Monographie
Gregory Forstner, du rififi dans la galerie
par Sophie Braganti

Je cherche une sensation particulière. Au fond, la peinture ne m’intéresse pas, mais c’est un moyen pour accéder à une pensée, à une sensation, encore faut-il que le peintre soit suffisamment attentif. J’ai fait en même temps que la série des Happy Fisherman, des portraits de noirs en prenant le chemin inverse : je suis parti de stéréotypes représentant le noir par les blancs et j’ai essayé d’en extraire un archétype magnifique. Ce sont potentiellement mes camarades de natation ou de gym du YMCA, à côté de chez moi, ainsi que mes souvenirs d’enfance au Cameroun, partenaires de moments heureux. Série que j’intitule : « Variation pour un nouvel archétype Américain » .
Se référant à Baudelaire et à son texte De l’essence du rire et généralement du comique dans les arts plastiques (1), Gregory Forstner donne un ricochet de plus à ce fameux passage qui nous parle du rire de Melmoth: » Il est sorti des conditions fondamentales de la vie ; ses organes ne supportent plus sa pensée. C’est pourquoi ce rire glace et tord les entrailles. C’est un rire qui ne dort jamais, comme une maladie qui va toujours son chemin et exécute un ordre providentiel. Et ainsi le rire de Melmoth, qui est l’expression la plus haute de l’orgueil, accomplit perpétuellement sa fonction, en déchirant et en brûlant les lèvres du rieur irrémissible ». Et le chapitre suivant : « Le rire est satanique, il est donc profondément humain. Il est dans l’homme la conséquence de l’idée de sa supériorité ; et, en effet, comme le rire est essentiellement humain, il est essentiellement contradictoire, c’est-à-dire qu’il est à la fois signe d’une grandeur infinie, et d’une misère infinie… Comme le comique est signe de supériorité ou de croyance à sa propre supériorité, il est naturel de croire qu’avant qu’elles aient atteint la purification promise par les prophètes mystiques, les nations verront s’augmenter en elles les motifs de comique à mesure que s’accroîtra leur supériorité ».
Sa peinture endiablée, on le voit, ne tient pas dans les tiroirs ou entre deux étagères à côté de la bibliothèque, à deux pas de la cheminée. Le spectacle fait trop de bruit. Tombent les masques. Horreurs, malfrats et monstruosités de foire à tous les étages. Comme si les carnavals du XXI ième siècle ne remplissaient plus leur fonction de catharsis. Et s’il n’y avait plus de place pour nos fantasmes et nos maladresses ? Où allons-nous les projeter ? Où laisser crier les enfants puisque les cours et les rues n’en veulent plus ? Alors la peinture sort son fou. Joker ou échec et mat ?
Enfin, comme « La peinture est la maladresse d'une vie dont on a trop conscience » (2), alors, on comprend, un saut en parachute de 4000 mètres, dont 2500 de chute libre, à 200 km/h de vitesse de descente ne pouvait être que magnifique. Voilà ce qu’il raconte.
Peindre comme sauter en parachute.

(1) Charles Baudelaire, Ecrits sur l’art, le livre de poche, classique.
(2) Les citations de G.Forstner sont extraites d’une correspondance électronique.

Gregory Forstner est né au Cameroun en 1975, étudie à la Hochschule für Angewandte Kunst à Vienne, (Autriche) et à la Villa Arson à Nice. Il vit à Brooklyn depuis 3 ans, après avoir été Lauréat de la bourse de Culturesfrance-Triangle arts association en 2008.
Gregory Forstner est représenté par la galerie Zink à Berlin et à Munich.

mis en ligne le 14/01/2011
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action d'éclat

Sites :
www.documentsdartistes.org/artistes/forstner/repro.html
www.gregoryforstner.de/gregoryforstner/
www.galeriezink.de

Expositions collectives:
-"La belle peinture est derrière nous", du 1er Février au 15 Mars 2011, à Ankara au Cagdas Merkesi - Exposition organisée par l'Institut Français de Turquie.
-« Des Paysages des Figures », au Château de Saint-Ouen, du 17 Janvier au 27 Mars 2011.
- Des limites de ma pensée, galerie 9t9 à Bruxelles, printemps 2011
- The Armory Show, New York, galerie Zink (Berlin), Mars 2011
-Le Salon du dessin contemporain, Paris, galerie Zink (Berlin), Mars 2011