La chronique de Thierry Laurent

L’art contemporain ou l’esthétique du chaos.

par Thierry Laurent

mis en ligne le 01/09/2011

Artprice.com est donc leader sur ce créneau d’avenir : la vente en ligne. L’outil informatique est mille fois plus efficace pour identifier les acheteurs potentiels répartis sur l’ensemble de la planète, en Chine, aux Etats-Unis, en Inde ou en Angleterre, que les vieilles opérations de relations publiques menées par feu les traditionnelles maisons de vente. Le ciblage d’une clientèle acheteuse rendue possible par l’informatique est le « Saint Graal absolu », précise encore Daniel Ehrmann.

Bien sûr, avec les nouvelles données technologiques, le statut de l’œuvre d’art change du tout au tout. Une œuvre d’art cesse d’être un objet de délectation pour devenir un pur produit financier dont la désirabilité est tributaire des paramètres économiques qui oriente sa cote.

Plus besoin d’examiner une œuvre d’art, de ressentir de l’émotion, l’appel du cœur : une œuvre d’art s’apprécie comme un titre de bourse, en fonction des algorithmes qui déterminent la progression de sa cote. Dans cette optique, Artprice.com se fait fort de fournir toute une série d’outil mathématiques comparables à ceux utilisés par les hedge funds.

L’évolution de la cote d’un artiste dépend en dernier ressort des paris sur l’avenir d’un petit nombre d’initiés du marché de l’art : oligarques russes, magnats chinois, traders de la finance, propriétaires des groupes de luxes. Aux marchands, aux critiques, aux commissaires d’exposition de se plier aux anticipations de cette élite détentrice de l’essentiel des richesses mondiales, sinon, point de financements, point de carrière possible, point de salut.
Les œuvres d’art n’existe plus pour leur supposée qualité intrinsèque, mais par leur prix sur les marchés, des prix qui se fabriquent à coup de bluff et d’ententes entre marchands et collectionneurs. Etre un grand artiste, c’est vendre cher sa peau.

Les critiques d’art, les intellectuels du Ministère de la Culture, les commissaires d’exposition et autres philosophes de l’esthétique, tantôt par cynisme, tantôt par naïveté, souvent par carriérisme, sont les thuriféraires d’un capitalisme dont la violence n’épargne pas le monde de l’art. Etre artiste, critique, galeriste, c’est forcément se plier aux diktats d’un marché en dehors duquel tout artiste est voué à l’oubli, faute de visibilité médiatique. Affirmer le contraire est faire preuve de tartufferie. Mais les tartuffes sont légions. Le paradoxe est que le marché de l’art s’accommode d’autant mieux de la sauvagerie libérale qu’il baigne dans le mensonge organisé. Ce mensonge qui consiste à laisser entendre qu’artistes, critiques d’art et autres commissaires d’exposition seraient les militants d’une esthétique transgressive, d’une critique conceptuelle de notre système, d’une réflexion  sociale, voire philosophique. En réalité, les critiques d’art et les savants théoriciens ne font de nos jours que contribuer à la prospérité d’une système réduit au seul jeu d’algorithmes, source de plus- values faramineuses pour les détenteurs du pouvoir financier.

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