient obscur ouvert, clarté d’ « archi-mer » à partir de laquelle toutes les voies d'accès conduisent au sanctuaire de la maternité en une sorte d'union spirituelle et incarnée, aussi rêvée que réelle comme le suggère entre autre « Il était ». Il convient donc de parcourir les plans de cette vidéo. Ils nous font passer sans qu’on s’en aperçoive du paroxysme à l’abîme, de l’abîme au paroxysme. La femme isolée dans le plan., parfois comme étonnée d’être là, possède soudain un pouvoir de hantise. Hantise de l'air, ses coloris, ses matières, ses lignes, sa diaphanéité.

Chaque vidéo est un Instant où le monde en un point singulier se cherche et se concentre. C’est aussi un instant de la pensée où l’inconscient se concentre pour percer sa peau fuyante. Quel est ce corps que l’artiste présente sinon un lieu ? Seulement un lieu. On va à sa dérive, on se laisse porter. Nous glissons dans la pâte bleue du temps. Abîme de la voix. Ses irruptions, ses pointes. Une masse, une légèreté. Hors sidération pelliculaire. Ou dedans. Là où on cherche encore à dévisager non « le » mais « du » visage. Celui d’une jeune femme, celui de la féminité là où des vies se mêlent. Mais demeurent invisibles et secrètes. Là où la lumière jaillit de la matière pour une évidence cachée. Elle recèle autant d’obscur que le noyau premier qui contenait le monde. Présence irradiante. Nous qui ne sommes rien nous avons au moins ces lieux. Reste à savoir ce qu’ils disent de nous et ce qu’ils guérissent. Toujours il faut revenir à leur fluidité, leur richesse, leur pauvreté.

IV
V
VI
 
action d'éclat
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