Les artistes et les expos

Samuel Rousseau ou la vie rêvée des choses
(Vidéos pas gags)

par Jean Paul Gavard Perret

Après s’être enseigné à lui-même son propre langage vidéographique, le créateur en connaît suffisamment la technologie pour faire les choses de façon indépendante et de plus en plus personnelle. Il veut parvenir au moment où la caméra est sa main, son esprit et où les choses pour créer cette chose qui existe en dehors de soi la vidéo crée divers types d’interférences plus que d’interfaces. Comme par exemple des puces lumineuses qui tournent sur l'écran dans une de ses vidéos. Les images donnent l'impression qu'on est à l'intérieur, plutôt qu'à l'extérieur au sein d’une étrange narration. C'est presque de la composition pour rétine, pour oeil, où on sait, pour presque chaque image, où l'oeil se posera. C'est là le sens de ces images et ce mode de structuration fait partie du système nerveux central. Le narratif a quasiment ici une origine biologique. L’artiste cherche à s’en approcher. Cependant cette approche n’est pas systématique. Au travers sa « Constellation des Baisers » (2008), il explore le plaisir humain, son expression numérique et le ressenti poétique qu'il peut engendrer. Des milliers de baisers volent, grâce au jeu des projecteurs et des miroirs. Ils engagent le spectateur à la participation. Le « Festin des Délices »(2006) ou certains de ses « Papiers -Peints Vidéo » sont d'autres variations sur un autre type de participation. Quant à ses « Montagnes d'incertitude » (2007) et son installation « Sans titre » (l'Arbre et son ombre) (2008), elles nous ramènent au cycle immuable de la nature, du yin et du yang qui renaît grâce au virtuel.

Rousseau rend l'art numérique chaleureux, fertile, rassurant. Il cherche à toucher des choses universelles, des éléments fondamentaux que l’on peut partager. Cette approche guide sa réflexion sur les mass media afin d’entrer en contact avec ce que nous avons tous en commun. Chaque œuvre est comme un montage. Chaque plan succède à l'autre, mais il faut des semaines pour que l'ensemble soit complet. Et Samuel Rousseau crée des sortes de micro série. Dans les ruptures qui les segmentent demeure toujours un continuum lié à une notion de dépassement. En ce processus de création il ne s'agit pas de faire quelque chose de neuf, mais de formuler à nouveau quelque chose d'ancien. On peut nommer cela pourrait la découverte comme reconnaissance avec une prise en compte de la durée. Et ce parce que la pensée est fonction du temps dans un montage. En cela l’ordinateur est un outil précieux mais il n’est pas le seul outil. L’artiste réduit souvent la technologie car il sait que les moyens les plus avancés ne suffisent pas de manière intrinsèque. Et il faut un champ ou un fond avant que l'ordinateur puisse faire quoi que ce soit.

Le vidéaste sait que le domaine de l'image par ordinateur est fascinant et qu’il finira par remplacer ce qu'on appelle les images cinématographiques. Espère-t-il pour autant ce que Bill Viola nomme « la fin du caméral » ? Pas sûr. Pour Rousseau la lumière (comme le réel) est un préalable nécessaire à toutes les images. Et le fait que nous soyons capables de fabriquer des images complexes, réalistes, sans compter sur la lumière ferait tomber dans le domaine de l'espace conceptuel qui n’est pas entièrement celui que recherche l’artiste. Il a évidemment compris que la véritable nature de notre rapport au réel ne réside pas dans l'impression visuelle mais dans les modèles formalisés des objets et de l'espace que le cerveau crée à partir de sensations visuelles. Néanmoins pour le vidéaste les objectifs ne peuvent se réduire à des algorithmes, à des équations. Que par exemple un grand angulaire devient une certaine équation, que l'on tape sur le clavier et que le tour soit joué ne suffit pas. Le retour au réel par delà les effets de synthèse comme à l’inverse ceux de réalité restent importants. Ils représentent souvent la matière première, le point de départ de sa poétique même si ce réel est trait de la manière la plus épurée. Dans « L'Arbre » un arbre mort se dresse dans une galerie d’exposition. Sur le mur derrière lui une projection vidéo recrée son ombre virtuelle, retraçant en boucle le cycle saisonnier de croissance, d'expansion et de chute du feuillage.

Les artistes et les expos : Samuel Rousseau ou la vie rêvée des choses (Vidéos pas gags) par Jean Paul Gavard Perret
Samuel Rousseau.
Du 10 juillet 007 au 7 novembre 2010,
Fondation Salomon, Alex.
mis en ligne le 11/05/2010
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