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[verso-hebdo]
16-01-2014
La lettre hebdomadaire
de Jean-Luc Chalumeau
La ruée vers l'art
La ruée vers l'art est le titre d'un film documentaire sorti en salles le 16 octobre 2013. Au moment où j'écris cette lettre, janvier 2014, il n'est plus visible en région parisienne qu'au cinéma Saint André des Arts, pour une unique séance par jour. Le public ne semble donc pas s'être rué vers le film de Catherine Lamour, écrit en collaboration avec une autre journaliste, Danièle Granet, et c'est un peu dommage. Non pas que ce film soit particulièrement bon, on va voir pourquoi, mais en raison de ce qu'il laisse deviner à travers ses insuffisances mêmes. Mesdames Lamour et Granet ont déjà publié ensemble Grands et petits secrets du monde de l'art (Fayard, 2010), un livre bourré d'informations ponctuelles fort intéressantes, mais qui peinait à dominer son sujet. Le film en est l'exacte illustration ; ceux qui l'ont raté peuvent espérer le voir bientôt à la télévision, puisque Arte et Canal+ figurent parmi les producteurs. Il commence par une déclaration commune des enquêtrices : « nous n'appartenons pas au sérail des critiques d'art, c'est un atout car personne ne se méfie de nous ». Soit, mais cet anonymat leur a valu de fort désagréables expériences qui ont été filmées et qu'elles ont bizarrement conservées au montage : par exemple la scène où Larry Gagosian, le plus puissant marchand du monde, dit sèchement à l'une d'elles « don't touch me » avant de disparaître, ou bien celle dans laquelle François Pinault, hélé dans la foule à la Punta della Dogana, refuse (avec le sourire) de répondre à leur question, il est vrai assez plate pour ne pas dire idiote (« quelle est votre dernière découverte ? »).

Bref, Catherine Lamour et Danièle Granet doivent convenir que « nous n'appartenons pas à leur monde », ce qui fait que les professionnels qu'elles parviennent à approcher ne leur jettent en aumône que des évidences : Georgina Adam expliquant la ruée vers l'art par la « culture new age » et Pierre Huber assénant comme une révélation que « l'argent a pris le pouvoir sur l'art lui-même ». Personne n'en doute, mais ce que l'on voudrait savoir, c'est comment on a pu en arriver là. Or ce n'est jamais expliqué par le film qui se contente de donner plus ou moins longuement la parole à des spécialistes (le courtier Philippe Ségalot) ou des artistes du top niveau financier (Urs Fischer ou Zhang Huan) qui ne profèrent que d'autres évidences du genre « quand on vend cher on peut choisir ses marchands » (Zhang Huan). On comprend dès lors la férocité des commentaires de la presse : « à voir la bonhomie avec laquelle nombre d'acteurs baladent nos deux non-initiées dans ce royaume de l'argent roi, observe Sabine Gignoux dans La Croix, on ne peut s'empêcher d'éprouver un léger frisson. »
De son côté, Le Monde note que « la voix off déverse des commentaires orientés et démagogiques qui laissent pantois ». Et il conclut que ce documentaire est « pour le moins superficiel, en dépit de ses allures de superproduction d'investigation. »

Venons-en à ce que ce film laisse entrevoir malgré lui. Je prendrai l'exemple de Pierre Huber, le grand marchand de Genève, l'homme qui fit de la foire de Bâle la première du monde et que ces dames présentent comme « connu et redouté pour sa liberté de parole ». Je me souviens en effet avoir dîné naguère en sa compagnie chez une artiste-peintre qui l'invitait, à l'évidence, dans l'espoir d'entrer dans sa galerie. Il lui fit comprendre, non pas qu'il n'aimait pas sa peinture (quelques compliments ne coûtent rien à cette personne affable) mais que cette peinture, du simple fait qu'elle était peinture, n'avait aucune chance de se faire une place sur le marché.
Attentif, donc, aux lois nouvelles du marché international de l'art auxquelles il se soumet visiblement d'assez bon coeur, Pierre Huber fait semblant d'en démonter les mécanismes devant la caméra à propos de Damien Hirst, et c'est là que l'insuffisance de l'enquête apparaît cruellement. Pour expliquer les cotations fabuleuses de Hirst, Pierre Huber évoque de manière assez vague et embrouillée les synergies établies par Charles Saatchi entre lui-même, des collectionneurs et des maisons de ventes pour conclure que si Damien Hirst vend avec le million de dollars comme unité de compte, cela ne veut pas dire qu'il est « forcément » un bon artiste, et cela ne veut surtout pas dire que John Armleder, par exemple, dont les oeuvres atteignent avec peine 60.000 dollars, soit moins bon que lui. Certes, mais alors ? Le spectateur reste sur sa faim. Ce qu'il aurait fallu faire dire à Huber et, pourquoi pas, à Saatchi lui-même, c'est précisément comment on fait parvenir un artiste pas meilleur qu'un autre à d'énormes cotes. Cela, ni le livre ni le film de Catherine Lamour n'en soufflent mot. Les enquêtrices se seraient-elles heurtées à une omerta ressemblant étrangement à celle par laquelle se protège la mafia ?
J.-L. C.
verso.sarl@wanadoo.fr
16-01-2014
 
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Verso n°136

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