Dossier Biennale de Venise 2011

Déceptions et découvertes sur la Lagune

par Jean-Luc Chalumeau

mis en ligne le 01/09/2011

Autant la prestation de Mélanie Smith était invisible, autant l’annonce de l’exposition de Julian Schnabel était fracassante. Impossible de passer sur la place Saint Marc sans être écrasé par la gigantesque banderole recouvrant la façade du musée Correr. On sait que ce palais présente de prestigieux hommages, ni tout à fait « in » ni vraiment « off » biennale, à des artistes consacrés genre Claes Oldenburg (qui eut naguère son tour ici). Schnabel, donc, excellent auteur de films dont le plus remarquable reste Le scaphandre et le papillon, et médiocre peintre dit post-moderne autrefois soutenu par Charles Saatchi, serait en train de faire retour après quelques années de relative discrétion dont témoigne le déclin de sa cote en ventes publiques telle que relevée par Artprice. La firme allemande Maybach finance l’exposition. C’est elle qui fabriqua les moteurs des redoutables chars du IIIe Reich et qui construit aujourd’hui des voitures à un million de dollars l’unité, dont raffolent les rappeurs américains au premier rang desquels Rick Ross « The Boss ». Le curateur est Sir Norman Rosenthal, ancien co-auteur avec Charles Saatchi de l’exposition Sensation à Londres et New York en 1997 (c’est notamment là que Chris Ofili présenta sa Sainte Vierge Marie en bouses d’éléphant).
Le marchand intéressé par l’opération est Larry Gagosian, propriétaire d’une bonne partie des œuvres présentées. Quid de ces dernières ? Quant je vois The Swan and the Ugly Duckling de 2010 (prêté par Gagosian) ou la gigantesque Palestine Map de 2011 (prêtée par Gagosian), je pense irrésistiblement au conseil de Matisse : « Si vous savez peindre, peignez. Si vous ne savez pas peindre, faites grand ».
Julian Schnabel fait désespérément grand, sale, bâclé. Il n’a pas changé depuis les épouvantables huiles sur velours marron foncé du début des années 80 (il y en a un exemple au musée Correr).
Permanently becoming and the architecture of seeing est un parfait exemple des expositions prétentieuses et nulles qui autorisent certaines plumes à décrire l’art dit contemporain comme une vaste imposture. Heureusement qu’il n’y a pas que Schnabel à voir à Venise jusqu’au 27 novembre. Christian Boltanski, par exemple, a fort bien réussi son installation du pavillon français (mais il est vrai que lui-même affirme n’être pas un « artiste contemporain »). C’est une consolation, car, on l’aura compris, l’ensemble de la biennale est très loin de révéler « un art qui apporte une connaissance intuitive, une pensée éclairante sur le monde » comme l’a imprudemment déclaré Bice Curiger. Rendez-vous dans deux ans sur la lagune, dans l’espoir d’y découvrir enfin une pensée éclairante sur notre pauvre monde.

Jean-Luc Chalumeau

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