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[verso-hebdo]
18-12-2014
La chronique
de Pierre Corcos
Un art naïf ?
Dès qu'on évoque Haïti devant quelqu'un, il y a de fortes chances pour qu'il pense tout de suite et en vrac aux Antilles, au soleil et à la pauvreté, à la langue créole, au culte vaudou, à la dictature des Duvalier (« papa doc » et « bébé doc »), enfin à ce tremblement de terre qui fit plus de trois cents mille mort il y a quatre ans... En matière de peinture, il y a d'aussi fortes chances que les rutilants « naïfs haïtiens » éclairent immédiatement l'esprit de l'interlocuteur. Et il est vrai qu'il y a une cinquantaine d'années, ces tableaux figuratifs aux couleurs vives et en aplat, grouillant de détails et de vie, passionnaient maints collectionneurs, excitaient le marché de l'art. D'autant plus que le pape André Breton (suivi par Malraux) avait, peu auparavant, béni cet art : « la peinture haïtienne boira le sang du phénix et, des épaules de Dessalines, ventilera le monde ». Amen ! Dessalines, cette ville d'Haïti, devenait ainsi, comme la gare de Perpignan pour Dali, le centre du monde...

Le but de l'exposition « Haïti : deux siècles de création artistique », qui se tient à la galerie sud-est du Grand Palais jusqu'au 15 février, est au moins double : retrouver cette ferveur justifiée pour l'art haïtien, mais aussi rappeler que pas mal de temps s'est écoulé (70 ans exactement !) depuis que le professeur américain Dewitt Peters créait à Port-au-Prince son école d'art et de peinture accueillant tous ces autodidactes « naïfs » inspirés... S'extraire donc des stéréotypes obsolètes, d'autant plus que cet art naïf haïtien est devenu, pour une bonne part, production artisanale de masse pour touristes américains. D'autant plus également que la culture et l'art contemporain s'avèrent un enjeu de taille, aujourd'hui, pour sortir le pays de son marasme, et enfin qu'une diaspora haïtienne d'artistes notables s'est installée au Canada, aux Etats-Unis, en France bien sûr, et ailleurs... Par exemple, ceux qui aiment le courant dit de la « figuration narrative », ou apprécient les recherches dans la zone intermédiaire figuratif/abstrait, ou encore l'insertion de l'écriture dans l'image, penseront à Hervé Télémaque, ce peintre français d'origine haïtienne, bien connu, et largement représenté dans cette exposition. Télémaque se trouve ici, en plus, mis en confrontation avec Basquiat : ce qui est très intéressant au niveau d'un traitement plastique différencié des signes culturels...
Voilà donc une étonnante exposition nous montrant, sans ordre chronologique ni analyses esthétiques individualisées, soixante artistes dans une ambiance de capharnaüm, due sans doute à l'entassement des quelques cent soixante-dix oeuvres - dont certaines fort imposantes - dans un espace aussi restreint. Mais les deux commissaires d'exposition, Mireille Perodin-Jérôme et Régine Cusin, ont revendiqué le « rhizomique ». Alors... Quatre grand pôles thématiques furent certes prévus, avec commentaires en français, anglais et créole (langue savoureuse, et drôle pour nous par son orthographe), mais le « rhizomique » l'emporte, et d'ailleurs il converge avec l'aspect composite de maintes oeuvres.

Bien plus que certaines propositions plastiques, déjà trop empreintes des « tics » de l'art contemporain et qui n'ont plus rien de spécifiques, ce que retiendra sans doute le visiteur dans toute cette créativité, hautement expressive et diaprée, c'est un mixte bizarre de religiosité vaudou, d' « art premier » et de kitsch, d' « art brut » et d'art populaire, un extraordinaire talent de récupération des objets les plus hétérogènes, et surtout l'infrangible vivacité émanant d'un peuple sans cesse meurtri... Et il aura cette impression dès l'entrée, avec une porte remplie de sucreries, signée Edouard Duval Carrier. Sucreries pourtant amères, rappelle l'artiste ! Ou bien la sculpture sans titre de Guyodo faite d'éléments composites agglutinés sur une chaise roulante, le tout peint en argent : il se dégage une intense ironie de tous ces rebuts argentés, comme si toute la misère pouvait un jour, miraculeusement, valoir une fortune ! Les oeuvres de Dubréus Lhérisson (crânes humains, paillettes, objets divers, statues couvertes de strass, comiques et menaçantes) évoquent un monde qui a gardé, dans toute sa spontanéité, le sens du magique, du merveilleux, en dépit de la violence naturelle et politique. Les hautes sculptures de Jean Herard Céleur nous racontent l'histoire d'une bien totémique famille Zwazo, qui semble traduire le langage de la psychanalyse sur l'OEdipe en... créole ! Et les symboles de la franc-maçonnerie, étonnamment vivace en Haïti, trouvent ici d'émouvantes transpositions populaires. Beaucoup d'expressions insolites, de cris de colère et de chuchotements poétiques, qu'on ne peut intégralement citer ici.

Bien des surprises, donc, aux détours de ce bazar magique, de ce fourbi hanté par les démons et, si la « lettre » de l'art naïf haïtien se voit bel et bien enterrée, quelque chose de son « esprit » demeure secrètement : une fraîcheur, une poésie, quelque chose d'instinctif et d'habité, comme un pied-de-nez vitaliste à notre art conceptuel et perclus d'érudition.
Pierre Corcos
18-12-2014
 
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Verso n°136

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