Dossier Véronique Bigo
Une poétique de la valeur

par Robert Bonaccorsi

mis en ligne le 21/04/2011

Paradoxe toujours, la peinture de Véronique Bigo se veut conceptuelle (« la véritable avant-garde est dans la pensée pas dans les techniques de réalisation»)[4], pour autant l’artiste a trouvé une adéquation parfaite entre son propos et sa technique (l’utilisation du noir comme contrainte discursive et sensuelle).
Elle met en œuvre une économie de moyens au profit d’une réflexion sur l’économie de l’art. Sur la valeur d’usage, sur la valeur esthétique de l’art, sur la dialectique de la représentation, de la production et de la réception de l’œuvre. Très concrètement, la peinture de Véronique Bigo remet en cause toute idée de lecture innocente, ainsi que les notions même d’objectivité des normes et des effets plastiques. En ce sens, elle confirme le principe méta-physique qui définit sa peinture, un processus où se distingue la volonté d’aller au-delà des conventions, des truismes, des certitudes.
Sauter aux yeux pour mieux déclencher la réflexion sur, par et pour l’image ! Une peinture intégrant spécifiquement sa propre critique en contrepoint d’une relecture permanente de l’histoire de l’art. L’ordonnancement logique du propos peut créer un ultime malentendu qu’il importe de dissiper car il s’apparenterait très vite à un véritable contresens. La réelle maîtrise de ce travail qui se décline dans un enchaînement cohérent ne doit pas occulter la part de rêve qui le provoque et le détermine. La notion de parcours doit être ici convoquée. Véronique Bigo (particulièrement depuis le tout début du nouveau siècle) crée à partir d’un lieu, d’une histoire, d’un personnage « une série de tableaux ou de dessins qui, à travers des objets, racontent ce personnage, ce lieu... histoires de mémoires, histoires vraies mais aussi possiblement vraies. Les installations permettent de déambuler dans des sites, des musées, des villes et de les percevoir autrement »[5].
De fait, cette notion d’errance, de déambulation, de dérive même, peut s’appliquer à l’ensemble de la démarche. Une pratique que je rattacherais volontiers à des sources littéraires : Le Flâneur des deux rives de Nerval, la course d’Isidore Ducasse/Lautréamont dans le quartier de la Bourse, Le Paysan de Paris d’Aragon, Nadja de Breton mais aussi Léon-Paul Fargue, Léo Malet, Isidore Isou, les Lettristes, les Situationnistes... Véronique Bigo possède la virtuosité qui permet d’évoquer et de provoquer l’inattendu en réinterprétant le réel par les représentations fragmentées en forme de fantasmagories baroques. Par ce jeu permanent, inhérent à l’histoire, sur le cadre, la déconstruction, le sens du détail, la précision ludique, la peinture de Véronique Bigo démontre sa capacité à appréhender la complexité et les désordres du monde. La valeur poétique légitime de cette façon une poétique de la valeur.

Robert Bonaccorsi

4. Véronique Bigo, op.cit., p.117/118 du présent ouvrage.

5. Véronique Bigo, dossier de presse de l’exposition Villa Tamaris, 2011.

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