Biographie

Léo the last !

par Thierry Laurent

mis en ligne le 21/04/2011


A Manhattan, Léo se laisse bercer par une vie de dandy, de mondain invétéré, vivant au crochet du fortuné beau-père, tout en fréquentant le MoMa, où il découvre, entre autres, les Demoiselles d’Avignon. Certes il n’est pas vierge de toute expérience artistique puisqu’il a monté dans le Paris de l’immédiat avant-guerre une galerie place Vendôme, en association avec le marchand René Drouin, où sont exposées les dernières créations en matière de mobilier. C’est bien sûr l’incontournable Mihai qui a financé le projet, histoire d’occuper son gendre et sa fille.

Les jeunes époux mènent grand train entre l’hôtel particulier du beau père de la 77° rue et leur splendide maison de vacances sur Jericho Lane à East Hampton. A la fin de la guerre, Léo le polyglotte retournera en Europe sous l’uniforme américain comme officier de traduction de l’état -major de l’armée de libération. Il a le temps de voir mourir son père dans l’hospice où il a été recueilli, ruiné et miné par plusieurs années de traque antisémite.

Suit à New York une période de dilettantisme où Léo, qui mène une vie de parfait séducteur tiré à quatre épingles, se veut davantage observateur qu’acteur de la scène artistique. Il fréquente assidument les ténors de l’art : le critique Clément Greenberg, défenseur des expressionnistes abstraits, mais aussi Alfred Barr, directeur du MoMA, sans omettre plus tard Alan Solomon, qui dirige le Jewish Museum. Léo organise de grandes fêtes, invite les milieux de l’art, et tisse presque par inadvertance les mailles son futur réseau.
Toutefois, Léo n’est pas totalement inactif : il s’occupe de vendre et de faire connaître les œuvres de Kandinsky que lui confie la veuve du grand artiste rencontrée lors de son séjour en France.

Le futur grand marchand préfère pour le moment s’associer à d’autres galeries pour organiser des expositions ponctuelles, comme la très remarquée confrontation entre jeunes peintres abstraits de l’école de New York et les figures de l’école de Paris, chez le galeriste Sidney Janis. Nous sommes en 1951. Pour le moment, Léo défend les jeunes caciques de l’abstractionnisme abstrait, Jackson Pollock, Willem de Kooning en particulier.

Léo décide enfin d’abandonner la posture du dandy érudit et affable et de voler enfin de ses propres ailes. Le 3 février 1957, il ouvre sa première galerie en nom propre, en convertissant une partie de l’appartement qu’il occupe avec son épouse en salles d’exposition. Les artistes proposés sont Jackson Pollock et Robert Delaunay, ultime démarche de confrontation transatlantique.
A cette époque, Castelli fait œuvre de pionnier. Car les artistes américains qu’il défend n’ont aucune reconnaissance sociale, ils vivent à l’image des artistes maudits, dans des ateliers sans chauffage, sans électricité, sans eau courante. Leur lot commun est la misère tant les prix pratiqués sur le marché sont faibles. Bien des stars de la scène américaine ont commencé leur carrière en vivant des subsides réguliers alloués par le couple fortuné, Ileana et Léo.

pages 1 / 2 / 3 / 4
suite >
< retour
 
action d'éclat
LEO CASTELLI ET LES SIENS par Annie Cohen-Solal Ed Gallimard